Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI Les Oliviers et la SAS Rhône Alpes Production (RAP) ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner in solidum la société Entreprise française de Fondations, la société Lachand, la société XXL Atelier et la société BET Rabeisen à verser à chacune une indemnité provisionnelle.
Par une ordonnance n° 1802646 du 8 octobre 2018, le juge des référés a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 octobre 2018, les sociétés Les Oliviers et RAP, représentées par Me G..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement ;
2°) de condamner la société Soletanche Bachy Pieux, la société Lachand, la société XXL Atelier et la société BET Rabeisen à verser, à titre de provisions, à la société Les Oliviers la somme TTC de 49 851,67 euros ou 43 332,07 euros ou 39 494,40 euros, et à la société RAP la somme de 9 243,50 euros, sur le fondement de la garantie décennale ou extracontractuelle sans faute, ces sommes étant assorties des intérêts légaux et de la capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de chacune de ces sociétés la somme de 2 000 euros au titre des frais du litige.
Elles soutiennent que :
- la juridiction administrative est compétente ;
- le premier juge n'a pas épuisé son pouvoir juridictionnel en n'examinant pas d'office la recevabilité de la demande de la société RAP en qualité de tiers par rapport aux travaux de construction ;
- les désordres affectant le bâtiment, apparus dans le délai de dix ans, sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et à compromettre sa solidité ;
- les désordres évolutifs sont éligibles au titre de la garantie décennale, de sorte que le premier juge ne pouvait se fonder sur l'absence d'infiltrations dûment constatées ;
- les conclusions de l'expert judiciaire démontrent que les désordres affectant le bâtiment ont un caractère évolutif ;
- la contrepente du réseau d'évacuation des eaux usées rend les douches et les toilettes inutilisables ; le fonctionnement correct de ces équipements est crucial pour la société RAP ;
- la créance de cette société sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle sans faute des intervenants aux travaux n'est pas davantage sérieusement contestable ;
- compte tenu de l'origine des désordres, la portion d'imputabilité majeure doit être supportée par la société Soletanche Bachy Pieux ;
- une part de responsabilité doit être imputée à la société Lachand, qui n'a pas réalisé les chaînages en tête de mur comme l'impose la réglementation, et à la maîtrise d'oeuvre, qui avait une mission de direction de l'exécution du contrat de travaux, puisque les désordres traduisent des défauts d'exécution ;
- le coût TTC de la reprise du réseau sous dallage s'élève à 6 700,78 euros, celui de la reprise du pieu à 23 717,09 euros, celui de la reprise des cloisons et du carrelage des sanitaires à 6 407,80 euros, celui de la pose d'un bardage métallique à 13 026 euros et celui de la reprise des fissures dans la zone sanitaires/vestiaires et local compresseur à 6 506,40 euros ;
- la société RAP a subi un préjudice de jouissance qu'elle évalue à la somme de 5 000 euros, avancé les frais de débouchage des réseaux d'eaux usées et vannes pour un montant de 743,50 euros HT et loué un bungalow durant la durée d'exécution des travaux de reprise dont le coût s'élève à 3 500 euros HT.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 décembre 2018, la société Entreprise française de Fondations, exerçant sous l'enseigne société Soletanche Bachy Pieux, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête ou, subsidiairement, à la condamnation des sociétés Lachand, XXL Atelier et BET Claude Rabeisen à la relever et garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre, à ce que la somme demandée pour la société Les Oliviers soit limitée à 39 494,40 euros TTC et à la condamnation solidaire des sociétés appelantes à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- la demande de provision est irrecevable en tant qu'elle est présentée par la société Rhône Alpes Production qui n'a pas la qualité de propriétaire ;
- les désordres qui affectent pour l'essentiel la partie sanitaires/douche de l'extension ne sont plus évolutifs ni de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage qui n'est pas impropre à sa destination ;
- le tassement du pieu n° 9 et le lien de causalité entre ce phénomène et les désordres constatés ne sont pas établis ;
- l'absence de chainage en tête de mur des sanitaires-vestiaires a amplifié les fissures et lézardes ;
- la maîtrise d'oeuvre aurait dû se soucier des fondations et du gros oeuvre ;
- les sommes demandées par les requérantes au titre des travaux de réparation sont supérieures au coût fixé par l'expert judiciaire ;
- la société RAP ne subit aucun préjudice de jouissance puisque les douches et sanitaires sont utilisables ;
- elle ne justifie pas avoir exposé une dépense de location d'un bungalow.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 janvier 2019, la société XXL Atelier, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête ou, subsidiairement, à la condamnation des sociétés Entreprise française de Fondation, Lachand et BET Claude Rabeisen à la relever et garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre, à ce que la somme demandée pour la société Les Oliviers soit limitée à 39 494,40 euros TTC et à la condamnation des sociétés appelantes à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- la demande de provision est irrecevable en tant qu'elle est présentée par la société Rhône Alpes Production qui n'a pas la qualité de propriétaire ;
- les désordres ne sont pas de nature décennale ;
- leur cause est étrangère à son intervention ;
- au regard de sa mission en qualité de maître d'oeuvre, aucune responsabilité ne saurait lui être imputée ;
- les carences à l'origine des désordres sont imputables à la société Soletanche Bachy Pieux et à la société Lachand, chargées respectivement de réaliser les fondations profondes et les chainages en tête de mur, et à la société BET Rabeisen, qui aurait dû constater les carences des premières ;
- le montant de la provision ne peut excéder le coût des travaux de reprise fixé par l'expert judiciaire.
Un mémoire enregistré le 5 février 2019 présenté pour la société Entreprise française de Fondations n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Un mémoire enregistré le 1er juillet 2019 présenté pour les sociétés Les Oliviers et RAP n'a pas été communiqué en application des mêmes dispositions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme F...,
- et les conclusions de Me B..., pour la SCI les Oliviers et la société Rhône Alpes Production et celles de Me C..., pour la société Entreprise française de Fondations ;
1. La commune de Châteauneuf est propriétaire d'un tènement immobilier constitué de deux parcelles cadastrées section A n°s 987 et 988 situées zone des Etaings. Par une convention de crédit-bail immobilier du 25 septembre 1995, elle a loué le bâtiment industriel édifié sur la parcelle cadastrée section A n° 987 à la SCI Les Oliviers qui l'a sous-loué à la société Rhône Alpes Production (RAP) afin de lui permettre d'exploiter un atelier. A la demande de son crédit-preneur, la commune a décidé en 2002 de faire réaliser des travaux d'extension du bâtiment sur la parcelle cadastrée section A n° 988. Elle a confié la préparation et la réalisation du projet à la société d'équipement du département de la Loire, la maîtrise d'oeuvre des opérations au groupement constitué du cabinet d'architectes XXL Atelier, mandataire, et du BET Rabeisen et la réalisation du lot n° 2 "fondations spéciales" et du lot n° 3 "gros oeuvre" respectivement à la société Entreprise française de Fondations, qui exerce sous l'enseigne Soletanche Bachy Pieux, et à la société Lachand. La réception des travaux du lot n° 2 a été prononcée le 20 janvier 2003 et celle du lot n° 3 avec réserves, levées le 9 avril 2003, avec effet rétroactif au 20 janvier 2003. Afin de prendre en compte la construction du bâtiment, la convention de crédit-bail a fait l'objet d'un avenant du 7 octobre 2003. En 2009, des fissures verticales sur le mur pignon Est de l'extension du bâtiment sont apparues. L'expert de l'assureur protection juridique de la commune a conclu le 27 juin 2012 à l'absence de mobilisation de la garantie décennale puis le 17 décembre 2012 à la mobilisation de cette garantie, en raison de l'aggravation des désordres. A la demande de la commune, un expert judiciaire a été désigné par une ordonnance du 23 mai 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon. L'expert a déposé son rapport le 23 juin 2014. L'option d'achat du bâtiment objet du crédit-bail a été levée par un acte notarié du 15 juin 2015. Par une ordonnance du 8 octobre 2018 dont la SCI Les Oliviers relève appel avec la société RAP, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation in solidum des sociétés Entreprise française de Fondations, Lachand, XXL Atelier et BET Rabeisen à verser à chacune une indemnité provisionnelle.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. D'une part, la société RAP ne conteste pas sérieusement que, n'étant pas propriétaire, elle n'a pas qualité pour rechercher la responsabilité des constructeurs à raison des désordres affectant l'extension du bâtiment sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil.
3. D'autre part, les parties à l'acte de levée d'option du crédit-bail immobilier du 15 juin 2015 ont convenu que la SCI Les Oliviers poursuivra seule à ses frais et diligences les procédures nécessaires pour qu'il soit mis fin aux désordres. Les dommages dont la société RAP demande réparation ne sont pas distincts de ceux qui ont résulté pour la SCI Les Oliviers de l'exécution des lots n°s 2 et 3 du marché d'extension d'un bâtiment industriel passé par la commune de Châteauneuf. C'est seulement envers la SCI Les Oliviers que les sociétés Entreprise française de Fondations, Lachand, XXL Atelier et BET Rabeisen peuvent être appelées à répondre de leur responsabilité décennale. La société RAP, en tant que bénéficiaire du bâtiment, n'a pas qualité pour demander à ces sociétés réparation des dommages résultant de l'exécution de ces travaux. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le juge des référés a entaché d'irrégularité son ordonnance en ne se plaçant pas d'office sur le terrain de la responsabilité pour dommages de travaux publics.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance :
4. Aux termes de l'article L. 555-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. ". Aux termes de l'article R. 541-1 du même code : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...). ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.
5. Par un jugement n° 1704215 du 22 juillet 2019, le tribunal administratif de Lyon a prescrit, avant de statuer sur les demandes au fond des sociétés appelantes, la réalisation d'une nouvelle expertise pour déterminer l'origine des désordres et les moyens d'y mettre fin et évaluer l'incidence d'une crue du Gier sur leur apparition. Par suite, les créances dont se prévalent la SCI Les Oliviers et la société RAP à l'encontre des sociétés Soletanche Bachy Pieux, Lachand, XXL Atelier et BET Rabeisen ne peuvent être regardées comme présentant un caractère non sérieusement contestable.
6. Il résulte de ce qui précède que la SCI Les Oliviers et la société RAP ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
7. Eu égard à ce qui précède, les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Entreprise française de fondations et XXL Atelier sont sans objet.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des sociétés Entreprise française de Fondations, Lachand, XXL Atelier et BET Rabeisen qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des sociétés Les Oliviers et RAP les sommes demandées au même titre par les sociétés Entreprise française de Fondations et XXL Atelier.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI les Oliviers et de la société Rhône Alpes Production est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel en garantie des sociétés Entreprise française de Fondations et XXL Atelier.
Article 3 : Les surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Les Oliviers, à la société Entreprise française de fondations, à la société Rhône Alpes production, à la société XXL Atelier, à la société Lachand et à la société BET Rabeisen.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme D..., président-assesseur,
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 octobre 2019.
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N° 18LY03920