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29/08/2019 | FRANCE | N°18LY00262

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 29 août 2019, 18LY00262


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2017 par lequel le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 8 de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de

lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1702588 du 21 décembre 2017,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2017 par lequel le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 8 de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1702588 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2018, M. A..., représenté par la SCP Bon de Saulce Latour, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français contenus dans l'arrêté du préfet de la Nièvre du 2 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Nièvre de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français ; la circonstance qu'il a été condamné à une peine de cinq mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une obligation d'accomplir un travail d'intérêt général d'une durée de 105 heures dans un délai de 18 mois par jugement du 7 octobre 2016 par le tribunal de grande instance d'Agen pour des faits de vol en réunion commis les 27 octobre 2015, 11 et 14 janvier 2016 ne suffit pas à démontrer la réalité du trouble à l'ordre public allégué ; il n'a pas été condamné à une peine d'emprisonnement ferme ; les faits litigieux remontent à une période pendant laquelle il était en situation de précarité ; le délai entre les faits et le jugement démontre que le trouble à l'ordre public ne nécessitait pas une réponse pénale rapide ;

- le préfet n'a pas versé ce jugement aux débats ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est marié avec une ressortissante française et que sa vie privée et familiale se situe en France ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle implique une séparation d'avec son épouse de nationalité française ;

Par un mémoire, enregistré le 22 février 2018, le préfet de la Nièvre conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il a estimé que l'intéressé présentait une menace pour l'ordre public conformément aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de sa condamnation à 5 mois d'emprisonnement avec sursis avec obligation d'accomplir 105 heures de travail d'intérêt général dans le délai de 18 mois par jugement du tribunal de grande instance d'Agen du 7 octobre 2016 pour des faits de vol en réunion et tentative de vol en réunion commis les 27 octobre 2015, 11 et 14 janvier 2016 ; la réitération des faits, leur caractère récent, la circonstance qu'ils aient été commis peu de temps après l'entrée en France ainsi que leur caractérisation et les condamnations qui ont suivi étaient de nature à justifier le refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ;

- la commission du titre de séjour a examiné la situation de l'intéressé le 20 septembre 2017 et a émis un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que s'il s'est marié avec une ressortissante française le 27 août 2016, l'épouse de l'intéressé, reconnue travailleur handicapé et qui a fait l'objet d'une mesure de curatelle de 2000 à 2013, semble fragile et influençable ; M. A... a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 28 ans et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; il ne démontre aucune intégration professionnelle ou sociale ;

- le moyen tiré de ce que l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français par par voie de conséquence de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ne pourra être accueilli ;

- l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes motifs que ceux précédemment évoqués ;

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant algérien né le 23 janvier 1987, est entré en France le 26 mai 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour valable du 15 avril au 11 octobre 2015. Le 3 décembre 2015, il a sollicité le bénéfice de l'asile. Par décision du 22 décembre 2015, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande. S'étant marié le 27 août 2016, il a sollicité le 2 septembre suivant la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité de conjoint de Française. Par un avis du 29 septembre 2017, la commission du titre de séjour de la Nièvre a émis, après audition de l'intéressé, un avis défavorable à ce que lui soit délivré un titre de séjour sur le fondement du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 2 octobre 2017, le préfet de la Nièvre a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 27 février 2018, le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M A.... Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...)(...) 2°) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Les stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne privent pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée en vigueur et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public.

4. Par un jugement du 7 octobre 2016 dont le préfet a versé au débat un extrait des minutes du greffe, la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance d'Agen a reconnu coupable et condamné M. A... à 5 mois d'emprisonnement avec sursis avec l'obligation d'accomplir 105 heures de travail d'intérêt général dans le délai de 18 mois pour des faits de vol en réunion et tentative de vol en réunion commis les 27 octobre 2015, 11 et 14 janvier 2016. Par un avis du 29 septembre 2017, la commission du titre de séjour de la Nièvre a émis, après audition de l'intéressé, un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Eu égard à ces faits, notamment à leur nature et à leur caractère répété et récent, le préfet de la Nièvre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'ils caractérisaient un comportement de nature à constituer une menace pour l'ordre public quand bien même la peine d'emprisonnement infligée à l'intéressé a été assortie d'un sursis.

5. M. A... fait valoir qu'il s'est marié avec une ressortissante française le 27 août 2016 et que sa vie privée et familiale se situe en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette union est récente et que le préfet de la Nièvre a saisi le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nevers pour faire état de la fragilité psychologique de l'épouse de M. A..., reconnue travailleur handicapé et qui avait été placée sous curatelle de 2000 à 2013. Par ailleurs, M. A... n'exerce aucune activité professionnelle en France et ne démontre aucune volonté d'intégration sociale particulière. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, et alors que l'intéressé a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 28 ans et y conserve des attaches familiales, le préfet de la Nièvre n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Eu égard à ce qui a été dit aux points 4 et 5, M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour.

7. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5, l'obligation faite à M. A... de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. A....

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 août 2019.

5

N° 18LY00262


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00262
Date de la décision : 29/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP BON - DE SAULCE LATOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-08-29;18ly00262 ?
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