Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'EURL Delmar a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011.
Par un jugement n°1408943 du 24 février 2017, le tribunal administratif de Lyon a partiellement fait droit à la demande en réduisant les bases de l'impôt sur les sociétés de l'EURL Delmar d'un montant de 52 600 euros au titre de l'exercice clos en 2010 et de 122 896 euros au titre de l'exercice clos en 2011 (article 1er) et en prononçant la décharge en droits et en pénalités des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie conformément à ces réductions des bases d'impositions (article 2). Il a rejeté le surplus des conclusions (article 3).
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 avril 2017, l'EURL Delmar, représentée par Me A... demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 24 février 2017 ;
2°) de la décharger des cotisations supplémentaires et majorations restant à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- les provisions relatives à la dépréciation du fonds de commerce et à la dépréciation des immobilisations corporelles du restaurant sont justifiées ;
- le taux d'amortissement de l'appartement d'Aubenas de 3,33 % était justifié, celui de 1,5 % retenu par l'administration fiscale, au seul motif que le taux d'amortissement d'une maison est compris entre 1 et 2 % est arbitraire ;
-les intérêts de retard, dès lors qu'ils découlent de rehaussement non fondés, ne sont pas justifiés.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'EURL Delmar ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme D..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Delmar, qui exerce une activité de gestionnaire de patrimoine et de loueur de fonds, a contesté devant le tribunal administratif de Lyon les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie pour les exercices clos en 2010 et 2011 et a demandé à en être déchargées. Par un jugement du 24 février 2017, le tribunal a fait partiellement droit à sa demande et rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie résultant, d'une part, de la réintégration des provisions pour dépréciation d'immobilisations corporelles et incorporelles du fonds de commerce du restaurant le Fournil et, d'autre part, de la fixation à 1,5 % du taux d'amortissement d'un appartement situé à Aubenas au lieu des 3,33 % mentionnés par cette société. L'EURL Delmar relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur les provisions pour dépréciation du " fonds de commerce " :
2. Aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au code général des impôts : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donnent lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du I de l'article 39 du code général des impôts ". Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment ; ( ...) 5° Les provisions en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...). " . Il résulte de ces dispositions, d'une part, qu'une entreprise qui constate, par suite d'événements en cours à la clôture de l'exercice, une dépréciation non définitive d'un élément de son actif immobilisé peut, alors même que celui-ci est amortissable, constituer une provision dont le montant ne peut excéder, à la clôture de l'exercice, la différence entre la valeur comptable et la valeur probable de réalisation de l'élément dont il s'agit, à la condition notamment que le mode de calcul de la provision soit propre à exprimer avec une approximation suffisante le montant probable de cette dépréciation. Ainsi, une provision pour dépréciation peut être admise si elle correspond à une dépréciation réelle. Il appartient au contribuable indépendamment des règles qui régissent la charge de la preuve pour des raisons de procédure de justifier, dans leur principe comme dans leur montant, les écritures comptables par lesquelles elle constate une telle provision et d'établir le bien-fondé et de justifier du montant d'une telle provision au regard des caractéristiques de l'exploitation au cours des années en litige.
3. Il résulte de l'instruction que l'entreprise requérante a constitué au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2010 une provision pour dépréciation de ce qu'elle indique être la " partie incorporelle " du fonds de commerce du restaurant le Fournil d'un montant de 137 384 euros et d'une provision pour dépréciation de la " partie corporelle " du fonds de commerce le Fournil d'un montant de 381 812 euros. Au titre de l'exercice clos au 30 novembre 2011, elle a repris la provision sur l'établissement le Fournil à hauteur de 60 628 euros.
4. L'entreprise requérante fait valoir que la valeur du fonds de commerce a été inscrite pour plus de 770 000 euros dans les actifs, se répartissant entre une ligne comptable relative à la partie incorporelle à hauteur de 218 898 euros et entre d'autres lignes comptables correspondant à la valeur nette comptable des investissements réalisés à hauteur de 550 000 euros. Pour justifier du bien-fondé de ses provisions elle se prévaut de la baisse du chiffre d'affaires entre l'exercice clos au 30 novembre 2009 et celui clos au 30 novembre 2010, celui-ci passant de 403 091 euros à 319 121 euros. Toutefois il existe des discordances entre ce dernier montant, qui n'est au demeurant assorti d'aucun document comptable, et le montant de 394 000 euros, évalué par l'expert-comptable mandaté par cette même société en janvier 2014. Dès lors, la requérante n'établit pas par ces seules allégations l'existence en novembre 2010, date des provisions effectuées, d'une diminution notable du chiffre d'affaires ayant entrainé une dépréciation effective du fonds de commerce. Si elle fait également valoir que le preneur de la location gérance aurait subi des pertes, qui auraient été de 868 euros pour son exercice arrêté au 30 juin 2009 et de 79 574 euros pour son exercice arrêté au 30 novembre 2010, en l'absence de tout document justificatif probant, elle n'établit pas l'importance des baisses alléguées. Si elle produit un mandat de vente du fonds de commerce Restaurant Le Fournil daté du 10 mars 2011 et signé avec le cabinet Simond fixant à 280 000 euros le prix net vendeur, ce document ne comporte aucune mention d'une inclusion dans ce prix des différentes immobilisations corporelles et notamment des équipements et matériels de salle et de cuisine et des aménagements réalisés à compter de juin 2008 pour un montant indiqué par l'administration fiscale et non contesté par la requérante de 718 233 euros alors qu'il n'est pas contesté que le prix d'acquisition du fonds de commerce, en juin 2008, porté à l'actif de la requérante, était de 218 898 euros. En ce qui concerne spécifiquement les immobilisations corporelles liées au fonds de commerce, la requérante en dehors de la baisse de chiffre d'affaires ne fait état d'aucun événement en cours à la clôture de l'exercice et notamment d'aucun événement exceptionnel qui expliquerait une provision de 381 812 euros pour un total d'actifs qu'elle explique avoir inscrits sur différentes lignes comptables, là encore sans produire de pièces comptables, pour un montant de 550 000 euros après amortissements. L'attestation du cabinet Simond produite au dossier qui n'est pas datée mais qui, compte tenu de la mention du mandat de vente du 10 mars 2011, est nécessairement postérieure à mars 2011 ne saurait justifier par l'assertion suivante " [il] confirme avoir estimé l'affaire en date du 24 septembre 2010 pour une valeur de 280 000 euros net vendeur comprenant corporel et incorporel " de la valorisation à hauteur d'un tel montant de tels actifs à la fin de l'année 2010 et ne saurait par suite justifier le montant des deux provisions réalisées. Comme l'oppose l'administration, les autres documents produits, qui ne permettent pas d'établir des comparaisons avec des fonds de commerces similaires de par leur localisation géographique, leur réputation et leurs chiffres d'affaires, ne sauraient davantage justifier le montant des provisions réalisées. Dès lors, la société requérante ne justifie pas de la réalité d'une dépréciation temporaire rendue probable par des événements survenus en cours d'exercice de nature à justifier la constitution d'une provision que ce soit sur la part indiquée comme " incorporelle " du fonds de commerce ou celle liée aux immobilisations corporelles du même fonds de commerce. Par ailleurs, et en tout état de cause, la société requérante n'a produit aucun élément relatif au mode de calcul de la provision qui serait propre à exprimer avec une approximation suffisante le montant probable de cette dépréciation. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a estimé que ces provisions n'étaient pas déductibles des résultats clos en 2010 et les a réintégrées dans le résultat de cet exercice.
Sur le taux d'amortissement d'un appartement :
5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, (...)2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) ". Il résulte des dispositions du 2° du 1 de l'article 39 du code général des impôts que les amortissements qu'une entreprise est en droit de pratiquer chaque année à raison d'une immobilisation sont ceux qui, pour cette immobilisation, résultent des usages constatés dans la profession à laquelle appartient l'entreprise. Par usage, il y a lieu d'entendre, sous le contrôle du juge de l'impôt, les pratiques qui, en raison notamment de leur ancienneté, de leur fréquence ou de leur généralité, sont regardées comme normales, dans chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation, pour le bien à amortir, à la date d'acquisition de celui-ci par l'entreprise. Il appartient à l'administration de s'assurer, d'une part, que les amortissements pratiqués par une entreprise sont conformes à ceux qui sont généralement admis pour l'élément d'actif dont il s'agit dans le secteur professionnel auquel appartient l'entreprise et, d'autre part, que les caractéristiques particulières du bien à amortir n'appellent pas une dérogation au taux d'amortissement résultant des usages.
6. Il appartient au juge d'apprécier, au vu du dossier qui lui est soumis par l'administration et le contribuable, si le taux et les modalités d'amortissement des immobilisations d'une entreprise correspondent à un usage professionnel dans la profession à laquelle elle appartient.
7. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a retenu comme taux d'amortissement un taux de 1,5 % au lieu de 3,33 % choisi initialement par l'EURL Delmar pour un appartement possédé à Aubenas 21 allée de La Guinguette dans un immeuble d'habitation récent de bonne catégorie, ce qui a conduit à faire passer la durée d'amortissement de 30 ans à près de 67 ans. Pour remettre en cause le taux d'amortissement linéaire de 3,33 % pratiqué par l'EURL, le vérificateur a considéré que cette dernière ne faisait état d'aucune circonstance particulière d'utilisation justifiant qu'il soit supérieur au taux d'amortissement préconisé par les usages professionnels de la construction fixant celui-ci entre 1 et 2 % pour les maisons d'habitations et qu'il y avait lieu en l'espèce de fixer ce taux à 1,5 %. Toutefois, comme l'indique la requérante, le bien en litige n'est pas une maison d'habitation mais un appartement d'habitation. Le Conseil d'Etat, par une décision n° 42280 du 31 juillet 1992, a jugé qu'une durée d'amortissement de 40 ans soit un taux de 2,5 % est conforme aux usages pour des immeubles d'habitation de bonne catégorie. Toutefois, la requérante n'apporte pas d'élément probant permettant de démontrer que les caractéristiques ou conditions particulières d'utilisation de ce bien justifieraient qu'il soit dérogé au taux de 2,5 %, conforme aux usages pour des immeubles de bonne catégorie, et que soit admis le taux d'amortissement annuel qu'elle a pratiqué. Par suite, le taux d'amortissement de cet appartement doit être fixé à 2,5 % et l'EURL Delmar déchargée dans cette proportion des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2010 et en 2011 et des pénalités correspondantes.
8. Il résulte de ce tout ce qui précède que l'EURL Delmar est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et en 2011 et des pénalités correspondantes à proportion de la modification du taux d'amortissement de l'appartement qu'elle détient à Aubenas, ce taux devant être porté de 1,5 % à 2,5 %.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à l'EURL Delmar au titre des frais exposés dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : Les bases des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes mises à la charge de l'EURL Delmar au titre des exercices clos en 2010 et en 2011 sont réduites à concurrence d'une augmentation du taux d'amortissement de l'appartement situé à Aubenas appartenant à l'EURL Delmar de 1,5 % à 2,5 %.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de l'EURL Delmar au titre des exercices clos en 2010 et en 2011, ainsi que les pénalités correspondantes, sont réduites conformément à ce qui a été indiqué à l'article 1er.
Article 3 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 24 février 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à l'EURL Delmar en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à l'EURL Delmar.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme B..., présidente,
Mme F..., première conseillère,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le. 21 novembre 2019
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N° 17LY01788