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14/11/2019 | FRANCE | N°17LY02358

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 14 novembre 2019, 17LY02358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Eiffage Energie Thermie Grand Est a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Araches-La-Frasse à lui verser la somme de 400 670,55 euros en règlement du solde du lot 6 "traitement d'air - chauffage - plomberie - sanitaires", du marché de travaux conclu pour la création d'un espace aquatique et de remise en forme à la piscine municipale des Carroz.

Par un jugement n° 1407190 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
>Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 juin 2017 et des mémoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Eiffage Energie Thermie Grand Est a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Araches-La-Frasse à lui verser la somme de 400 670,55 euros en règlement du solde du lot 6 "traitement d'air - chauffage - plomberie - sanitaires", du marché de travaux conclu pour la création d'un espace aquatique et de remise en forme à la piscine municipale des Carroz.

Par un jugement n° 1407190 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 juin 2017 et des mémoires enregistrés les 17 novembre 2017 et 9 janvier 2019, la société Eiffage Energie Thermie Grand Est, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune d'Araches-La-Frasse à lui payer la somme de 400 670,55 euros assortie des intérêts au taux légal en vigueur majoré de sept points, à compter du 28 mars 2014, et de la capitalisation de ces intérêts, en règlement du solde du lot 6 "traitement d'air - chauffage - plomberie - sanitaires" du marché de travaux conclu pour la création d'un espace aquatique et de remise en forme à la piscine municipale des Carroz ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Araches-La-Frasse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande devant le tribunal administratif de Grenoble n'était pas tardive, la commune s'étant expressément prononcée sur son mémoire en réclamation le 3 juin 2014 ;

- elle a été dans l'impossibilité de produire cette décision en première instance compte tenu des problèmes de santé rencontrés par son avocat, qui ont entraîné une désorganisation du cabinet ;

- les surcoûts liés au non-respect du calendrier initial d'exécution et ceux liés au manque à gagner, les travaux supplémentaires non régularisés et le remboursement des pénalités doivent lui être payés par la commune.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 octobre 2017, 1er août 2018 et 14 décembre 2018 et un mémoire du 4 février 2019 qui n'a pas été communiqué, la commune d'Araches-La-Frasse, représentée par Me A..., conclut :

1°) à titre principal au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire au rejet au fond des conclusions de la société Eiffage Energie Thermie Grand Est ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, à ce que la cour constate que les demandes indemnitaires de la société ne sont justifiées que dans la limite de 24 854,53 euros hors taxes ;

4°) et demande à la cour de mettre à la charge de la société Eiffage Energie Thermie Grand Est une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la société requérante ne peut valablement produire pour la première fois en appel le courrier du 3 juin 2014 et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme D...,

- et les observations de Me B..., représentant la société Eiffage Thermie Grand Est et celles de Me A..., représentant la commune d'Araches ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Eiffage Energie Thermie Grand Est était titulaire du lot n° 6 "traitement d'air - chauffage - plomberie - sanitaires" du marché à prix global et forfaitaire conclu pour les besoins de l'opération de transformation de la piscine municipale de la commune d'Araches-La-Frasse en espace aquatique et de remise en forme en vertu d'un acte d'engagement du 20 juillet 2011. La société a, le 28 mars 2014, notifié à la commune un mémoire en réclamation relatif au décompte général qui lui avait été adressé le 24 février précédent. La société relève appel du jugement du 11 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune au paiement de la somme de 400 670,55 euros toutes taxes comprises en règlement du solde du marché.

Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal et l'étendue du litige :

2. Aux termes de l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché : " Dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le titulaire (...) fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer (...) / Ce désaccord est réglé dans les conditions mentionnées à l'article 50 du présent CCAG ". Aux termes de l'article 50.1.1 : " Si un différend survient (...) entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / (...) Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général (...) ". Aux termes de l'article 50.1.2 : " (...) le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation ". Selon l'article 50.1.3, le défaut de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande. Enfin, aux termes de l'article 50.3.2 : " Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent ".

3. La décision expresse du 3 juin 2014 de la commune d'Araches-La-Frasse de réponse au mémoire en réclamation de la société est intervenue postérieurement au rejet implicite, né le 12 mai 2014 du silence de la commune, et dans le délai de six mois prévu par les stipulations précitées de l'article 50.3.2 du CCAG applicable. Pour rejeter comme tardive la demande de la société Eiffage Energie Thermie Grand Est, les premiers juges ont retenu que la société ne justifiait pas de l'existence de cette décision expresse et que dans ces conditions la saisine du tribunal était intervenue plus de six mois après le rejet implicite des prétentions de la société.

4. En se bornant à faire valoir que l'état de santé de son avocat a désorganisé le cabinet entre février et avril 2017 et l'a empêchée de produire le courrier de la commune daté du 3 juin 2014, la société requérante n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de justifier l'existence de cette décision en la produisant devant le tribunal, alors que son recours avait été enregistré plus de deux ans auparavant, le 1er décembre 2014. En outre, la société requérante a produit un mémoire le 20 mars 2017 devant le tribunal , sans joindre la décision que le tribunal lui avait, par un courrier du 13 février précédent, demandé de produire et ce alors que la commune avait soulevé une fin de non-recevoir tenant à la tardiveté de la demande par un mémoire du 15 novembre 2016. C'est donc à bon droit que le tribunal a estimé être saisi uniquement à la suite du rejet implicite de la réclamation de la société et a jugé que la demande de la société, présentée plus de six mois après ce rejet implicite intervenu le 12 mai 2014, était tardive.

5. Toutefois, la société Eiffage Energie Thermie Grand Est produit pour la première fois devant la cour la décision du 3 juin 2014 par laquelle la commune s'est expressément prononcée sur son mémoire en réclamation. Cette décision reconnaît le bien-fondé de la demande de la société à hauteur seulement de 30 185,4 euros hors taxes, soit 36 101,74 euros toutes taxes comprises, correspondant à 6 552 euros hors taxes au titre des frais engagés par l'organisation de réunions supplémentaires, à 1 522,50 euros hors taxes au titre de l'encadrement du chantier induit par l'allongement du délai d'exécution des travaux, et à 22 110,90 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires réalisés par la société. Par cette décision, la commune doit être regardée comme ayant renoncé expressément, dans cette mesure, aux effets de la forclusion contractuelle prévue par l'article 50.3.2 et la société requérante doit pour sa part être regardée comme ayant implicitement accepté cette renonciation.

6. Par suite, la société est seulement recevable à porter ses réclamations concernant le décompte général devant la cour en tant qu'elles concernent les réunions supplémentaires et les frais engendrés par l'encadrement du chantier du fait de l'allongement de sa durée, ainsi que les travaux supplémentaires réalisés par la société.

Sur l'allongement des délais d'exécution :

7. Il résulte de l'instruction que le délai d'exécution des travaux a été fixé par l'article 3 de l'acte d'engagement à dix-sept mois hors intempéries comprenant la période de préparation et les congés payés. Ce délai a été prolongé de vingt-six semaines du fait du maître d'ouvrage et du maître d'oeuvre, ainsi que cela ressort des ordres de service produits par la société requérante et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par la commune. Il appartient dès lors à la commune de régler à la société le montant des prestations exposées par cette dernière qui sont en lien avec cet allongement des délais.

En ce qui concerne les réunions "supplémentaires" :

8. Aux termes de l'article 6.3 du CCAP du marché, " L'entrepreneur ou son représentant se rend sur le chantier toutes les fois qu'il est requis ". Il résulte de cette stipulation, ainsi que le fait valoir la commune, que le marché ne prévoyait pas un nombre prédéterminé de réunions. Dès lors, la société n'est pas fondée à demander le paiement des frais engagés pour assister aux réunions organisées durant toute la période d'exécution des travaux prévus par le marché auxquelles elle a participé.

En ce qui concerne l'encadrement du chantier :

9. Ainsi qu'il a été dit précédemment il résulte de l'article 3 de l'acte d'engagement que le délai d'exécution des travaux a été fixé hors intempéries. Le maître d'oeuvre a comptabilisé vingt-et-un jours d'intempéries durant la période des travaux allant jusqu'à la date de réception initiale du 27 décembre 2012, ce que ne conteste pas la société requérante. Elle n'est donc pas fondée à demander le paiement des frais engendrés par l'encadrement du chantier avant le 28 janvier 2013, date de fin du contrat compte tenu des intempéries retenues, dès lors que le chantier n'aurait pas pu être achevé avant cette date. Il résulte de l'ordre de service n° 9 du 19 décembre 2012 que la société Eiffage Energie Thermie Grand Est devait être présente sur le chantier, pour la "zone vestiaires extérieurs", quatre jours entre le 14 et le 18 février 2013 pour l'appareillage. Il résulte en outre de l'ordre de service n° 14 du 23 mai 2013 que la société est intervenue un jour au mois d'avril 2013 pour la mise en pression des réseaux. La société requérante n'établit pas la présence sur le chantier d'un chargé d'affaires durant quatre heures de suivi hebdomadaire pendant les vingt-six semaines d'allongement du chantier, alors qu'il résulte des ordres de service précités que la présence de la société n'a pas été requise durant l'ensemble de cette période. La présence du chef de chantier durant les jours de présence de la société sur le chantier après le 28 janvier 2013 est en revanche établie, soit durant cinq jours. La société requérante est dès lors fondée à soutenir que la commune doit lui payer la somme correspondante, soit, selon les modalités de calcul non contestées présentées par la société, la somme de 2 473, 63 euros hors taxes.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

10. Il appartient au maître d'ouvrage de régler le solde du marché qu'il a conclu. Il doit notamment payer ceux des travaux supplémentaires qui, soit étaient indispensables pour l'exécution, selon les règles de l'art, des ouvrages prévus par le marché, soit ont fait l'objet d'ordres de service nonobstant le caractère forfaitaire du marché, et alors même que ces travaux supplémentaires n'auraient pas bouleversé l'économie du contrat.

11. Si la société demande le paiement des travaux supplémentaires qu'elle a effectués pour un montant total de 58 962, 70 euros hors taxes, les explications fournies dans son mémoire en réclamation ne suffisent pas à remettre en cause l'appréciation portée par le maître d'oeuvre sur ces travaux qui a estimé qu'ils n'étaient justifiés qu'à hauteur de 22 110,90 euros hors taxes. En particulier, la société n'établit pas que les travaux supplémentaires qu'elle a effectués sans ordre de service auraient été indispensables, ni que le passage enterré des réseaux prévu par l'ordre de service n° 3 du 14 décembre 2011 aurait modifié le linéaire de tuyauterie à mettre en place ou que les fournitures prévues par l'ordre de service n° 13 du 25 avril 2013 ne concerneraient pas le réseau d'eaux pluviales. La société est donc fondée à soutenir que la commune, qui l'admet d'ailleurs, est redevable de la somme de 22 110,90 euros au titre des travaux supplémentaires réalisés dans le cadre de l'exécution du marché.

Sur les intérêts :

12. Aux termes de l'article 15.5 du CCAP du marché : " Le paiement du solde sera effectué dans un délai de 30 jours courant à compter de la date de réception du décompte général et définitif par la maîtrise d'ouvrage. (...) Le défaut de paiement dans les délais prévus ci-dessus fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice des titulaires (...). Le taux des intérêts moratoires applicable sera l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires commenceront à courir augmenté de 7 points ".

13. Pour l'application de ces dispositions, lorsqu'un décompte général fait l'objet d'une réclamation par le cocontractant, le délai de paiement du solde doit être regardé comme ne commençant à courir qu'à compter de la réception de cette réclamation par le maître d'ouvrage. Il suit de là que les intérêts moratoires doivent commencer à courir à compter du 28 mars 2014. Par ailleurs, ce taux doit être égal à l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires commencent à courir augmenté de 7 points.

14. Compte tenu de ce qui précède il y a lieu de condamner la commune d'Araches-la-Frasse à verser à la société Eiffage Energie Thermie Grand Est la somme de 24 584,53 euros hors taxes, assortie des intérêts moratoires à compter du 28 mars 2014, et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 28 mars 2015.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eiffage Energie Thermie Grand Est est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté l'ensemble de ses prétentions.

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Eiffage Energie Thermie Grand Est, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune d'Araches-La-Frasse une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune d'Araches-La-Frasse la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Eiffage Energie Thermie Grand Est, et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune d'Arches-la-Frasse versera à la société Eiffage Energie Thermie Grand Est au titre de l'exécution de son marché la somme de 24 584,53 euros hors taxes augmentée des intérêts moratoires à compter du 28 mars 2014. Les intérêts échus à la date du 28 mars 2015 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement n° 1407190 du 11 avril 2017 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune d'Araches-La-Frasse versera une somme de 2 000 euros à la société Eiffage Energie Thermie Grand Est au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Energie Thermie Grand Est et à la commune d'Araches-La-Frasse.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 novembre 2019.

2

N° 17LY02358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY02358
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés. Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Véronique VACCARO-PLANCHET
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SELAS LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-14;17ly02358 ?
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