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07/11/2019 | FRANCE | N°19LY00675

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 07 novembre 2019, 19LY00675


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du préfet de la Côte-d'Or du 18 juin 2018 ayant rejeté sa demande de regroupement familial présentée en faveur de son époux M. K... B... et de leurs enfants Abdurahim, Taïda et Merdija.

Par un jugement n° 1802103 du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 février 2019, Mme B..., représentée par la SCP Clemang-Gou

rinat, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du préfet de la Côte-d'Or du 18 juin 2018 ayant rejeté sa demande de regroupement familial présentée en faveur de son époux M. K... B... et de leurs enfants Abdurahim, Taïda et Merdija.

Par un jugement n° 1802103 du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 février 2019, Mme B..., représentée par la SCP Clemang-Gourinat, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 décembre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée du 18 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de faire droit à sa demande de regroupement familial sur place ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B... soutient que :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel de leur situation ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet, en refusant d'accorder le regroupement familial sur place, a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur de fait sur le caractère irrégulier du séjour en France de ses enfants.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2019, le préfet de la Côte d'Or, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme J..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... relève appel du jugement en date du 17 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation la décision du préfet de la Côte-d'Or du 18 juin 2018 ayant rejeté sa demande de regroupement familial pour son époux M. K... B... et leurs enfants Abdurahim, Taïda et Merdija.

2. En premier lieu, il ressort de la décision en litige que celle-ci vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers dont elle fait application, et notamment son article L. 411-6, ainsi que les éléments de fait pertinents pour leur application, en particulier la présence de M. B... et des enfants mineurs du couple en France. La décision attaquée répond ainsi à l'obligation de motivation en droit et en fait telle qu'elle résulte notamment des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. et Mme B... et de leurs enfants avant de prendre la décision portant refus de regroupement familial.

4. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 421-1 du même code : " L'autorisation d'entrer en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial est donnée par l'autorité administrative compétente après vérification des conditions de logement et de ressources par le maire de la commune de résidence de l'étranger ou le maire de la commune où il envisage de s'établir. Le maire, saisi par l'autorité administrative, peut émettre un avis sur la condition mentionnée au 3° de l'article L. 411-5. Cet avis est réputé rendu à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication du dossier par l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : / (...) 3° Un membre de la famille résidant en France. ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En vertu de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter celle-ci dans le cas, notamment, où les membres de la famille à raison desquels la demande a été présentée résident, comme en l'espèce, sur le territoire français. Le préfet dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter la demande, notamment dans le cas où ce refus porterait une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale ou méconnaîtrait l'intérêt supérieur d'un enfant en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Pour refuser d'accorder à Mme B... le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux et de ses trois enfants mineurs, le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur le fait qu'ils résidaient en France. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est marié en 1999 avec Mme I... de même nationalité. Ils ont eu trois enfants, de nationalité serbe, nés en Serbie en 2000, 2002 et 2003. M. B..., qui a fait l'objet d'une procédure d'extradition vers la Serbie, a obtenu des récépissés l'autorisant à travailler jusqu'à son extradition le 16 janvier 2012. Le couple a donné naissance à un quatrième enfant en janvier 2012 en France. Mme B... a obtenu en 2012 un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", qui a été régulièrement renouvelé depuis. Mme B... occupe un emploi en contrat à durée indéterminée. Le fils aîné du couple a obtenu un titre de séjour à sa majorité. Après avoir purgé une peine de prison pendant quatre ans en Serbie, M. B... est à nouveau entré irrégulièrement en France en mai 2016. Il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 23 novembre 2016 au motif qu'il entrait dans la catégorie des étrangers pouvant bénéficier du regroupement familial. Par jugement du 22 mai 2017, confirmé par une ordonnance du 13 novembre 2017 du président de la cour administrative d'appel de Lyon, le tribunal administratif de Dijon a rejeté le recours de M. B... contre ces décisions. Ainsi, à la date du rejet de la demande de regroupement familial, M. B... ne vivait à nouveau avec sa famille, dont il a été séparé pendant quatre années, que depuis deux ans et avait fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée. Le refus de regroupement familial n'a, par lui-même, ni pour objet, ni pour effet d'obliger les enfants mineurs de M. et Mme B..., qui disposent de titre de circulation pour étrangers mineurs, poursuivent leur scolarité en France, et pourront obtenir un titre de séjour à leur majorité en France s'ils en font la demande, à retourner vivre en Serbie. La séparation temporaire de M. B... du reste de sa famille, durant la période nécessaire à l'instruction d'une demande régulière de regroupement familial n'apparaît pas, compte tenu des circonstances de l'espèce et malgré les promesses d'embauche dont il se prévaut et les troubles dépressifs dont il souffre, excessive. Par suite, le préfet de la Côte-d'Or n'a méconnu les stipulations ni de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de regroupement familial au motif que l'époux de Mme B... et leurs trois enfants mineurs se trouvaient déjà sur le territoire français.

8. En dernier lieu, le préfet a indiqué dans la décision en litige que pouvait être exclu du regroupement familial un membre de la famille résidant en France et que tel était le cas de l'époux de Mme B... et de ses trois enfants " arrivés en France avec vous en 2008 irrégulièrement ". Si Mme B... fait valoir que la décision est entachée d'erreur de fait car ses trois enfants disposent de documents de circulation pour étrangers mineurs et qu'ils ne peuvent être regardés comme séjournant irrégulièrement en France, toutefois, le préfet ne s'est pas prononcé sur la régularité de leur séjour mais seulement sur leur présence en France en indiquant qu'ils étaient entrés irrégulièrement sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision est entachée d'une erreur de fait sur le caractère irrégulier du séjour en France des enfants de Mme B... manque en fait.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

Mme A..., présidente,

Mme G..., première conseillère,

Mme J..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2019.

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N° 19LY00675


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00675
Date de la décision : 07/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SCP CLEMANG-GOURINAT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-07;19ly00675 ?
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