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11/07/2019 | FRANCE | N°19LY01176

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2019, 19LY01176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 3 décembre 2018 par lesquelles la préfète de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.

Par un jugement n° 1802601 du 4 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions (article 1er) et mis à la charge de l'État le paiement à Me Jauvat, avocat de M. A..., de la somme de 800 euros (a

rticle 2).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 mars 2019,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 3 décembre 2018 par lesquelles la préfète de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.

Par un jugement n° 1802601 du 4 mars 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions (article 1er) et mis à la charge de l'État le paiement à Me Jauvat, avocat de M. A..., de la somme de 800 euros (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 mars 2019, la préfète de l'Allier demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 mars 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.

Elle soutient que les deux documents d'état civil présentés par M. A... ont fait l'objet d'un avis défavorable de la part des services de la police aux frontières ; c'est donc à tort que le tribunal administratif a estimé que l'intéressé établissait être mineur et ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

Par un mémoire enregistré le 10 mai 2019, M. A..., représenté par Me Jauvat, avocat, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint à la préfète de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou " salarié " ou " travailleur temporaire " ;

- à la mise à la charge de l'État du paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que sa minorité est établie.

Par un mémoire enregistré le 14 juin 2019, qui n'a pas été communiqué, la préfète de l'Allier conclut aux mêmes fins que la requête, au rejet des conclusions de M. A... et à ce que celui-ci soit condamné à reverser la somme de 800 euros mise à la charge de l'État par le jugement attaqué.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. A... dans sa demande devant le tribunal administratif n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant de la République de Guinée, déclare être entré en France en juillet 2017. Il a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Allier à compter du mois d'août 2017. Le 3 décembre 2018, la préfète de l'Allier lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Cette préfète relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". L'article L. 511-4 du même code dispose toutefois que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. La préfète de l'Allier allègue que lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, M. A... a présenté de faux documents d'état civil, ne permettant pas d'établir sa minorité et qu'il s'est ainsi rendu coupable de fraude. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a présenté un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance du tribunal de première instance de N'Zérékoré en date du 11 décembre 2017 et un extrait du registre de l'état civil délivré le 11 décembre 2017, selon lesquels il est né le 3 mai 2001. La préfète a produit deux rapports simplifiés d'analyse documentaire établis le 11 juillet 2018 par les services de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Clermont-Ferrand, indiquant qu'il est " difficile d'être formel d'un point de vue technique sur la conformité de " ces actes, mais que la transcription du jugement supplétif ne respecte pas le délai prévu par l'article 601 du code de procédure civile guinéen. Toutefois, si l'article 601 du code de procédure civile guinéen dispose que " Le délai de recours par une voie ordinaire est de dix jours en matière contentieuse comme en matière gracieuse ", cet article figure dans la partie du code portant " Dispositions communes à toutes les juridictions ". Les actes d'état civil relèvent de la partie portant " Dispositions particulières à certaines matières ", dans laquelle figure, notamment l'article 898, aux termes duquel : " Le dispositif de la décision portant rectification est transmis immédiatement par le Procureur de la République au dépositaire des registres de l'état civil où se trouve inscrit l'acte rectifié. / Mention de ce dispositif est aussitôt portée en marge de cet acte " et l'article 899, dont le dernier alinéa prévoit que : " Les transcription et mention du dispositif sont aussitôt opérées. " Dès lors, la préfète ne saurait opposer à M. A... le non respect du délai prévu à l'article 601 du code de procédure civile guinéen. Enfin, la circonstance que " des informations sérieuses émanant du service de sécurité intérieure de l'ambassade de France en République de Guinée (Conakry), font état d'une fraude généralisée (...) de l'état civil de ce pays, tant au niveau des administrations que des tribunaux " ne saurait suffire à permettre de douter de l'authenticité des actes d'état civil produits par M. A.... Par suite, les dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisaient obstacle à ce qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire français.

5. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Allier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions en litige.

6. Le présent arrêt n'implique pas que Me Jauvat, avocat de M. A..., reverse la somme mise à la charge de l'État par l'article 2 du jugement attaqué. Les conclusions de la préfète de l'Allier tendant à cette fin doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les conclusions de M. A... à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) "

8. La préfète de l'Allier s'est bornée à faire obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et à désigner un pays de destination. L'annulation de ces décisions n'implique pas la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour. Ses conclusions tendant à cette fin doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Jauvat, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le paiement à cet avocat d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de l'Allier est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Jauvat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.

5

N° 19LY01176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19LY01176
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : JAUVAT ANTOINE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-11;19ly01176 ?
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