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11/07/2019 | FRANCE | N°19LY00271

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2019, 19LY00271


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 7 août 2018, par lesquels le préfet de l'Isère a retiré leur titre de séjour, a refusé de leur accorder un tel titre, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel ils seraient reconduit d'office et leur a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans.

Par un jugement n° 1806478-1806479 du 18 décembre 2018, le tribunal ad

ministratif de Grenoble a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 7 août 2018, par lesquels le préfet de l'Isère a retiré leur titre de séjour, a refusé de leur accorder un tel titre, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel ils seraient reconduit d'office et leur a interdit le retour sur le territoire français durant deux ans.

Par un jugement n° 1806478-1806479 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2019, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 décembre 2018 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... D... et Mme B... C... devant le tribunal administratif.

Il soutient que ses arrêtés ne portent pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale des intéressés.

Par deux mémoires enregistrés le 24 avril 2019, et deux mémoires enregistrés le 14 juin 2019, M. D... et Mme C..., représentés par Me Borges de Deus Correia, avocat, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. D... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D... et Mme B... C..., ressortissants macédoniens nés, respectivement, le 22 août 1981 et le 21 novembre 1980, déclarent être entrés en France le 28 septembre 2010 avec leurs trois enfants alors âgés de douze, dix et six ans. Ils ont formulé une demande d'asile sous une fausse identité en se présentant comme ressortissants du Kosovo. Cette demande a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile le 6 mars 2012. Le 28 mai 2013, puis le 1er août 2014, ils ont fait l'objet d'arrêtés portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Toujours sous une fausse identité, Mme C... a finalement obtenu un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", valable du 13 décembre 2016 au 12 décembre 2017, tandis que son époux a obtenu un titre portant la même mention, valable du 8 juin 2017 au 7 juin 2018. Ayant eu connaissance de la fausse identité sous laquelle vivaient les intéressés, le préfet de l'Isère a, par arrêté du 7 août 2018, pour ce motif, retiré ces titres de séjour et a pris des décisions refusant de les admettre au séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignant le pays de renvoi et leur interdisant le retour sur le territoire pendant deux ans. Le préfet de l'Isère interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces arrêtés.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale. "

5. Il ressort des pièces du dossier que M. D... et Mme C... étaient présents en France depuis huit ans à la date des arrêtés litigieux. Leurs trois enfants ont tous été scolarisés. Le plus jeune de leurs enfants, qui était âgé de six ans à la date d'entrée sur le territoire et de quatorze ans à la date des arrêtés litigieux, n'a pas connu d'autre pays que la France. M. D... et Mme C..., qui travaillaient lorsqu'ils disposaient d'un titre de séjour, justifient que leurs employeurs ont demandé une autorisation de travail. S'ils ont fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, le préfet de l'Isère leur a néanmoins accordé un titre de séjour postérieurement, comme il a été dit au point 1. Dans les circonstances de l'espèce, pour blâmable que soit la fraude à l'identité à laquelle ils ont participé dans le but d'accroitre leurs chances d'obtenir l'asile lors de leur arrivée en France, les intéressés justifient que les arrêtés litigieux portent à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par les décisions et méconnaissent, par suite, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés litigieux.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Borges de Deus Correia renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Borges de Deus Correia la somme de 1 200 euros, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... D... et à Mme B... C....

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.

4

N° 19LY00271


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19LY00271
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-11;19ly00271 ?
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