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12/12/2019 | FRANCE | N°19LY00026

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 12 décembre 2019, 19LY00026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Gor Lyon a saisi le 27 novembre 2018 le tribunal administratif de Lyon d'une demande de condamnation de l'établissement public Voies Navigables de France (VNF) à lui verser la somme de 1 715 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance n° 1808653 du 20 décembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a condamné VNF à verser une provision d'un mon

tant de 1 386 000 euros à la société Gor Lyon, sous réserve de la constitution d'u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Gor Lyon a saisi le 27 novembre 2018 le tribunal administratif de Lyon d'une demande de condamnation de l'établissement public Voies Navigables de France (VNF) à lui verser la somme de 1 715 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance n° 1808653 du 20 décembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a condamné VNF à verser une provision d'un montant de 1 386 000 euros à la société Gor Lyon, sous réserve de la constitution d'une garantie par cette dernière.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée sous le n°19LY00026 le 4 janvier 2019, complétée par des mémoires enregistrés les 11 juin et 1er juillet 2019, Voies Navigables de France, agissant par ses représentants légaux et représenté par Me C..., demande au juge des référés de la cour :

1°) à titre principal, d'annuler l'ordonnance n° 1808653 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer la subordination du versement de toute provision à la constitution d'une garantie à hauteur du montant de la provision versée.

3°) de mettre à la charge de la société Gor Lyon la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

VNF soutient que :

- les éléments comptables et techniques produit par la société Gor Lyon, établis de façon non contradictoire, ne peuvent justifier le montant de la provision retenu par le premier juge car la créance était sérieusement contestable à hauteur d'un tel montant ;

- les différents rapports et études, notamment celle diligentée par le cabinet Mazars, auxquels elle a depuis fait procéder permettent ainsi de minorer considérablement ce montant, compte tenu de l'impossibilité d'extrapoler les résultats momentanés d'une activité marquée par une forte tendance à la baisse ;

- certains des éléments financiers avancés par la société pour justifier le montant demandé ne peuvent être retenus, notamment le poste " immobilisations non amorties " et la perte d'un fonds de commerce ;

- toute provision devra en tout état de cause être soumise à constitution de garantie ;

- il y a lieu de recourir à une expertise pour permettre au juge du fond de se prononcer en toute connaissance de cause.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2019, complété par mémoire enregistré le 18 juillet 2019, la société Gor Lyon, représentée par Me A..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête et à la réformation de l'ordonnance attaquée en portant le montant de la provision à la somme de 1 608 000 euros, en la dispensant de la constitution d'une garantie ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter le montant de la garantie à la somme de 662 000 euros ;

3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de VNF la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le requérant ne conteste pas le principe de son droit au versement d'une provision mais seulement le montant de celle-ci ;

- la somme retenue par le premier juge au titre de sa perte de bénéfice correspond bien à la partie non sérieusement contestable de sa demande ;

- les constats de l'expert missionné par VNF ne sont pas sensiblement différents quant au montant du gain manqué et il n'est pas exact de faire état de ses prétendues difficultés pour minorer ses droits ;

- le cabinet Mazars est lié au requérant en sa qualité de commissaire aux comptes ;

- une nouvelle expertise serait frustratoire ;

- elle peut prétendre à l'indemnisation du préjudice causé par l'absence d'amortissement de certains investissements ;

- la constitution d'une garantie, le cas échéant, doit tenir compte du montant admis par VNF de son préjudice.

Le mémoire produit pour Voies Navigables de France le 24 juillet 2019 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Hervé, président, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

- et les observations de Me C... représentant Voies Navigables de France et celles de Me B..., représentant la société Gor Lyon.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Par application de ces dispositions, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a condamné l'établissement Voies Navigables de France à verser une provision d'un montant arrêté à la somme de 1 386 000 euros à la société Gor Lyon, qui occupait un immeuble appartenant au domaine public fluvial en vertu d'une convention dont le terme avait été initialement fixé au 13 septembre 2029, mais à laquelle l'établissement public a unilatéralement mis fin prématurément pour un motif d'intérêt général. Le premier juge a considéré que la réparation du préjudice subi par la société qui avait été contrainte de mettre un terme prématuré à son activité de bar restaurant faisait naître en l'état de l'instruction devant le juge des référés une obligation non sérieusement contestable pour le montant retenu à la charge de VNF. Il a cependant conditionné le versement de cette provision, dont il a exclu du montant le coût allégué de l'absence d'amortissement de certaines immobilisations, à la constitution d'une garantie selon les modalités prévues au livre des procédures fiscales.

2. VNF demande l'annulation de cette ordonnance et le rejet de la demande présentée par la société Gor Lyon, laquelle, par la voie de l'appel incident, en demande la réformation en ce qui concerne le montant de la provision et l'obligation de constitution de toute garantie supplémentaire.

Sur le montant de la provision :

3. Pour démontrer que l'obligation mise à sa charge est sérieusement contestable, VNF qui ne critique dans son argumentation initiale devant la cour que le montant de la provision retenu par le premier juge sans contester le principe d'une obligation indemnitaire pour compenser les effets de la résiliation anticipée de la convention, se réfère surtout aux conclusions des études auxquelles l'établissement a fait procéder, en reprochant à celles produites devant le premier juge par la société Gor Lyon un défaut de prise en compte de la dégradation continue de ses résultats. Cette circonstance doit conduire selon elle, par projection, à une baisse constante sur le long terme de ses résultats, et par suite, à la minoration significative de la provision susceptible de compenser le manque à gagner, voire même, ainsi que soutenu dans le dernier état de ses écritures, à ce que le montant de cette provision soit nul.

4. Il appartient au juge du référé saisi d'une demande de provision qui se rattache comme en l'espèce à la réparation d'un préjudice économique lié à l'interruption d'une activité commerciale de ne faire droit à cette demande que pour la fraction du montant demandé qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

5. Pour déterminer le montant prévisible et non sérieusement contestable de la provision à laquelle la société Gor Lyon pouvait prétendre, le premier juge a retenu le bénéfice net avant impôts le plus faible constaté au cours des trois dernières années d'exercice, après avoir rappelé que les expertises comptables au dossier et organisées tant à l'initiative de la société requérante que de VNF étaient concordantes pour établir ce niveau de résultats. Le premier juge a toutefois écarté du montant de la somme provisionnelle que la société Gor Lyon pouvait obtenir le montant de la perte financière réputée due à l'impossibilité dans laquelle la société aurait été placée d'amortir certaines immobilisations. En effet, et pas plus devant la cour en appel que devant le premier juge, la société Gor Lyon n'a produit aux débats les éléments probants permettant d'établir la nature et le caractère non transférable des immobilisations dont elle fait état.

6. Eu égard à la nature de l'activité (bar et restauration) et la localisation de l'établissement situé sur un quai de la Saône dans le centre de Lyon, l'activité commerciale de la société exploitante, qui avait par ailleurs le loisir d'adapter son offre aux attentes d'une clientèle par nature renouvelable, était susceptible de se maintenir jusqu'au terme de la convention d'occupation des dépendances exploitées, alors même qu'elle ne bénéficiait plus de places de stationnement réservées à proximité immédiate de son établissement et que ses résultats stagnaient au cours des dernières années d'activité prises en références dans les études produites contradictoirement aux débats.

7. Toutefois, même si la pérennité de l'activité pouvait être envisagée ainsi qu'il vient d'être dit, et pour tenir compte tant des particularités des résultats produits aux débats, notamment de la proportion de certains produits exceptionnels concourant aux résultats, que de l'incertitude, le risque et l'aléa pesant par nature sur le maintien d'un niveau égal d'activité au cours d'une période relativement longue, et par suite sur la variation des résultats, il y lieu pour tenir compte de l'ensemble de ces circonstances, sans qu'il soit besoin à ce stade de faire à nouveau procéder à une expertise comptable, de minorer le bénéfice moyen annuel pris en compte par le premier juge en l'évaluant à 90 000 euros, pour fixer, en retenant la même période de 128 mois le montant de la provision à la somme de 960 000 euros comme étant celui non sérieusement contestable au vu des éléments discutés par les parties.

8. Il suit de ce qui précède que les conclusions incidentes de la société Gor Lyon tendant à la majoration de la provision allouée par le premier juge doivent être rejetées.

9. Il résulte de l'instruction que la provision allouée par le premier juge pour un montant de 1 386 000 euros a effectivement été versée par VNF à la société Gor Lyon qui a, conformément à l'injonction du juge des référés du tribunal administratif de Lyon, constitué une garantie pour en assurer le remboursement éventuel. Dès lors que la présente décision réduit le montant de la provision due par VNF, les conclusions de l'établissement public tendant à la constitution d'une garantie ne peuvent qu'être rejetées.

10. Il suit de ce qui précède que le montant de la provision allouée par l'ordonnance attaquée doit être réduit à 960 000 euros et que le surplus des conclusions des parties relatives au montant et à la garantie de la provision doit être rejeté.

Sur les frais non compris dans les dépens :

11. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions que les parties ont présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La provision mise à la charge de Voies Navigables de France est réduite à la somme de 960 000 euros.

Article 2 : L'article 1er de l'ordonnance n° 1808653 du 20 décembre 2018 est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Voies Navigables de France et à la société Gor Lyon.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 décembre 2019.

2

N° 19LY00026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00026
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015-04 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision. Conditions.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Jean-Louis d'HERVE
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-12;19ly00026 ?
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