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15/01/2020 | FRANCE | N°18LY03409

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 15 janvier 2020, 18LY03409


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Import-Export-Transports (SIET) a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Lyon à lui verser la somme de 16 466,73 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation, en réparation de son préjudice résultant de la destruction, après mise en fourrière, d'un véhicule lui appartenant.

Par un jugement n° 1609272 du 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire,

enregistrés les 4 septembre 2018 et 21 octobre 2019, la société Import-Export-Transports (SIET), r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Import-Export-Transports (SIET) a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Lyon à lui verser la somme de 16 466,73 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation, en réparation de son préjudice résultant de la destruction, après mise en fourrière, d'un véhicule lui appartenant.

Par un jugement n° 1609272 du 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 septembre 2018 et 21 octobre 2019, la société Import-Export-Transports (SIET), représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 juillet 2018 ;

2°) de condamner la commune de Lyon à l'indemniser de ses préjudices à hauteur de 15 790,14 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de cette commune une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune a méconnu l'article R. 325-31 du code de la route et a commis un faute en ne lui notifiant pas la mise en fourrière d'un de ses véhicules alors même qu'elle avait été informée qu'elle en était propriétaire ;

- la commune a reconnu sa responsabilité en lui remboursant l'intégralité des frais d'enlèvement, de gardiennage et d'expertise ; les frais de destruction n'ont pas été mis à sa charge ; le jugement est muet sur ce point ;

- la commune ne peut se prévaloir d'une faute exonératoire de sa responsabilité ;

- elle a droit à la réparation de son entier préjudice sans que puisse lui être opposée l'expertise de la valeur vénale du véhicule qui ne lui a pas été notifiée ; elle a été contrainte de louer un camion de remplacement ; elle a exposé, en pure perte, des frais d'immatriculation du véhicule détruit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2019, la commune de Lyon, représentée par la SELARL Itinéraires Avocats, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la limitation de sa condamnation à de plus justes proportions et, dans tous les cas, à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle a régulièrement notifié la mise en fourrière aux seules sociétés identifiées dans le système d'immatriculation des véhicules ; alors qu'elle n'en avait pas l'obligation, elle a adressé la même notification à la SIET ;

- si le gestionnaire de la fourrière a remboursé les frais d'enlèvement et de gardiennage du véhicule, il ne peut en être déduit une reconnaissance par elle de sa responsabilité ;

- à supposer qu'elle ait commis une faute, elle n'est que la conséquence de celles commises par la société appelante qui a laissé son véhicule stationné pendant plus de sept jours au même endroit, ne s'en est pas préoccupé après sa mise en fourrière et n'a pas accompli les formalités d'immatriculation et d'assurance ;

- l'indemnisation demandée est en tout état de cause excessive dès lors que la valeur du véhicule a été expertisée à moins de 765 euros TTC, que la SIET n'établit pas avoir eu besoin de louer un véhicule de remplacement et que les frais d'immatriculation lui reviennent.

Par une ordonnance du 24 octobre 2019, l'instruction a été close le 21 novembre 2019.

Un mémoire présenté pour la commune de Lyon, enregistré le 8 novembre 2019, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la route ;

- l'arrêté du 12 avril 2001 fixant la valeur marchande en dessous de laquelle les véhicules mis en fourrière réputés abandonnés et déclarés par expert hors d'état de circuler dans des conditions normales de sécurité seront livrés à la destruction ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

- et les observations de Me C..., représentant la société SIET et celles de Me A..., représentant la ville de Lyon.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 février 2016, le maire de Lyon a ordonné la destruction du véhicule utilitaire appartenant à la société Import-Export-Transports (SIET), après cent vingt-cinq jours de mise en fourrière pour stationnement abusif sur la voie publique. Par un jugement du 4 juillet 2018, dont la SIET relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de cette société tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de cette destruction.

2. En vertu de l'article L. 325-1 du code de la route, la mise en fourrière d'un véhicule dont le stationnement est en infraction aux dispositions de ce code, peut intervenir à la demande et sous la responsabilité du maire, qui a lui-même, ainsi que ses adjoints, qualité d'officier de police judiciaire. L'article R. 325-31 de ce code précise que la mise en fourrière est notifiée par l'auteur de cette mesure à l'adresse indiquée par le traitement automatisé mis en oeuvre pour l'immatriculation des véhicules, le système d'immatriculation des véhicules (SIV). En vertu de l'article R. 325-32 du même code, cette notification s'effectue par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception et contient notamment une mise en demeure du propriétaire de retirer son véhicule dans un délai de dix jours lorsque l'expert, désigné par l'administration, l'aura estimé à une valeur marchande inférieure à un montant fixé par l'arrêté ministériel du 12 avril 2001 visé ci-dessus, soit 765 euros, et déclaré hors d'état de circuler dans des conditions normales de sécurité. Selon l'article L. 325-7 de ce code, à l'expiration de ce délai de dix jours, le véhicule laissé en fourrière est réputé abandonné et est livré à la destruction.

3. Il résulte de ces dispositions que le maire d'une commune, en sa qualité de gestionnaire du service public de la fourrière automobile, doit s'assurer avant d'ordonner la destruction d'un véhicule que la mise en fourrière a été régulièrement notifiée. La destruction d'un véhicule intervenant à l'issue d'une procédure irrégulière constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

4. Il résulte de l'instruction que la SIET a acquis aux enchères, le 17 septembre 2015, un véhicule utilitaire mis en service le 29 mai 2013. Alors que le I de l'article R. 322-5 du code de la route lui faisait obligation, dans le délai d'un mois à compter de la cession, d'établir un certificat d'immatriculation à son nom, la SIET n'a fait établir ce certificat que le 5 novembre 2015 après la mise en fourrière de son véhicule le 2 novembre 2015. L'auteur de la mise en fourrière a, conformément aux dispositions de l'article R. 325-31 du code de la route, notifié la mesure, d'abord à la SARL Auto-Méca, le 5 novembre 2015 puis à la société CGL le 20 novembre 2015, ces sociétés étant respectivement, selon les informations figurant alors au SIV, locataire et propriétaire du véhicule. Par un courrier du 3 décembre 2015, la société CGL a informé la commune de Lyon de ce que le véhicule mis en fourrière avait été vendu aux enchères et qu'elle n'en était plus propriétaire. A la suite de démarches engagées auprès de l'hôtel des ventes, la commune a adressé à la SIET, par courrier du 14 décembre 2015, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été adressé par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, la notification de la mise en fourrière précisant qu'elle disposait d'un délai de dix jours pour retirer son véhicule et qu'à l'expiration de ce délai, il sera réputé abandonné et ne pourra plus être lui restitué. La SIET, qui conteste avoir été destinataire de la notification de mise en fourrière, s'est présentée le 5 mars 2016 à la fourrière automobile municipale de Lyon où elle a été informée de la destruction de son véhicule.

5. Il résulte de ce qui précède et alors même que l'auteur de la mise en fourrière n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 325-31 du code de la route, que le maire de Lyon a ordonné la destruction du véhicule sans s'assurer que la SIET, à qui une nouvelle notification avait été adressée le 14 décembre 2015, avait été effectivement destinataire de ce courrier la mettant, entre autres, en demeure de retirer son véhicule dans les dix jours. Par suite, la SIET est fondée à soutenir que le maire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune et à demander l'annulation du jugement attaqué.

6. Toutefois, il résulte de l'instruction que la mise en fourrière a été décidée le 2 novembre 2015 alors que le véhicule, signalé " en panne ", stationnait depuis plusieurs jours sur la voie publique. Or, la SIET ne s'est présentée au service municipal, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, que le 5 mars 2016, soit plus de quatre mois après avoir abandonné son véhicule sur la chaussée. La SIET a ainsi fait preuve de négligence de nature à exonérer la commune de sa responsabilité à hauteur de 90% des conséquences dommageables de la destruction du véhicule.

7. Dans le dernier état de ses écritures en appel, la SIET demande à ce que l'indemnisation de son préjudice soit fixée à la somme de 15 790,14 euros correspondant aux frais d'acquisition du véhicule (7 909,60 euros), aux frais d'entretien et de réparation (1 635,47 euros), aux frais de location d'un camion de remplacement (5 903,31 euros) et au coût de son certificat d'immatriculation.

8. Il résulte de l'instruction que le véhicule utilitaire, malgré les réparations et travaux d'entretien réalisés dès son achat, a rapidement rencontré un " problème technique " selon la SIET qui aurait contraint cette dernière à le stationner durablement sur la voie publique. Au cours de cette période, le véhicule a subi des dégradations relevées dans le procès-verbal de mise en fourrière du 2 novembre 2015 et dans le rapport d'expertise établi à la demande de l'administration le 4 novembre suivant. L'expert a par ailleurs estimé que la valeur marchande du véhicule était inférieure à 765 euros et qu'il était hors d'état de circuler dans des conditions normales de sécurité. La SIET n'apporte à la cour aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation de l'expert. Il en résulte qu'elle ne peut prétendre à une indemnisation de la perte de son véhicule supérieure à 765 euros et ce, alors même, qu'elle n'a pas été mise à même de faire procéder à la contre-expertise prévue par l'article R. 325-35 du code de la route.

9. Dans la mesure où son véhicule était hors d'état de circuler dans des conditions normales de sécurité, une restitution à la date à laquelle elle s'est présentée à la fourrière automobile municipale lui aurait imposé préalablement de faire procéder à des réparations indispensables à sa remise en état et de louer, comme elle l'a fait, un véhicule de remplacement pour poursuivre son activité professionnelle. Elle ne peut donc prétendre à l'indemnisation de ce poste de préjudice en l'absence de lien de causalité direct et certain avec la destruction de son véhicule.

10. Enfin, elle ne peut pas davantage prétendre au remboursement des taxes et redevances qu'il lui appartenait en toute hypothèse, en sa qualité de propriétaire du véhicule, de payer pour l'établissement d'un certificat d'immatriculation à son nom.

11. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité due doit être fixée à la somme de 765 euros avant partage de responsabilité et que la commune de Lyon doit être condamnée à verser à la SIET la somme de 76,50 euros.

12. La SIET a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 76,50 euros à compter du 11 mars 2016, date de réception de sa demande préalable adressée à la commune. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment mais si, à la date où elle est demandée, les intérêts sont dus depuis moins d'une année, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par la SIET le 23 décembre 2016 au tribunal administratif de Lyon. Il y a ainsi lieu de capitaliser les intérêts au 11 mars 2017, date à laquelle une année d'intérêts était due, et à chaque échéance annuelle ultérieure.

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1609272 du 4 juillet 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La commune de Lyon versera à la SIET la somme de 76,50 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2016. Les intérêts échus le 11 mars 2017 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Import-Export-Transports et à la commune de Lyon.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 janvier 2020.

2

N° 18LY03409


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03409
Date de la décision : 15/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-06 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services publics communaux.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : CHAREYRE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-15;18ly03409 ?
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