Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 juillet 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui remettre un récépissé de sa demande de titre de séjour présentée le même jour, d'enjoindre au préfet de lui remettre ce récépissé, d'examiner sa situation en le munissant dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour et de travail, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " salarié ", sinon, " vie privée et familiale ", de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique et d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1704731 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2019, M. C... B..., représenté par Me Metral, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1704731 du 31 janvier 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 juillet 2017 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui remettre un récépissé de sa demande de titre de séjour présentée le même jour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie d'examiner sa demande de titre de séjour en le munissant dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est entaché de l'incompétence de son signataire ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- le motif de la décision en litige fondé sur le I de l'article L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'erreur de droit, dès lors que ces dispositions n'interdisent nullement à un étranger destinataire d'une obligation de quitter le territoire français devenue définitive de déposer une demande de régularisation de sa situation au regard du droit au séjour ;
- le préfet ne saurait utilement lui opposer l'absence d'éléments nouveaux dans sa demande de titre de séjour présentée le 11 juillet 2017, dès lors qu'il n'avait pas déposé de précédente demande de titre de séjour.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Drouet, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. En premier lieu, par un arrêté du 10 mai 2017, publié le même jour au recueil des actes administratifs du département, le préfet de la Haute-Savoie a donné à Mme D... A..., chef du service de l'immigration et de l'intégration à la préfecture de la Haute-Savoie et signataire de la décision en litige, délégation à l'effet de signer notamment tous actes et décisions concernant les récépissés de demande de titre de séjour et d'abrogation de titres de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté.
2. En deuxième lieu, M. B... reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance et tiré du défaut de motivation de la décision en litige. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Grenoble.
3. En dernier lieu, aux termes du I de l'article L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'obligation de quitter sans délai le territoire français, qui n'a pas été contestée devant le président du tribunal administratif dans le délai prévu au II de l'article L. 512-1 ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation, peut être exécutée d'office. / (...) ". Selon l'article R. 311-4 de ce code : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise. (...) ". En vertu des articles R. 311-12 et R. 311-12-1 du même code, le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet au terme d'un délai de quatre mois.
4. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
5. La décision contestée de refus de remise d'un récépissé de demande de titre de séjour est fondée sur le motif qu'en vertu du I de l'article L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français sans délai, prise le 1er avril 2016 à l'encontre de M. B... et devenue définitive, peut être exécutée d'office sans limitation de durée. Cette circonstance ne pouvait pas, à elle seule, justifier un tel refus. Ainsi, le motif retenu dans la décision en litige est entaché d'erreur de droit.
6. Toutefois, pour établir que la décision en litige était légale, le préfet de la Haute-Savoie invoque, dans son mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2018 au greffe du tribunal administratif de Grenoble et communiqué à M. B..., un autre motif, tiré de ce que sa demande de titre de séjour présentée le 11 juillet 2017, qui ne reposait sur aucun élément nouveau par rapport à sa demande antérieure de titre de séjour déposée le 9 mai 2016, avait un caractère abusif ou dilatoire.
7. Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'en dehors du cas d'une demande à caractère abusif ou dilatoire, l'autorité administrative chargée d'instruire une demande de titre de séjour ne peut refuser de l'enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l'appui de cette demande est incomplet. En revanche, lorsqu'un étranger a fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée, cette circonstance s'oppose à ce qu'un nouveau récépissé lui soit délivré, sauf si des éléments nouveaux conduisent l'autorité préfectorale à l'autoriser à former une nouvelle demande.
8. Il est constant que M. B..., ressortissant algérien, a fait l'objet le 1er avril 2016 d'une obligation de quitter le territoire français sans délai qu'il n'a pas exécutée. Il ressort des pièces produites en première instance par le préfet de la Haute-Savoie que l'intéressé a, contrairement à ce qu'il soutient en appel, déposé le 9 mai 2016 à la préfecture de la Haute-Savoie une première demande de titre de séjour, laquelle a été rejetée par décision implicite née le 9 septembre 2016 en raison du silence gardé par le préfet pendant quatre mois sur cette demande. Il est constant que la seconde demande de titre de séjour présentée par M. B... le 11 juillet 2017 ne reposait sur aucun élément nouveau par rapport à la précédente. Dans ces conditions, elle revêt un caractère abusif. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Haute-Savoie aurait pris la même décision de refus de remise du récépissé de la demande de titre de séjour présentée le 11 juillet 2017 s'il s'était initialement fondé sur le motif tiré du caractère abusif de cette demande, lequel est de nature à fonder légalement la décision litigieuse. Il y a lieu, dès lors, de procéder à la substitution de motif demandée, laquelle ne prive M. B... d'aucune garantie procédurale.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le préfet de la Haute-Savoie à la demande de première instance de M. B..., que celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et celles à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Drouet, président de la formation de jugement,
Mme Caraës, premier conseiller,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 novembre 2019.
L'assesseur le plus ancien,
R. CaraësLe président rapporteur,
H. Drouet
Le greffier,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 19LY01674
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