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03/10/2019 | FRANCE | N°19LY00682

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 03 octobre 2019, 19LY00682


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de just

ice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 mod...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1900360 du 22 janvier 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 18 février 2019, le 29 avril 2019 et le 24 juin 2019, M. B... A..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier Avocats associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900360 du 22 janvier 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,

- elle est entachée d'erreur de droit, dès lors qu'en qualité de parent d'enfant français, il pouvait se voir attribuer de plein droit un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 4. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et ne pouvait donc légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier et l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors qu'il réside depuis novembre 2016 sur le territoire français où il a été accueilli comme mineur isolé, qu'il a suivi dans ce pays sa scolarité avec succès en obtenant un certificat d'aptitude à la profession de peintre en bâtiment, qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche pour exercer cette profession, qu'il partage sa vie depuis près de deux années avec une ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant né le 9 janvier 2019 et qu'il a reconnu avant sa naissance dès le 25 juillet 2018 et qu'il peut ainsi se voir attribuer de plein droit un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 4. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

s'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire, elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans,

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile limitant à trois ans la durée de cette interdiction, dès lors que, par une précédente décision du 8 décembre 2017, le préfet avait prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et que cette première interdiction ne pouvait être prolongée pour une durée supérieure à deux ans ;

- elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il réside depuis novembre 2016 sur le territoire français où il a été accueilli comme mineur isolé, qu'il a suivi dans ce pays sa scolarité avec succès en obtenant un CAP, qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, qu'il partage sa vie depuis près de deux années avec une ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant né le 9 janvier 2019 et qu'il a reconnu avant sa naissance dès le 25 juillet 2018 ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 et l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2019, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président-assesseur,

- et les observations de Me Hmaida, avocat (SELARL BS2A Bescou et Sabatier Avocats associés), pour M. A....

Considérant ce qui suit :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

1. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....

2. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; / (...) ". Ces stipulations ne font pas obstacle à ce que, en application de la législation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, soit refusé pour des motifs tenant à l'ordre public la délivrance, sur le fondement de ces stipulations, d'un certificat de résidence d'un an.

3. Il ressort des pièces produites en appel par le préfet de l'Isère que M. A... a été condamné le 18 janvier 2019 par le tribunal correctionnel de Grenoble à six mois d'emprisonnement pour vol aggravé par trois circonstances et vol commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs et a été interpelé par les services de police judiciaire le 13 novembre 2016 pour vol simple, le 7 octobre 2017 pour vol aggravé par deux circonstances et port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacité de catégorie D, le 7 décembre 2017 pour vol simple et violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, le 27 janvier 2018 pour vol aggravé par deux circonstances et violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité et le 18 juillet 2018 pour vol à l'arraché. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant dans sa décision en litige que la présence en France de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il pouvait se voir attribuer de plein droit un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 4. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par suite, doit être écarté comme non fondé le moyen tiré de ce que l'intéressé ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

4. En dernier lieu, il est constant que M. A..., ressortissant algérien né le 8 septembre 1999, est entré irrégulièrement en novembre 2016 en France en provenance d'Algérie où résident encore ses parents et qu'il a fait l'objet, le 8 décembre 2017, d'une précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, il ne peut se voir attribuer de plein droit un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 4. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, en raison de la menace pour l'ordre public que constitue sa présence en France. Il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis la naissance de celui-ci, le 9 janvier 2019, alors qu'il a été écroué du 8 novembre 2018 au 18 janvier 2019. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ni les dispositions de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 4 que le requérant n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 4 que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

7. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier, sixième, et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

8. Si M. A... a fait l'objet, le 8 décembre 2017, d'une précédente interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, cette interdiction était fondée sur une obligation de quitter le territoire français sans délai édictée le même jour. Il est constant que l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans présentement en litige est fondée, non pas sur ladite mesure d'éloignement du 8 décembre 2017, mais sur une nouvelle obligation de quitter le territoire français sans délai édictée le 19 janvier 2019. Dans ces conditions, la décision en litige du 19 janvier 2019 ne constitue pas une décision prolongeant la mesure d'interdiction du 8 décembre 2017 et le préfet pouvait légalement, par cette décision du 19 janvier 2019, fixer à trois ans la durée de l'interdiction de retour. Par suite, doit être écarté le moyen tiré d'une erreur de droit au regard des dispositions précitées du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 concernant la présence sur le territoire français de M. A..., ses liens avec la France, l'édiction à son encontre, le 8 décembre 2017, d'une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée et la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire français, que le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ni les dispositions de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la SELARL BS2A Bescou et Sabatier Avocats associés et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 octobre 2019.

6

N° 19LY00682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00682
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-03;19ly00682 ?
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