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03/10/2019 | FRANCE | N°19LY00224

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 03 octobre 2019, 19LY00224


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 25 juin 2018 par lesquelles le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.

Par un jugement n° 1801779 du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée

le 17 janvier 2019, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 25 juin 2018 par lesquelles le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.

Par un jugement n° 1801779 du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 janvier 2019, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 décembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... épouse A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- Mme C... épouse A... n'a fourni devant le tribunal administratif aucun commencement de preuve de l'irrégularité alléguée de la procédure ;

- il justifie de ce que le collège des médecins l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne comprenait pas le médecin ayant rédigé le rapport médical ; dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler les décisions en litige.

Par un mémoire enregistré le 9 mai 2019, Mme C... épouse A..., représentée par Me B..., avocat, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et à ce que soit mis à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que compte tenu de son état de santé, la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme C... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse A..., ressortissante du Bénin, née le 16 mars 1965, est arrivée régulièrement en France le 12 janvier 2013 sous couvert d'un visa de court séjour et s'y est maintenue au-delà de la durée de validité de son visa. En raison de son état de santé, elle a obtenu une carte de séjour temporaire à compter du 12 janvier 2014, renouvelée jusqu'au 10 mai 2017. Le 25 juin 2018, le préfet de Saône-et-Loire en a refusé le renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination. Ce préfet relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé ces décisions.

2. En vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

4. L'article R. 313-23 du même code ajoute que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

5. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège " ;

6. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

7. Devant le tribunal administratif, Mme C... épouse A... a contesté la régularité de la consultation du collège des médecins de l'OFII, en faisant valoir que la disposition de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon laquelle : " Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège " n'avait pas, en l'espèce, été respectée. Pour la première fois en appel, le préfet apporte les éléments desquels il résulte que le médecin auteur du rapport médical sur l'état de santé de l'intéressée n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a émis un avis le 2 décembre 2017. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de l'irrégularité entachant la consultation de ce collège.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme C... épouse A....

9. Selon l'avis du collège des médecins de l'OFII du 2 décembre 2017, l'état de santé de Mme C... épouse A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, cet avis précisant qu'elle peut voyager sans risque vers ce pays.

10. L'intéressée a produit devant le tribunal administratif le certificat en date du 13 juillet 2018 d'un praticien du service d'oncologie du centre hospitalier de Montceau-les-Mines, indiquant qu'il suit depuis son arrivée en France cette patiente qui " est porteuse d'un carcinome du sein métastatique déjà lourdement traité ", qui " est actuellement sous une thérapeutique nouvellement commercialisée en France (...) associée à une hormonothérapie ". Ce certificat ajoute : " qu'il n'y a pas de service d'oncologie médicale au Bénin. En effet, au début de sa prise en charge, alors que la patiente habitait encore au Bénin, elle avait été contrainte de réaliser ses cures de chimiothérapie au Ghana " et que " renseignements pris auprès du laboratoire Pfizer ", l'un des médicaments n'est actuellement commercialisé ni au Ghana ni au Bénin. Ces éléments, qui contredisent l'avis du collège des médecins de l'OFII, ne sont pas remis en cause par le préfet. Dès lors, le refus de renouveler son titre de séjour, opposé à Mme C... épouse A..., méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Saône-et-Loire n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé les décisions en litige.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

13. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel repose l'annulation qu'il prononce, non pas seulement le réexamen de la situation de Mme C... épouse A..., comme l'a prescrit le tribunal administratif par l'article 2 du jugement attaqué, mais que le préfet de Saône-et-Loire délivre à l'intéressée le titre de séjour sollicité, dans le délai de deux mois suivant la notification de cet arrêt.

Sur les frais liés au litige :

14. Mme C... épouse A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de Mme C... épouse A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à cet avocat au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de Saône-et-Loire est rejetée.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 décembre 2018 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Saône-et-Loire de délivrer à Mme C... épouse A... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Mâcon.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

N° 19LY000224 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00224
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP CLEMANG-GOURINAT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-03;19ly00224 ?
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