La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/08/2019 | FRANCE | N°17LY02169

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 29 août 2019, 17LY02169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Essentiel Formation Entreprises, représentée par la SCP Fromont Briens Lyon, avocats, demande au tribunal administratif de Lyon dans le dernier état de ses écritures le 28 juin 2016 :

1°) d'annuler la décision du 7 avril 2015 par laquelle le président de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes et le président du conseil de la formation de la même chambre ont refusé la prise en charge financière des actions de formation professionnelle continue qu'elle a dispens

es du 12 janvier 2015 au 30 mars suivant pour un montant total de 214 620 euros ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Essentiel Formation Entreprises, représentée par la SCP Fromont Briens Lyon, avocats, demande au tribunal administratif de Lyon dans le dernier état de ses écritures le 28 juin 2016 :

1°) d'annuler la décision du 7 avril 2015 par laquelle le président de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes et le président du conseil de la formation de la même chambre ont refusé la prise en charge financière des actions de formation professionnelle continue qu'elle a dispensées du 12 janvier 2015 au 30 mars suivant pour un montant total de 214 620 euros ;

2°) d'enjoindre au conseil de la formation de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes de prendre en charge financièrement ces actions de formation ;

3°) de mettre à la charge de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n°1504233 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 mai 2017 et des mémoires enregistrés les 8 juin 2018 et 27 décembre 2018, la société Essentiel Formation Entreprises, représentée par Me C..., SCP Bromons Friens, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 avril 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 7 avril 2015 portant refus de la prise en charge financière des actions de formation professionnelle continue qu'elle a dispensées du 12 janvier 2015 au 30 mars 2015 pour un montant total de 214 620 euros ;

3°) d'enjoindre au conseil de la formation de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes de prendre en charge financièrement ces actions de formation représentant un montant de 214 620 euros ;

4°) de mettre à la charge de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes les dépens et une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- l'article 23 du code de l'artisanat ne peut pas servir de fondement à cette décision ;

- elle est dépourvue de fondement légal dès lors que la délibération du conseil de formation telle que rendue publique sur le site internet est insuffisamment précise en ce qui concerne les critères applicables aux organismes de formation leur permettant de présenter des demandes collectives de prise en charge dans le cadre de la subrogation de paiement et méconnaît de ce fait les dispositions du point 3 de l'article R. 6331-63-2 du code du travail ;

- sa formation " pack formation artisan bureautique informatique " dont la prise en charge financière est demandée correspond parfaitement à la définition des actions prises en charge par le conseil de la formation Rhône-Alpes ainsi qu'aux modalités d'intervention financière définies par ledit conseil ; la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes ne pouvait procéder à un contrôle des outils pédagogiques utilisés, dont fait partie le coût du matériel ; elle ne pouvait ajouter un critère supplémentaire à ceux définis sur son site internet sans méconnaître les dispositions de l'article R. 6331-63-2 du code du travail ; le conseil n'ayant pas fixé de critères particuliers sur la prise en charge des dépenses de formation, il y a par suite une obligation de financement par la chambre régionale pour toutes les dépenses correspondant à des actions prioritaires ;

- au surplus, la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes a déjà financé des formations similaires délivrées tant par elle que par d'autres sociétés de formation et continue de financer des formations similaires délivrées directement par des chambres de métiers relevant de la région Rhône-Alpes ;

- M. B... et Mme A... ne sont pas actionnaires de la société Essentiel Formation Entreprises, laquelle n'est pas actionnaire de ProMethée ; le tribunal administratif s'est trompé en estimant que les prix de location des ordinateurs portables par ProMethée sont largement supérieurs au prix du marché et des concurrents ;

- la question du coût des ordinateurs pris en location pour les besoins de la formation ne peut pas justifier un refus, dès lors que cette gestion du matériel pédagogique relève d'une décision de gestion dans laquelle la chambre régionale n'a pas à s'immiscer ; elle ne pouvait pas faire de la location au mois dès lors qu'au cours d'un mois il y a des jours où il n'y a pas de formation ; le coût du matériel (17%) est marginal dans le coût total de la formation et le conseil n'aurait dû rejeter que 17% du coût de la formation et non le coût total ;

- elle n'a pas commis de fraude en l'absence de tout élément intentionnel, son principal objectif étant la réalisation des formations conformes aux priorités de la chambre ; ses formations sont de qualité ;

Par des mémoire enregistrés les 22 janvier 2018 et 16 octobre 2018, la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes, représentée par le cabinet Riquelme, avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Essentiel Formation Entreprises la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la décision est suffisamment motivée et précise ; le refus repose sur le défaut de justification de la conformité des dépenses et non sur l'importance du coût du matériel ; l'organisme de formation utilise une partie des fonds qui lui sont versés pour financer une offre commerciale à travers laquelle les stagiaires acquièrent pour un euro un ordinateur ; les dépenses exposées par la société ne concernent pas exclusivement la réalisation d'actions de formation dès lors qu'une partie est consacrée à financer cette offre commerciale ; est visé le point 11 de l'article 23 du code de l'artisanat ; les membres du conseil de la formation ont analysé l'ensemble des documents présentés par la société à l'appui de ses observations ;

- il n'existe pas d'erreur de droit ; la décision dispose d'une base légale à savoir l'article 23 du code de l'artisanat et le décret n° 2015-254 du 3 mars 2015 codifié aux articles R. 6331-55 à R. 6331-63-12 du code du travail qui confient le traitement de ces demandes au conseil de formation ; l'article R. 6331-63-6 du code du travail prévoit que les recettes perçues par le conseil de formation ont exclusivement pour objet de financer les actions de formation professionnelle continue des artisans, l'article R. 6331-63-6 du code de travail prévoit que les dépenses du conseil de formation sont constituées du financement des actions de formation prévues à l'article R. 6331-63-1 du code du travail ; de tels fonds ne peuvent pas servir à un autre objet que celui qui est visé par les dispositions légales et règlementaires ; il n'existe pas d'illégalité de la délibération, celle-ci n'étant pas entachée " d'incompétence négative " ; les informations prévues à l'article R. 6331-63-2-3° du code du travail ont été rendues publiques sur le site internet du conseil de la formation ; le moyen sur un manquement à l'article R. 6331-63-2-3°du code du travail est inopérant ; la décision ne repose pas sur l'article R. 63313-63-2 du code du travail ; l'argumentation sur le respect des modalités de prise en charge et sur le respect des procédures est inopérante ; la décision prise ne repose pas sur le contenu des actions de formation ; elle ne repose pas non plus sur le coût de la formation ; le conseil de formation ne peut pas financer des actions autres que des actions de formation professionnelle continue ; le conseil de formation était légalement tenu de vérifier que les fonds versés correspondent aux dispositions légales et règlementaires lors de l'instruction des demandes ; le conseil de formation, dont le commissaire de gouvernement présent lors de la réunion, a validé à l'unanimité ce refus ; le moyen tiré de la " différence " de traitement est inopérant et n'est pas fondé ; il est faux de soutenir que le conseil de formation continue de financer des actions de formation reposant sur un dispositif commercial identique à celui de la société requérante ; des rappels, relatifs notamment aux principes d'égalité de traitement, ont été adressés aux chambres de métiers quant au respect des règles relatives au financement des formations ; la correspondance dont entend se prévaloir la société mentionne que le financement des ordinateurs portables est réalisé sur fonds propres de la chambre de métiers et non sur les fonds du conseil de la formation ;

- le conseil n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; un tel moyen est inopérant ; la société requérante ne justifie pas de la conformité de l'utilisation des fonds ; un organisme de formation devrait louer sur des périodes plus longues moins onéreuses que de procéder à une location à la journée ; la société requérante ne justifie pas de la nécessité de louer à la journée lequel se révèle beaucoup plus coûteux ; les devis présentés pour justifier du recours à une telle location reposent sur un cahier des charges établi en 2017 incohérent et ne correspondant pas aux modalités d'intervention de ProMethee-plus à l'occasion des formations réalisées en 2015 dont il est demandé le paiement ; le surcoût de la location journalière ne peut pas être considéré comme une dépense de formation continue ; rien ne justifie une location à la journée quand les formations se déroulent sur le même site ; le nombre d'ordinateurs requis pour une session de formation est de vingt et non pas d'une centaine ; aucune " difficulté de gestion " ne saurait justifier légalement le détournement même partiel des fonds destinés à la formation ; il n'y a pas lieu de regarder si l'organisme de formation est propriétaire ou vendeur du matériel informatique ; rien ne s'oppose à ce que les ordinateurs pris en location soient mis à la disposition de plusieurs stagiaires au cours d'un même mois ; la société doit justifier du rattachement et du bien fondé de ses dépenses et de la conformité des fonds qui lui sont alloués avec les dispositions légales ; il appartient au conseil de la formation sous le contrôle du commissaire du gouvernement de vérifier le rattachement, le bien-fondé et la conformité de l'utilisation des fons qu'il accorde aux organismes de formation en sollicitant de leur part tout justificatif utile de nature à démontrer le respect de telles circonstances ;

- M. B... et Mme A... sont ou ont été à la fois actionnaires de la société Essentiel Formation Entreprises et de la société ProMethee-Plus comme le montre l'article 8 des statuts de cette société ; il existe des liens capitalistiques entre la société Essentiel Formation Entreprises et la société Pro-Methée-Plus ; la décision attaquée n'a pas reproché à la société Essentiel Formation Entreprises d'être à l'origine de manoeuvres frauduleuses ; la société est de mauvaise foi car elle savait que son dispositif commercial n'était pas conforme avec l'objet des fonds;

- le moyen relatif à de la publicité est inopérant ; la position de la société requérante n'a pas été validée par l'administration du travail ;

Un mémoire enregistré le 27 juin 2019 pour la société Essentiel Formations Entreprises, représentée par Me C... (D... by Lamy), n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'artisanat ;

- le décret n° 2015-254 du 3 mars 2015 relatif au fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise exerçant une activité artisanale et aux conseils de la formation institués auprès des chambres de métiers et de l'artisanat de région, des chambres régionales de métiers et de l'artisanat et de la chambre de métiers et de l'artisanat de Mayotte ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me C..., avocat pour la société Essentiel Formation Entreprises et de Me Beauvironnet, avocat pour la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Essentiel Formation Entreprises enregistrée auprès du préfet de la région Rhône-Alpes comme organisme de formation professionnelle continue depuis le 4 novembre 2008 a sollicité auprès de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes la prise en charge financière, pour un montant total de 214 620 euros, de treize actions de formation continue " pack artisan bureautique et internet " réalisées au cours de la période allant du 12 janvier 2015 au 30 mars 2015 et concernant cent-dix stagiaires. Par une décision du 7 avril 2015, le président de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes et le président du conseil de la formation de la même chambre ont rejeté cette demande de financement. La société Essentiel formation entreprises fait appel du jugement du 4 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande à fin d'annulation de cette décision du 7 avril 2015.

2. Il résulte des dispositions du point 11° de l'article 23 du code de l'artisanat alors en vigueur que les chambres de métiers et de l'artisanat de région définissent les orientations et coordonnent l'action des chambres de métiers et de l'artisanat départementales qui leur sont rattachées, fixent les priorités en matière d'actions de formation en faveur des chefs d'entreprise exerçant une activité artisanale, de leurs conjoints collaborateurs ou associés et de leurs auxiliaires familiaux dans le seul domaine de la gestion et du développement des entreprises, et assurent le traitement des demandes de financement de ces actions.

3. Aux termes de l'article R. 6331-63-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige tel que codifié par le décret n° 2015-254 du 3 mars 2015 : " Il est institué auprès des chambres régionales de métiers et de l'artisanat, des chambres de métiers et de l'artisanat de région et auprès de la chambre de métiers et de l'artisanat de Mayotte un conseil de la formation chargé de promouvoir et de financer les actions de formation professionnelle, au sens des articles L. 6313-1 et L. 6353-1, des chefs d'entreprise exerçant une activité artisanale ainsi que de leurs conjoints collaborateurs ou associés, de leurs auxiliaires familiaux dans le seul domaine de la gestion et du développement de leurs entreprises. (...) ". Aux termes de l'article R. 6331-63-2 du même code : " Le conseil de la formation a pour missions : / 1° De définir les priorités de financement de la formation professionnelle dans le respect des conditions prévues à l'article R. 6331-63-1 et de fixer les critères et les modalités de prise en charge des actions de formation qu'il finance ; / 2° De fixer les principes de gestion et les règles de procédure applicables au financement des actions de formation ; / 3° De rendre publics les priorités annuelles, les critères et les modalités de prise en charge des actions de formation fixés par le conseil ainsi que les règles de traitement des demandes de financement des actions de formation, notamment celles portant sur les critères applicables aux organismes de formation leur permettant de présenter des demandes collectives de prise en charge de formations pour le compte des stagiaires dans le cadre de la subrogation de paiement. L'ensemble de ces informations sont mises en ligne sur le site internet de la chambre de métiers et de l'artisanat compétente au sein d'une rubrique dédiée au conseil de la formation, dans un délai de quinze jours suivant leur approbation par le conseil de la formation. ". En vertu de l'article R. 6331-63-3 du même code : " Le conseil de la formation délibère sur : / 1° Les priorités de financement, les critères et les modalités de prise en charge des formations ; (...) Le conseil de la formation contrôle la mise en oeuvre de ces décisions. ". En vertu de l'article R. 6331-63-5 du même code : " Un commissaire du Gouvernement est nommé par le préfet de région auprès du conseil de la formation. (...) Il s'assure de la bonne utilisation des fonds et de leur affectation au compte mentionné à l'article R. 6331-63-9. ". Aux termes de l'article R. 6331-63-6 du même code dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) Les dépenses du conseil de la formation sont constituées : / 1° Du financement des actions de formation prévues à l'article R. 6331-63-1 ; (...) II. - L'agrément financier d'une formation par le conseil ne peut être délivré plus de trois mois avant le début du stage. Il est soumis obligatoirement à l'identification du stagiaire qui se matérialise par une inscription formelle. Le niveau de prise en charge des actions de formation est déterminé de manière à permettre le caractère effectif de celle-ci pendant la durée de l'exercice comptable. Il fait, le cas échéant, l'objet des ajustements nécessaires en cours d'année (...)".

4. En premier lieu, la décision en litige décrit les modalités de l'instruction de la demande présentée par la société Essentiel formation entreprises, mentionne le montant ainsi que les modalités de facturation de la location du matériel informatique utilisé dans le cadre de la formation dont le financement est demandé, indique que la société requérante entretient volontairement un dispositif de location à la journée " extraordinairement coûteux " au service de son seul déploiement commercial, qu'elle expose ainsi " des dépenses, qui, pour une part importante, ne sont pas conformes à l'objet des fonds gérés par le conseil de la formation " et énonce qu'en conséquence " le conseil de la formation a décidé, à l'unanimité des membres présents sur le fondement des dispositions de l'article 23.11° du code de l'artisanat, de refuser la prise en charge financière sollicitée dès lors que le dispositif commercial mis en oeuvre apparaît en grande partie incompatible avec l'objet pour lesquels les fonds de la formation professionnelle continue sont versés ". Cette décision mentionne également que " la circonstance que d'autres établissements tels que des chambres de métiers et de l'artisanat dans certains départements aient pu précédemment ou appuyer de tels dispositifs ne lie pas la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes et son conseil de formation ". Ainsi, cette décision, contrairement à ce que soutient la société requérante, qui comporte les motifs de fait et de droit la fondant, est suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, d'une part, la circonstance que selon la requérante l'article 23 du code de l'artisanat ne pourrait suffire à justifier légalement la décision contestée ne saurait pour autant faire regarder cette décision comme dépourvue de fondement légal, dès lors que, comme l'a jugé le tribunal administratif, le conseil de la formation de la chambre régionale des métiers tenait des dispositions précitées des articles R. 6331-63-1 et suivants du code du travail le pouvoir de refuser la prise en charge financière des actions de formation. D'autre part, la société requérante soutient que la délibération du conseil de formation telle que rendue publique sur le site internet de la chambre régionale des métiers serait trop imprécise au regard des dispositions figurant à l'article R. 6331-63-2 du code du travail concernant les critères de financement et les modalités applicables aux demandes de subrogation dans le cadre de formations collectives pour fonder légalement la décision du 7 avril 2015 par laquelle lui a été refusé le financement demandé de formations collectives dans le cadre de la subrogation de paiement. Toutefois, il ressort des pièces versées au dossier et notamment des pièces 12 et 19 que la chambre régionale des métiers Rhône-Alpes a mis en ligne sur son site internet un descriptif des priorités des formations retenues, lequel comprend notamment les formations informatiques et bureautiques, le montant des financements susceptibles d'être alloués pour de telles formations, un descriptif des procédures à suivre pour obtenir un financement et précise dans un article intitulé " spécificités " les modalités applicables aux " demandes collectives et aux subrogations de paiement pour le compte des stagiaires ". De telles informations sont par suite conformes aux dispositions de l'article R. 6331-63-2 du code du travail précité et notamment à son point 3° relatif à l'information publique devant être mise en ligne sur le site internet de la chambre des métiers au sein d'une rubrique dédiée au conseil de formation. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la délibération telle que figurant sur le site internet de la chambre régionale à l'encontre de la décision du 7 avril 2015.

6. En troisième lieu, la société requérante soutient qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une décision lui refusant, sur le fondement des dispositions précitées du code de l'artisanat, la prise en charge financière des actions de formation intitulées " pack artisan bureautique et informatique " qu'elle a dispensées dès lors, d'une part, que leur objet répond à l'une des priorités définies par le conseil de la formation de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes, en l'espèce celle de la formation en matière d'informatique et de bureautique et, d'autre part, que ces actions remplissent l'ensemble des conditions de prise en charge telles qu'elles ont été définies par ledit conseil et publiées sur le site internet de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat. Toutefois, comme l'ont indiqué à bon droit les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que les formations en litige aient fait l'objet de l'agrément financier prévu à l'article R. 6331-63-6 du code du travail au titre de l'année 2015. Par suite, et alors même que ces formations entreraient dans le cadre des priorités définies par le conseil de formation, il appartenait à ce même conseil de vérifier si les dépenses dont la société requérante demandait la prise en charge dans le cadre d'actions de formation déjà réalisées et de subrogation de paiement, se rattachaient à l'objet des fonds de la formation professionnelle continue en application des dispositions de l'article R. 6331-63-6 du même code. Dès lors, contrairement à ce que soutient la société requérante, le conseil de formation dont il est constant que l'appréciation n'a pas porté sur les qualités pédagogiques de l'action de formation mais seulement sur les moyens pédagogiques mis en oeuvre et en l'espèce sur les dépenses de matériel informatique, n'a ainsi pas ajouté des critères non prévus aux dispositions réglementaires ni commis d'erreur de droit en procédant à une telle vérification sur les dépenses dont il lui était demandé le paiement et sur leur conformité par rapport à l'article R. 6331-63-6 du code du travail.

7. En quatrième lieu, si la société requérante se prévaut de décisions précédentes de validation de dépenses de formation incluant des dépenses de location de matériels informatiques pour des actions menées par elle-même ou par d'autres organismes de formation, il ressort notamment du compte rendu, produit en appel, de la réunion du conseil de formation du 3 avril 2015 à laquelle assistait le commissaire du gouvernement et au cours de laquelle a été examinée la demande formulée par la société requérante tendant au financement d'actions de formation " pack bureautique " pour un montant de 214 620 euros que ce conseil, à l'unanimité, après avoir constaté des dérives antérieures sur des pratiques commerciales concernant la cession gratuite ou à très faible prix de matériels informatiques aux stagiaires de la formation professionnelle continue, a décidé de renforcer les contrôles sur les demandes de paiement lui étant transmises et sur la conformité de celles-ci à l'article R. 6331-63-6 du code de travail. Il ressort du compte-rendu de la réunion du conseil de la formation du 21 mai 2015 que cette prise de position, arrêtée le 3 avril 2015, a été immédiatement suivie de différents courriers adressés aux chambres départementales de métiers et d'artisanat pour leur demander de renforcer leurs contrôles sur ce point. Le conseil de formation ayant adopté à compter de ce compte-rendu du 3 avril 2015 la même stratégie de renforcement des contrôles pour l'ensemble des actions de formation soumises à son examen, le moyen, à le supposer soulevé, tiré d'une " rupture d'égalité " entre la société requérante et d'autres organismes de formation ayant la même stratégie commerciale de location de matériels ou une stratégie commerciale aboutissant au même résultat à savoir la vente à prix très faible du matériel informatique voire sa cession à titre gratuit à l'issue de la formation, manque en fait.

8. En cinquième lieu, il ressort des termes de la décision du 7 avril 2015 que pour refuser de prendre en charge financièrement les actions de formation litigieuses, le conseil de la formation de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes s'est fondé sur l'inclusion dans la demande de financement de dépenses relatives à du matériel informatique liées non à l'action de formation continue mais au développement commercial de la société requérante et de la non-conformité de telles dépenses à l'objet des fonds gérés par le conseil de formation.

9. Comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, les pièces versées au dossier établissent que l'action de formation continue " pack artisan bureautique et internet " réalisée en 2015 devait permettre aux stagiaires d'acquérir les compétences nécessaires pour utiliser correctement et facilement dans le cadre de leur exercice professionnel différents outils bureautiques et fonctionnalités informatiques, à savoir les logiciels Windows 8 et Excel, Internet et une messagerie électronique. Cette formation était dispensée par la société requérante en sept journées réparties sur sept semaines. Dans le cadre de cette formation, chaque stagiaire était doté au début de la formation d'un ordinateur portable neuf par la société Essentiel formation entreprises que cette dernière louait à la journée pour un montant de 42,85 euros hors taxe par jour auprès d'une société tierce dont toutefois certains actionnaires ou gérants étaient ou ont pu être communs avec la société Essentiel Formations et avec la société Essentiel Formation Entreprises puis avec le groupe Zenos comprenant la société Essentiel Formation Entreprises. Cet ordinateur, équipé des logiciels nécessaires à la réalisation de la formation et relié à une plateforme pédagogique à distance, était laissé gracieusement à la disposition des stagiaires pendant toute la période de stage. A l'issue de la formation, il leur était proposé de l'acquérir au prix d'un euro. Il ressort également des pièces du dossier que le tarif de location à la journée est plus onéreux qu'un tarif de location sur une durée plus longue. La société requérante fait état, d'une part, qu'un tel choix de location était induit par l'absence de compétences en interne en matière de maintenance et de reconfiguration des ordinateurs et, d'autre part, qu'un tel choix de location à la journée était nécessaire pour tenir compte des sessions de formation regroupées sur un ou deux jours de la semaine et de la circonstance qu'une location au mois aboutirait à une location pour des périodes non rattachables à des sessions de formation et donc non rattachables à une action de formation professionnelle. Elle indique également que les prix de location proposés par le propriétaire de ce matériel informatique, à savoir la société PROMETHEE PLUS, étaient conformes aux tarifs du marché voire inférieurs et qu'il n'y a pas eu d'abus tarifaire concernant une telle location journalière dans le cadre des dépenses dont il était demandé la prise en charge par la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes via la demande de financement auprès du conseil de formation de cette chambre. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la société requérante ne saurait utilement se prévaloir ni d'un appel d'offres daté de 2017, soit postérieurement aux actions de formations de 2015 lequel ne correspond pas aux prestations demandées en 2015 à la société PROMETHEE PLUS notamment en termes de récupération sur les sites de formation et de possibilité de vente de tels ordinateurs, ni des devis en réponse à cet appel d'offres pour établir que le prix de location journalière en 2015 facturé à hauteur de 42,85 euros hors taxe par jour correspondait aux prix du marché. Les données comparatives produites par la chambre régionale des métiers et des artisans de Rhône-Alpes établissent à l'inverse que le prix d'une telle location journalière en 2015 auprès de la société PROMETHEE PLUS était largement supérieur au prix du marché. Dans ces conditions, le conseil de la formation de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes a pu, sans entacher sa décision d'erreur de fait ou d'appréciation, constater que la demande de financement qui lui était adressée incluait des dépenses relatives à du matériel informatique en lien avec le seul déploiement commercial de la société et ne pouvant ainsi être rattachées à l'objet des fonds de la formation professionnelle continue.

10. Enfin, la société requérante soutient en appel que le coût des dépenses relatives au matériel informatique ne s'élevant qu'à 17%, le conseil de formation aurait dû seulement déduire ce pourcentage du montant qu'elle demandait et non pas refuser la prise en charge de la totalité de la somme. Toutefois, en ne procédant pas à une telle déduction et en ne lui versant pas le solde du montant demandé au titre du financement des actions des formations réalisées, le conseil de formation de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes n'a nullement méconnu les dispositions des articles R. 6331-63-1 et suivants précités du code du travail. La société requérante ne fait état d'aucun texte légal ou réglementaire qui imposerait à ce même conseil de procéder au financement de telles actions de formation après déduction des sommes ne se rattachant pas à l'objet des fonds de la formation professionnelle continue. Dès lors, la décision en litige qui rejette l'intégralité de la demande à fin de paiement de la société requérante n'est entachée d'aucune erreur de droit ni non plus, eu égard aux motifs retenus, d'erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'elle puisse utilement se prévaloir de ce qu'elle n'a commis aucune fraude et que les formations qu'elle dispense sont de qualité, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2015 par laquelle le président de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes et le président du conseil de la formation de la même chambre ont refusé la prise en charge financière des actions de formation professionnelle continue qu'elle a dispensées du 12 janvier 2015 au 30 mars suivant pour un montant total de 214 620 euros. Par suite ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions formulées au titre des dépens et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Essentiel Formation Entreprises une somme de 3 000 euros à verser à la chambre régionale Rhône-Alpes des métiers et de l'artisanat au titre de ce même article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Essentiel Formation Entreprises est rejetée.

Article 2 : La société Essentiel Formation Entreprises versera à la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Essentiel Formation Entreprises et à la chambre régionale de métiers et de l'artisanat Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 août 2019.

2

N° 17LY02169


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY02169
Date de la décision : 29/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-09 Travail et emploi. Formation professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : FROMONT BRIENS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-08-29;17ly02169 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award