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11/07/2019 | FRANCE | N°18LY02313

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2019, 18LY02313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 29 janvier 2018 par lesquelles le préfet de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801091 du 11 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 jui

n, 8 octobre et 20 décembre 2018 et 8 mars 2019, M. A..., représenté par Me Paquet, avocate, deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 29 janvier 2018 par lesquelles le préfet de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801091 du 11 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 juin, 8 octobre et 20 décembre 2018 et 8 mars 2019, M. A..., représenté par Me Paquet, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif ;

2°) à titre subsidiaire :

- d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 11 avril 2018 ;

- d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

- d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

- d'enjoindre au préfet de la Loire d'effacer son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il existe un doute sur l'impartialité du magistrat qui a rendu le jugement attaqué ;

- le tribunal a omis de se prononcer sur les moyens tirés du défaut d'examen de sa situation et de l'erreur manifeste d'appréciation du préfet dans le cadre de son pouvoir de régularisation ;

- les décisions litigieuses sont entachées d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- ces décisions méconnaissent son droit d'être entendu ;

- elles méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation ;

- le préfet a méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ces décisions méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires enregistrés les 25 janvier et 14 mars 2019, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il s'en remet à ses conclusions de première instance.

Par une décision du 12 décembre 2018, confirmée par une ordonnance du président de la cour du 26 février 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les observations de Me B..., substituant Me Paquet, avocate de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 24 juillet 1963, de nationalité albanaise, est entré irrégulièrement en France le 28 décembre 2016. Le 29 mai 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile. Ce rejet a été confirmé le 5 octobre 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 29 janvier 2018, le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En vertu des principes généraux applicables à la fonction de juger, toute personne appelée à siéger dans une juridiction doit se prononcer en toute indépendance et en toute impartialité.

3. La teneur de certains des propos tenus publiquement par le magistrat ayant rendu le jugement attaqué est de nature à faire naître un doute légitime sur son impartialité. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation de ce jugement.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

6. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet de la Loire n'a entendu opposer aucun refus de titre de séjour à l'intéressé, alors même que ce dernier avait déposé une demande de titre de séjour en raison de l'état de santé de son épouse préalablement à l'édiction de cette mesure d'éloignement. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que le prétendu refus de titre de séjour qui lui aurait été opposé serait entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation, qu'il ne pouvait intervenir qu'après saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et qu'il méconnaîtrait les dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire, dont la décision fait état des circonstances de droit et de fait qui la fondent, aurait négligé d'examiner la situation personnelle de M. A....

8. En troisième lieu, lorsqu'il présente une demande d'asile, démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'étranger ne saurait ignorer qu'il pourra le cas échéant faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, notamment celles qui seraient de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

9. Si M. A... fait valoir qu'à la date de la décision contestée, il avait déposé une demande de titre de séjour en raison de l'état de santé de son épouse, cette circonstance n'est toutefois pas de nature à permettre de considérer que l'intéressé a été privé de la faculté de faire valoir, au cours de l'instruction de sa demande d'asile ou après le rejet de celle-ci et par tout moyen approprié, les éléments pouvant faire obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire a méconnu le droit à être entendu qu'il tient des principes généraux du droit de l'Union européenne.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

11. M. A... fait valoir que l'état de santé notamment psychique de son épouse nécessite un traitement médicamenteux dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, les documents qu'il produit ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. De même, ces documents ne permettent pas d'établir que les traumatismes dont elle est atteinte trouveraient leur origine en Albanie. Si le requérant fait également valoir que ses enfants sont scolarisés en France et maîtrisent la langue française, il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions en litige, il n'était présent en France que depuis un peu plus d'un an et que son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Ainsi, les éléments avancés par l'intéressé ne permettent pas de considérer que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants du requérant ne pourraient poursuivre leur scolarité en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

15. Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

16. Lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

17. Si M. A... fait état de ses pathologies, il n'établit pas qu'il aurait communiqué au préfet des éléments suffisamment précis permettant de laisser penser qu'il ne pourrait trouver effectivement dans son pays d'origine un traitement adapté à son état de santé. Dès lors, le préfet de la Loire n'a méconnu ni les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni celles de l'article R. 511-1 de ce code.

18. En dernier lieu, dans les circonstances de l'espèce, en ne régularisant pas, à titre exceptionnel, la situation de M. A..., le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

19. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire, dont la décision fait état des circonstances de droit et de fait qui la fondent, aurait négligé d'examiner la situation personnelle de M. A....

20. En deuxième lieu, pour les motifs précédemment exposés, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

21. En dernier lieu, pour contester la décision fixant l'Albanie comme pays de renvoi, M. A... invoque la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lesquelles " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et fait valoir que sa famille est impliquée dans une vendetta en Albanie. Toutefois, les éléments produits ne suffisent pas à établir la réalité des menaces auxquelles le requérant serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le préfet de la Loire n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en fixant l'Albanie comme pays de renvoi.

22. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions qu'il conteste. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des articles L. 761 1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 11 avril 2018 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.

2

N° 18LY02313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02313
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-11;18ly02313 ?
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