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11/07/2019 | FRANCE | N°18LY04391

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2019, 18LY04391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- d'annuler la décision du 19 mai 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 17 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et une contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement d'un montant de 2 124 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 626-1

du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- d'annuler la décision du 19 mai 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une contribution spéciale d'un montant de 17 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et une contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement d'un montant de 2 124 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble la décision du directeur général de l'OFII du 27 juin 2017 rejetant son recours ;

- de lui accorder la décharge de ces sommes.

Par un jugement n° 1701843 du 10 septembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2018, M. A..., représenté par Me Grenier, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 10 septembre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées et de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les droits de la défense ont été méconnus, dès lors qu'il n'a pas été informé de la possibilité de demander la communication de son dossier et notamment du procès-verbal sur lequel s'est fondé l'OFII ;

- la décision repose sur des fait matériellement inexacts ;

- l'OFII a appliqué automatiquement la sanction la plus élevée, sans examiner la possibilité d'une minoration, prévue par le II de l'article R. 8253-2 du code du travail.

La requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Grenier, avocate de M. A..., et celles de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 janvier 2016, les services de la gendarmerie nationale ont procédé au contrôle d'un véhicule utilitaire conduit par M. A..., transportant des poulets vivants, à bord duquel se trouvait M. B..., de nationalité marocaine, dépourvu d'autorisation de séjour et de travail. Lors de son audition, M. B..., qui est le frère de l'épouse de M. A..., a déclaré travailler depuis vingt ans dans l'élevage de poulets appartenant à M. et Mme A... et percevoir une rémunération mensuelle d'environ 1 300 euros. Le 19 mai 2017, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de M. A... une contribution spéciale de 17 600 euros sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail et une contribution forfaitaire aux frais de réacheminement d'un montant de 2 124 euros sur le fondement de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 27 juin 2017, il a rejeté le recours de l'intéressé contre cette décision. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions et à la décharge des sommes dont il s'agit.

2. D'une part, s'agissant de la contribution spéciale, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". L'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux. /L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'État comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. (...) ".

3. L'article R. 8253-1 du code du travail prévoit que : " La contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est due pour chaque étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail. " L'article R. 8253-3 de ce code ajoute que : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. " Aux termes de l'article R. 8253-4 du même code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / La créance est recouvrée par le comptable public compétent comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. "

4. D'autre part, s'agissant de la contribution forfaitaire de frais de réacheminement, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ".

5. Aux termes de l'article R. 626-1 du même code : " I. - La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. (...) ". L'article R. 626-2 de ce code ajoute que : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. /II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de son audition par les services de la gendarmerie nationale le 28 janvier 2016 que M. B..., de nationalité marocaine, né le 30 mars 1973, était présent sur le territoire français depuis plus de vingt-cinq ans. Il a été marié à une ressortissante française. Sa mère et sa soeur, qui possède la nationalité française, résident en France. Lors de cette audition, il a déclaré travailler depuis vingt ans dans l'élevage de poulets exploité par M. A..., qui est l'époux de sa soeur, et percevoir une rémunération mensuelle d'environ 1 300 euros. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... n'a déclaré aucun salarié depuis 1994. Toutefois, les déclarations de M. B... relatives, notamment, à sa rémunération par M. A..., ne sont corroborées par aucune des pièces du dossier. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment des liens familiaux existant entre les intéressés, la réalité d'une relation de travail entre eux n'est pas établie. Dès lors, le directeur général de l'OFII ne pouvait pas légalement mettre à la charge de M. A... les contributions en litige.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII le paiement à M. A... d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 10 septembre 2018 et les décisions du directeur général de l'OFII des 19 mai 2017 et 27 juin 2017 sont annulées.

Article 2 : M. A... est déchargé de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement mises à sa charge par la décision du directeur général de l'OFII du 19 mai 2017.

Article 3 : L'OFII versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.

N° 18LY04391 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04391
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-11;18ly04391 ?
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