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29/08/2019 | FRANCE | N°18LY03771

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 29 août 2019, 18LY03771


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 janvier 2018 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le délai de départ volontaire, et d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1802560 du 18 septembre 2018, le

tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 18 janvier 2018 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le délai de départ volontaire, et d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1802560 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 octobre 2018, et un mémoire complémentaire enregistré le 15 mars 2019, M. D..., représenté par Me C... puis par Me E..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 18 septembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 18 janvier 2018 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le délai de départ volontaire ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Lyon n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet de la Loire a omis de saisir la commission du titre de séjour ;

- le préfet de la Loire aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- en application du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le premier renouvellement du certificat de résidence est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est impossible que son épouse ait été incapable de se souvenir de son lieu de naissance ou encore de l'orthographe exact de son nom ; le rapport des services de police du 28 juillet 2017 n'est pas probant ; lors de l'enquête réalisée le 15 juin 2017, son épouse passait son examen de philosophie et a emporté avec elle ses affaires de toilette et ses vêtements ;

- la décision méconnaît l'article 14 de la directive 2010/64/UE du parlement européen et du conseil de l'Europe du 20 octobre 2010 et l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il aurait dû être assisté d'un interprète lors de l'enquête ; il a été contrôlé dans le cadre d'une procédure pénale ;

- si leur appartement initial était sommairement meublé, cela s'explique par leurs faibles moyens financiers ; ils ont ensuite déménagé dans un appartement plus grand ; toutes les factures et quittances de loyer mentionnent leurs deux noms ;

- ils versent des attestations établissant qu'ils vivent ensemble ; ces attestations sont pertinentes ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il vit en France avec son épouse et y a noué des liens amicaux;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance du titre de séjour sollicité ;

Le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2019, présenté par le préfet de la Loire qui se borne à renvoyer à ses écritures de première instance n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant algérien né le 11 avril 1990, est entré en France le 21 janvier 2017 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour portant la mention " famille de français " valable du 20 décembre 2016 au 17 juin 2017. Le 9 février 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en se prévalant de son mariage avec une ressortissante française célébré le 14 juillet 2015. Par arrêté du 18 janvier 2018, le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. D... relève appel du jugement du 18 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur la régularité du jugement :

2. M. D... soutient que le jugement est irrégulier faute pour le tribunal d'avoir répondu au moyen selon lequel le préfet devait saisir la commission du titre de séjour. Il ressort cependant des énonciations du jugement attaqué que ce moyen a été expressément écarté au point 5. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour avoir omis de répondre à ce moyen.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. M. D... soutient que faute pour lui d'avoir été assisté d'un interprète lors de l'enquête de communauté de vie, le préfet de la Loire ne pouvait régulièrement s'appuyer sur ce rapport d'enquête du 15 juin 2017 établi par un agent du commissariat de police central de Saint-Etienne. Toutefois, M. D... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 14 de la directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010, dès lors qu'elle a été transposée en droit français dans le III de l'article préliminaire du code de procédure pénale, par la loi du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France, dont il n'est pas soutenu qu'elle aurait méconnu les objectifs ou des dispositions précises et inconditionnelles de la directive ou qu'elle l'aurait incomplètement transposée, et alors surtout que cette directive s'applique, selon son article 1er, dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Au surplus il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant n'aurait qu'une connaissance approximative de la langue française et n'aurait pas été en mesure de comprendre correctement les questions posées et d'y répondre. Il ne peut pas davantage se prévaloir des stipulations de l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où un arrêté portant refus de délivrance d'un titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ne constitue pas une accusation en matière pénale.

4. Aux termes des stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article" ; aux termes de l'article 6 de ce même accord : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...)/ 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...)/ Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ".

5. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que lors de la déclaration de communauté de vie signée par l'épouse du requérant le 22 mai 2017, celle-ci s'est avérée incapable de dire et écrire seule le nom, le prénom, la date ou le lieu de naissance de ce dernier et, d'autre part, que le rapport d'enquête de communauté de vie du 15 juin 2017 établi par un agent du commissariat de police central de Saint-Etienne mentionne que le domicile déclaré commun aux époux D... est sommairement meublé et que l'agent n'a constaté " aucune présence d'effet féminin dans l'appartement ". Si M. D... conteste que son épouse ne connaîtrait pas ses date et lieu de naissance et ne pourrait écrire seule ses nom et prénom, il n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la véracité du constat effectué le 22 mai 2017. S'il fait valoir que son épouse n'avait pas emporté tous ses effets personnels et que l'agent n'a procédé qu'à une visite sommaire des lieux, M. D... n'établit nullement que l'agent se serait abstenu de lui demander d'ouvrir les placards, et s'il produit une photo d'un placard ouvert faisant apparaître des vêtements féminins, il ne démontre pas pour autant que ces vêtements ou une partie d'entre eux étaient bien présents le jour de la visite ni d'ailleurs n'explique la raison pour laquelle, si tel était le cas, il n'aurait pas été en mesure de le signaler à l'agent dont il n'est pas contesté qu'il lui avait bien indiqué les motifs de sa visite. Si M. D... fait encore valoir que son épouse a préféré dormir chez ses parents pour réviser avec sa soeur le programme de l'examen de philosophie auquel elle était convoquée le 15 juin 2017 à 8h00, il ne peut sérieusement soutenir pour contester les conclusions de ce rapport d'enquête qu'elle avait emporté avec elle, en vue de se présenter aux épreuves du baccalauréat, l'ensemble de ses effets personnels. Pour établir la communauté de vie avec son épouse, M. D... produit des attestations, des quittances de loyer établies au nom des deux époux, des factures et un avis d'imposition. Toutefois, ces documents sont d'une valeur probante insuffisante pour établir la réalité de la vie commune entre les époux et contredire les conclusions de l'enquête de police, dont il n'apparaît pas qu'elle serait fondée sur des faits matériellement inexacts ou sur des constatations seulement partielles. Dans ces conditions, le préfet de la Loire a pu, sans méconnaître les stipulations du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ni entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, refuser de délivrer à l'intéressé le titre de séjour sollicité.

6. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Selon l'article L. 313-14 alinéa 2 du même code : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ". Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour, dès lors que ces ressortissants algériens se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte des dispositions précitées que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article 6 de l'accord franco-algérien, équivalentes à celles des articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les ressortissants algériens qui se prévalent de ces stipulations. Comme il a été dit précédemment, M. D... ne démontre pas remplir effectivement les conditions prévues à l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par suite, le préfet de la Loire n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance...".

8. Il est constant que M. D... est entré en France le 21 janvier 2017 et a, dès lors, vécu jusqu'à l'âge de 27 ans dans son pays d'origine où il n'établit pas de ne pas avoir conservé des attaches privées et familiales. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il n'établit pas l'existence d'une communauté de vie avec son épouse. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 que M. D... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 août 2019.

6

N° 18LY03771


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03771
Date de la décision : 29/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : LAMAMRA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-08-29;18ly03771 ?
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