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12/12/2019 | FRANCE | N°19LY02466

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 12 décembre 2019, 19LY02466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 mars 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugeme

nt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1902213 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 mars 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1902213 du 20 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2019, M. F..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 mai 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 mars 2019 du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision méconnaît le droit au respect de sa vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il réside habituellement en France depuis l'année 2009 ; il souffre d'importants problèmes psychiatriques en lien avec un vécu traumatique en Algérie

- la décision méconnaît le 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors qu'il réside habituellement en France depuis dix ans au jour de l'arrêté ;

- le préfet avait l'obligation de provoquer, avant de prendre sa décision, l'avis du médecin de l'OFII compte tenu de son état de santé ;

- la décision méconnaît le 10 ° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et sa pathologie ne peut être prise en charge en Algérie ;

Sur la légalité de la décision de refus de délai de départ volontaire :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que le préfet devait retenir l'existence de circonstances particulières tenant à son état de santé et à sa présence en France depuis dix ans ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français sans délai ;

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français sans délai ;

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation compte tenu des éléments précédemment énoncés.

Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2019, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- M. F... n'a jamais évoqué au cours de son audition son état de santé ;

- M. F... n'établit pas l'indisponibilité des molécules qui lui sont prescrites dans son pays ; il a déjà fait l'objet d'un refus de titre de séjour en 2017 et fondé sur son état de santé ; le docteur Webber indique l'absence de toute pathologie psychiatrique spécifique grave ou invalidante ; il n'a pas sollicité de titre de séjour en raison de son état de santé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord franco-algérien du 28 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les observations de Me D... pour M. F...,

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., se disant M. E... F..., ressortissant algérien né le 14 septembre 1985, déclare être entré en France au cours de l'année 2009. Par un arrêté du 14 juin 2011, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Par une nouvelle décision du 28 juillet 2013, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français. Il a été interpellé en 2013 pour usage de stupéfiants, recels et autres vols simples et autres destructions et dégradations de biens privés, en 2015, pour vol aggravé, vol simple et vols de véhicule motorisés, en 2016, pour vol en réunion avec dégradation et autres vols simples, en 2017 pour recel de bien provenant d'un vol, recels, usage illicite de stupéfiants et conduite d'un véhicule sans permis. Par arrêté du 29 août 2017, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le 11 mars 2019, il a fait l'objet d'un contrôle routier et a été placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour. Par un arrêté du 12 mars 2019, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. F... relève appel du jugement du 20 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " et aux termes de l'article R. 511-1 de ce code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour au titre de l'état de santé, l'autorité administrative qui dispose d'éléments d'information suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 du même code, doit, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire, saisir l'autorité médicale mentionnée à l'article R. 511-1 de ce code.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de vérification du droit de circulation ou de séjour du 11 mars 2019 que le préfet aurait été destinataire d'éléments médicaux relatifs à l'état de santé du requérant. A défaut d'éléments sur la nature et la gravité de l'état de santé de M. F..., le préfet du Rhône n'était pas tenu de saisir l'autorité médicale mentionnée à l'article R. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le moyen tiré de l'absence de saisine de l'autorité médicale doit être écarté.

4. S'il ressort des pièces du dossier que M. F... s'est vu délivrer une prescription de médicaments par un neuropsychiatre exerçant à Strasbourg qui le suit régulièrement en consultation psychiatrique, selon les termes d'une attestation de ce médecin en date du 3 novembre 2017, ces éléments ne peuvent suffire à établir que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il serait dans l'impossibilité d'accéder en Algérie à un traitement médical approprié à sa pathologie, et ce alors que, dans le cadre d'une demande de titre de séjour présentée en qualité d'étranger malade au préfet du Bas-Rhin, le médecin de l'agence régionale de santé a indiqué, dans son avis du 1er mars 2017, que le défaut de prise en charge de l'état de santé de M. F... ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Ainsi, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation de M. F... en lui faisant obligation de quitter le territoire français et n'a pas méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. M. F... fait encore valoir qu'à la date de la décision, il résidait en France régulièrement depuis dix ans. Il entend justifier sa présence en France pour l'année 2009, par une ordonnance d'un médecin généraliste et une facture (IKEA), pour l'année 2010, par une facture d'un opérateur téléphonique concernant des communications téléphoniques de janvier, et une ordonnance d'un médecin généraliste, pour l'année 2011 par un devis d'une entreprise de serrurerie, pour l'année 2012 par deux factures, pour l'année 2013, par une décision du 28 juillet 2013 du préfet du Rhône portant obligation de quitter le territoire français, deux ordonnances du centre hospitalier Lyon-Sud, pour l'année 2014, par un refus de l'adjoint au maire de Saint-Fons de procéder à son mariage faute de justifier de son domicile dans cette commune et une ordonnance du centre hospitalier Saint-Joseph-Saint-Luc, pour l'année 2015 par une facture et des feuilles de soins, pour l'année 2016, par des ordonnances de juillet, septembre, octobre, décembre, le dépôt en novembre d'une demande de délivrance d'un titre de séjour. Toutefois, ces documents ne suffisent pas à établir le caractère habituel de sa présence sur le territoire français à compter de l'année 2009. Par suite, et alors que l'intéressé est célibataire et sans enfant à charge et nonobstant la circonstance qu'il suit en France un traitement antidépresseur, le préfet du Rhône, en lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté pas une atteinte disproportionnée au droit de M. F... à la protection de sa vie privée et familiale.

6. Ainsi qu'il vient d'être dit, M. F... ne justifie pas résider en France depuis plus de dix ans, il ne peut donc soutenir qu'il entrerait dans le cas où il pouvait se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

Sur la légalité de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre du requérant n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité de ladite décision ne peut être accueillie.

8. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " ...l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 (...) ".

9. M. F... ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français ni bénéficier d'un hébergement stable en France. En application des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il pouvait donc légalement se voir opposer une obligation de quitter le territoire français sans délai. S'il invoque son état de santé ou la durée de son séjour en France, il n'établit pas, eu égard à ce qui a été dit précédemment, que ces éléments pouvaient constituer des circonstances particulières de nature à justifier que le préfet considère qu'il n'existait pas de risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui était faite de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Les moyens invoqués à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans :

11. Dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux éléments mentionnés précédemment, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur d'appréciation en assortissant l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français.

12. Les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ayant été écartés, M. F... n'est pas fondé à exciper de leur illégalité à l'encontre de la décision portant interdiction de retour.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressé au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 décembre 2019.

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N° 19LY02466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02466
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-12;19ly02466 ?
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