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21/01/2020 | FRANCE | N°19LY02356

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 21 janvier 2020, 19LY02356


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... se disant Khaled Amara a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 12 février 2019 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence, d'enjoindre au préfet de mettre en oeuvre la procédure d'effacement de son sig

nalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et de mett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... se disant Khaled Amara a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 12 février 2019 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence, d'enjoindre au préfet de mettre en oeuvre la procédure d'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1901217 du 15 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2019, M. A... se disant Khaled Amara, représenté par Me C..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1901217 du 15 février 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 12 février 2019 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de mettre en oeuvre la procédure d'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait quant à son âge et méconnaît le 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 111-6 du même code, dès lors qu'il est mineur à la date de la décision en litige ;

- elle méconnaît l'article L. 511-1 du même code ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire,

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît le 1° du troisième alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois,

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est mineur et que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du même code, dès lors qu'il est mineur et qu'elle l'empêche de poursuivre ses études ;

s'agissant de l'assignation à résidence,

- elle méconnaît le premier alinéa du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que son éloignement ne peut avoir lieu dans une perspective raisonnable ;

- les modalités de présentation aux services de police sont disproportionnées, dès lors qu'il est pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance et est scolarisé dans un établissement public d'enseignement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2019, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... se disant Khaled Amara a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Drouet, président assesseur.

Considérant ce qui suit :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

1. En premier lieu, le requérant reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de l'insuffisance de motivation de la décision en litige et de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon.

2. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté comme dépourvu de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée.

3. En dernier lieu, il est constant que M. A... se disant Khaled Amara est entré sur le territoire français en se prévalant d'un acte de naissance et d'une carte d'identité apparemment établis par les autorités algériennes et faisant apparaître la dénomination Khaled Amara et une date de naissance au 26 août 2001. Toutefois, et ainsi que l'a reconnu l'intéressé lors de son audition par les services de police le 14 septembre 2018 et que l'a estimé la cellule de fraude documentaire de la direction centrale de la police aux frontières dans un courrier du 30 août 2018, ces documents constituent des faux. Il ressort en outre du procès-verbal d'audition de l'intéressé en date du 12 février 2019, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que la comparaison des empreintes de l'intéressé avec les bases de données espagnoles a permis d'établir qu'il est " connu pour être entré en Espagne le 29 novembre 2017 sous le nom de B... D... né le 11 octobre 2000 à Oran en Algérie ". Ces éléments, remettant en cause les allégations de M. A... se disant Khaled Amara quant à sa minorité, n'ont pas été contredits par l'expertise osseuse et l'odontogramme effectués le 29 novembre 2018 qui ont permis d'évaluer l'âge moyen du requérant, à partir d'une analyse croisée de trois méthodes " autour de 21 ans et un âge minimum de 19 ans ". Dans ces conditions et alors que selon l'expertise osseuse et l'odontogramme effectués le 29 novembre 2018 l'âge moyen de l'intéressé peut être évalué autour de 21 ans et à un âge minimum de 19 ans à partir d'une analyse croisée de trois méthodes, la mesure d'éloignement en litige n'est pas entachée d'erreur de fait quant à l'âge de l'intéressé supérieur ou égal à dix-huit ans à la date de la décision contestée et ne méconnaît pas les dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni celles de l'article L. 111-6 du même code.

Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

4. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 3 que le requérant n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

5. En second lieu, aux termes du troisième alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;/ (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. / (...) ".

6. Il résulte des termes de la décision en litige que le préfet a refusé d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire en se fondant sur des éléments de fait relevant du 3°, et non du 1°, du troisième alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, doit être écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 1° du troisième alinéa du II de cet article.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 6 que le requérant n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

8. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa du III de de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 3, l'intéressé a un âge supérieur ou égal à dix-huit ans à la date de la décision contestée. Il est constant qu'aucun délai de départ volontaire ne lui a été accordé pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. Par suite, et alors même que son comportement ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, la décision litigieuse d'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas entachée d'erreur de droit au regard des dispositions précitées du premier alinéa du III de de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En dernier lieu, aux termes du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

11. L'intéressé, qui a un âge supérieur ou égal à dix-huit ans à la date de la décision contestée, ne justifie pas, comme il le soutient, suivre à cette même date des études. Il est constant qu'il est entré pour la première fois en France au plus tôt en octobre 2017 et qu'il est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Lyon pour des faits de recel de faux et d'escroquerie. Dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois.

Sur la décision fixant le pays de renvoi et l'assignation à résidence :

12. Aux termes qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) / 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) ". Selon le premier alinéa de l'article R. 561-2 de ce code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. ".

13. En premier lieu, en se bornant à faire valoir sans plus de précisions que son éloignement ne peut avoir lieu dans une perspective raisonnable, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions précitées du premier alinéa du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En second lieu, l'intéressé ne justifie pas, à la date de la décision contestée, être pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance ni être scolarisé dans un établissement public d'enseignement, comme il le soutient. Il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que les modalités fixées de présentation aux services de police - deux fois par semaine les lundis et jeudis y compris les jours fériés ou chômés - seraient, en l'espèce, entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... se disant Khaled Amara n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et celles à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... se disant Khaled Amara est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... se disant Khaled Amara, à Me C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 janvier 2020.

2

N° 19LY02356


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02356
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : LAMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-21;19ly02356 ?
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