Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 modifiée relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Drouet, président assesseur,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- les observations de Me Abellan-Montaut, avocat, pour Mme B... épouse C...,
- et les observations de Me Demailly, avocat (Cabinet Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation), pour le centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse C..., née le 27 avril 1959, qui souffrait d'une dysplasie de la hanche droite à la suite d'une poliomyélite contractée à l'âge de dix-huit mois, a subi 3 novembre 1994 dans une clinique privée d'Aix-les-Ba ins une intervention chirurgicale de pose d'une prothèse totale de la hanche droite. A la suite d'une rupture de deux vis de la pièce cotyloïdienne de cette prothèse, elle a fait l'objet, le 17 septembre 2003, d'une intervention chirurgicale au centre hospitalier universitaire de Grenoble consistant en un changement du cotyle avec greffe spongieuse, puis, le 25 avril 2005, d'un nouveau changement de cotyle dans ce même établissement. Elle a subi, dans une clinique privée d'Epinal, une opération de dépose totale de sa prothèse de la hanche droite le 1er juillet 2015 puis une intervention de pose d'une nouvelle prothèse totale de la hanche droite le 14 octobre 2015. Par jugement n° 1203096 du 13 octobre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme B... épouse C... et de caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère tendant à la réparation par le centre hospitalier universitaire de Grenoble des conséquences dommageables de de l'intervention chirurgicale subie le 17 septembre 2003 dans cet établissement. Par arrêt n° 15LY03962 du 16 novembre 2017, la cour a, à la demande de Mme B... épouse C..., annulé ce jugement et, avant de statuer sur les conclusions de sa requête n° 15LY03962 tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes à réparer les conséquences dommageables de l'infection qu'elle estime avoir contractée à la suite de l'intervention chirurgicale du 17 septembre 2003, a ordonné une expertise médicale sur l'existence d'une telle infection et sur les préjudices en résultant.
2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. " Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
3. En premier lieu, Mme B... épouse C... soutient qu'elle a été victime d'une infection nosocomiale à la suite de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 17 septembre 2003 au centre hospitalier universitaire de Grenoble.
4. D'une part, il ressort des résultats de sept prélèvements per- et postopératoires réalisés entre le 1er juillet 2015 et le 11 juillet 2015 à l'occasion de l'opération de dépose totale de la prothèse de la hanche droite pratiquée le 1er juillet 2015 à Épinal, que deux de ces sept prélèvements font apparaître " d'assez nombreuses colonies " de Proprionibacterium acnes, les cinq autres faisant apparaître de " rares ou quelques colonies " de la même bactérie. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée le 16 novembre 2017 par la cour et n'est pas sérieusement contesté par Mme B... épouse C... ni par le professeur Rabaud en son rapport du 19 juin 2019 établi à la demande de celle-ci, que les deux prélèvements précités doivent être interprétés comme positifs à la bactérie Proprionibacterium acnes et que les cinq autres doivent être regardés comme négatifs à cette bactérie. Dans ces conditions, comme le relève l'expert désigné dans le cadre de l'expertise ordonnée par la cour et en vertu du paragraphe 2.5.1 des recommandations de pratique clinique du 13 mai 2009 en matière d'infections ostéo-articulaires sur matériel selon lequel le caractère certain d'une telle infection est notamment révélé par la présence d'au moins trois prélèvements positifs à la même bactérie appartenant à la flore cutanée, les sept prélèvements précités de juillet 2015 ne peuvent être considérés comme révélant de manière certaine l'existence d'une infection à Proprionibacterium acnes, contrairement à ce que soutiennent Mme B... épouse C... et le professeur Rabaud.
5. D'autre part, selon l'expert désigné par la cour, la lyse osseuse du fémur proximal en antérieur et les débris granulomateux visibles sur le scanner de la hanche droite réalisé le 15 mai 2015 permettent d'expliquer la collection liquidienne présentée ce jour-là par Mme B... épouse C..., sans que celle-ci ni le professeur Rabaud ne remettent en cause cette explication ni ne démontrent l'existence d'un infection à cette date du 15 mai 2015, alors qu'il est constant que l'examen cytobactériologique du liquide de ponction prélevé sur la hanche droite le même jour a montré une absence de germes en examen direct et des cultures stériles après quinze jours d'observation.
6. En outre, si l'un des trois prélèvements peropératoires effectués le 25 avril 2005 et le prélèvement réalisé le 20 avril 2007 se sont révélés positifs à la bactérie Proprionibacterium acnes, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée le 4 octobre 2012 par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble et du rapport de l'expertise ordonnée le 16 novembre 2017 par la cour et n'est pas sérieusement contesté par Mme B... épouse C... ni par le professeur Rabaud, que ces résultats ne sauraient révéler l'existence d'une infection à la bactérie à Proprionibacterium acnes, en l'absence de mise en évidence de cette bactérie dans les autres prélèvements du 25 avril 2005, de la faible quantité de leucocytes relevée dans les prélèvements précités de 2005 et de 2007 et du fait de la présence ultérieure, en 2013, de la prothèse constituée d'une pièce fémorale datant de 1994 qui n'a pas bougé et d'un cotyle mis en place le 25 avril 2005 qui ne s'est pas remobilisé.
7. Enfin, l'expert désigné par la cour exclut, sans être sérieusement contredit sur ce point par Mme B... épouse C... et par le professeur Rabaud, que cette patiente ait pu présenter une infection à Proprionibacterium acnes se développant à bas bruit pendant plusieurs années sans pouvoir être diagnostiquée, compte tenu des résultats d'analyses biologiques mentionnés aux points 4 à 6, de l'examen d'imagerie médicale mentionné au point 5 et de l'absence de signes cliniques d'hyperthermie ou de frissons étayés par les pièces médicales du dossier, notamment à l'occasion de la consultation en urgence du 24 janvier 2015 au centre hospitalier d'Épinal.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par Mme B... épouse C..., que celle-ci n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait contracté une infection au cours ou au décours de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 17 septembre 2003 au centre hospitalier universitaire de Grenoble. Par suite, elle n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de ce centre hospitalier du fait d'une prétendue infection nosocomiale.
9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit sur l'absence d'infection nosocomiale contractée par Mme B... épouse C... que l'éventuel défaut d'information par le personnel médical du centre hospitalier universitaire de Grenoble sur la possibilité de survenance d'une telle infection n'est pas susceptible d'ouvrir à droit à réparation au profit de la requérante.
10. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée le 4 octobre 2012 par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble et du rapport de l'expertise ordonnée le 16 novembre 2017 par la cour, que le suivi postérieur à l'intervention chirurgicale du 17 septembre 2003 ne révèle pas de faute de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier. Par suite, la requérante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité pour faute du centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes à raison de ce suivi.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner les expertises sollicitées par Mme B... épouse C..., que celle-ci n'est pas fondée à solliciter la condamnation du centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes à l'indemniser des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 17 septembre 2003 dans cet établissement. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère devant le tribunal administratif de Grenoble et celles présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône devant la cour.
Sur les dépens :
12. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. ".
13. Les dépens, qui comprennent les frais et honoraires de l'expertise ordonnée le 4 octobre 2012 par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, liquidés et taxés à la somme de 3 162,72 euros, et ceux de l'expertise ordonnée le 16 novembre 2017 par la cour, liquidés et taxés à la somme de 3 600 euros, doivent être mis à la charge de Mme B... épouse C..., partie perdante.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes, qui n'est pas dans la présente instance la partie tenue aux dépens, la somme demandée par Mme B... épouse C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La demande présentée par Mme B... épouse C... devant le tribunal administratif de Grenoble, le surplus des conclusions de sa requête, les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère devant le même tribunal et celles présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône devant la cour sont rejetés.
Article 2 : Les dépens, qui comprennent les frais et honoraires de l'expertise ordonnée le 4 octobre 2012 par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble et ceux de l'expertise ordonnée le 16 novembre 2017 par la cour, sont mis à la charge de Mme B... épouse C....
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C..., au centre communal d'action sociale de Grenoble, à la commune de Saint-Martin-d'Hères, à la Caisse des dépôts et consignations gérant la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, au ministre de l'action et des comptes publics, au centre hospitalier universitaire Grenoble Alpes et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Copie en sera adressée à Mme D... E..., expert.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Drouet, président de la formation de jugement,
Mme Caraës, premier conseiller,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 novembre 2019.
L'assesseur le plus ancien,
R. CaraësLe président rapporteur,
H. Drouet
Le greffier,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la solidarité en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 15LY03962
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