Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Factory développement a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune d'Ecully à lui verser la somme de 3 021 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la faute commise par le maire de cette ville en refusant de lui délivrer un permis de construire et en s'opposant à l'opération de division déclarée par deux arrêtés du 9 octobre 2013.
Par un jugement n° 1601016 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 17 mai 2018, la société Factory développement demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 mars 2018 ;
2°) de condamner la commune d'Ecully à lui verser la somme de 3 021 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Ecully la somme de 5 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune d'Ecully a commis une voie de fait ;
- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision liant le contentieux ;
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le refus de division a été motivé par des considérations relevant d'une demande de permis de construire ;
- le refus de division a été motivé par des considérations relevant d'une demande de permis de construire ;
- la commune d'Ecully a commis une discrimination en accordant un permis de construire à la SCI Ecully Charrière Blanche, dont la demande prévoyait l'abattage de huit arbres, alors que sa propre demande a été rejetée au motif qu'elle prévoyait l'abattage de ces mêmes arbres ;
- les fautes commises l'ont empêchée de réaliser une marge de 2 364 000 euros et lui a fait perdre des honoraires d'un montant de 350 000 euros et lui ont fait subir un préjudice d'image commerciale de 300 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 10 septembre 2018, la commune d'Ecully conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Factory développement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'a pas commis de voie de fait ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 22 novembre 2018, la clôture d'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Savouré, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant La société Factory développement et Me A..., représentant la commune d'Ecully ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Factory développement a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune d'Ecully à lui verser la somme de 3 021 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la faute commise par le maire de cette ville en refusant de lui délivrer un permis de construire et en s'opposant à l'opération de division déclarée par deux arrêtés du 9 octobre 2013. Par un jugement du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande. La société Factory développement interjette appel de ce jugement.
Sur la responsabilité :
2. Pour refuser le permis de construire sollicité par la SARL Factory développement, le maire a fait valoir que " le projet ne tient pas compte de la composition végétale présente sur le terrain et plus particulièrement des huit pinus nigra Austriaca situés à l'alignement de la voie. Ces arbres constituent une barrière végétale importante qui participe à la mise en valeur du site et au bien-être des habitants du quartier. L'étude phytosanitaire qui porte sur les arbres révèle leur état moyen et en aucun cas leur caractère dangereux. Par conséquent l'abattage n'est pas justifié puisque la dangerosité des arbres n'est pas avérée. La qualité végétale du site est donc mise en péril par le projet qui ne s'adapte pas aux éléments existants du site contribuant à les préserver et les mettre en valeur. " Le maire a ainsi estimé que le projet ne respectait pas l'article 13 de la zone UC du plan local d'urbanisme, qui prévoyait que l'aménagement des abords de la construction doit notamment tenir compte " de la composition végétale du terrain préexistante dès lors qu'elle est de qualité, afin de la préserver et de la mettre en valeur ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la notice descriptive du projet soumis au maire par la SARL Factory développement dans son dossier adressé le 5 août 2013 mentionnait : " Le terrassement du sol ne nous permet pas de conserver ces arbres. Il sera donc replanté le même nombre de la même essence sur ce même alignement ". La notice descriptive produite par la SCI Ecully Charrière blanche dans son dossier adressé quelques mois plus tard, le 23 janvier 2014, mentionne quant à elle " Le terrassement du sol ne nous permet pas de conserver ces arbres, de plus l'étude phytosanitaire révèle une certaine dangerosité de leur état. Il sera replanté au total neuf arbres de haute tige et quatre arbustes sur le terrain en compensation (...) ". Il ressort des pièces du dossier que, conformément aux études phytosanitaires présentées par les deux pétitionnaires et qui ont d'ailleurs été établies par le même paysagiste, les deux projets préconisaient l'abattage des arbres. La commune d'Ecully n'apporte aucune explication justifiant que cet abattage ait été accepté lorsqu'il était prévu par le projet de la SCI Ecully Charrière blanche et refusé lorsqu'il était prévu par le projet de la SARL Factory développement.
4. Si, au regard des prescriptions du plan local d'urbanisme, le maire a pu légalement accorder un permis de construire à la SCI Ecully Charrière blanche, il résulte de ce qui a été dit plus haut que, quelques mois plus tôt, il avait refusé à la SARL Factory développement la délivrance d'un permis sur le même terrain, pour un motif qui aurait par conséquent également dû être opposé à la SCI Ecully Charrière blanche s'il avait fait usage des mêmes critères d'appréciation. Par suite, la décision refusant à la SARL Factory développement la délivrance d'un permis de construire doit être regardée comme ayant méconnu le principe d'égalité. Ainsi, le maire a commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune en refusant de lui délivrer un permis de construire.
Sur les préjudices :
5. En premier lieu, l'ouverture du droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain.
6. La société Factory développement soutient qu'elle aurait subi des préjudices consistant en une perte de chance de réaliser des bénéfices à hauteur de 2 364 000 euros et en une perte d'honoraires de gestion pour un montant de 350 000 euros. La société Factory développement ne justifie pas de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ces préjudices comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain.
7. En second lieu, la société Factory développement fait valoir qu'elle a subi un préjudice lié à la perte d'image commerciale et de notoriété qu'elle aurait pu valoriser lors de la construction de ce programme haut de gamme. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à la somme de 5 000 euros.
8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer ni sur la régularité du jugement ni sur l'autre moyen de la requête, que la société Factory développement est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande indemnitaire et qu'elle est fondée à demander que la commune d'Ecully soit condamnée à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune d'Ecully demande sur leur fondement soit mise à la charge de la société Factory développement, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Ecully le paiement à la société Factory développement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés à l'occasion du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601016 du tribunal administratif de Lyon en date du 15 mars 2018 est annulé.
Article 2 : La commune d'Ecully est condamnée à verser la somme de 5 000 euros à la société Factory développement en indemnisation du préjudice d'image commerciale subi par cette dernière.
Article 3 : La commune d'Ecully versera à la société Factory développement la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : les conclusions présentées par la commune d'Ecully au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à La société Factory développement et à la commune d'Ecully.
Délibéré après l'audience 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme B..., présidente,
Mme D..., première conseillère,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.
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N° 18LY01818