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04/07/2019 | FRANCE | N°18LY00965

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 18LY00965


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 mai 2017 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jou

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 11 mai 2017 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification du jugement dans l'attente du réexamen de sa situation sous la même astreinte.

Par un jugement n° 1704208 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 juillet 2018, Mme A...B..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2017 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 11 mai 2017 par lesquelles le préfet de l'Ain a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de délivrer à Mme B...une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt jusqu'au réexamen de son droit au séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative et de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les décisions méconnaissent le 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors qu'elle justifie des violences conjugales subies et qui l'ont conduite à la rupture de la communauté de vie ; elle s'est rendue à 4 reprises à la gendarmerie d'Ambérieu-en-Bugey entre juin 2016 et janvier 2017 pour dénoncer des faits de violences psychologiques et physiques dont elle a fait l'objet par son époux ; il ne résulte que d'un mail de la gendarmerie que les plaintes auraient été classées sans suite en raison de contradictions ; ce classement sans suite est insuffisant pour écarter la matérialité des violences alléguées ;

- les propos d'un gendarme qui font état de ce qu'il l'aurait entendue indiquer qu'en déposant plainte elle pouvait obtenir un titre de séjour ne peuvent être retenus dès lors qu'ils sont imprécis et faux ;

- elle a fourni des certificats médicaux qui s'ils ne font pas état d'incapacité temporaire partielle relèvent les douleurs ;

- elle a fourni des attestations qui sont claires ;

- il ne peut être tenu compte de ce que son époux a souhaité mettre fin au mariage en déposant le 7 juillet 2016 une requête en divorce ayant conduit à une ordonnance du 1er février 2017 de non conciliation que dans le cadre du contexte familial particulier du couple ;

- elle a également sollicité une demande de changement de statut en produisant une promesse d'embauche en qualité d'agent de nettoyage ; le tribunal ne pouvait valablement considérer qu'elle prétendait à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " et non d'une admission exceptionnelle au séjour par le travail ; ce faisant, le préfet a examiné, à tort, sa demande sur le fondement du 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié alors qu'elle devait être examinée comme une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salariée ;

- à ce titre, la décision est insuffisamment motivée.

- le motif de refus pour appliquer l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, à savoir l'absence de contrat de travail visé par la DIRECCTE, ne peut légalement justifier ce refus de régularisation.

Par un mémoire, enregistré le 2 juillet 2018, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- Mme B...ne remplit plus les conditions de renouvellement du certificat de résidence en application du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ni les conditions de délivrance d'un certificat de résidence prévues au 7 bis a) de l'accord précité dès lors qu'elle a transmis une ordonnance de non conciliation du 1er février 2017 mentionnant qu'il n'y a plus de communauté de vie effective avec son époux ;

- concernant les violences alléguées, les différents dépôts de plainte ont été classés sans suite par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse ; cette information a été transmise par un gendarme qui a suivi l'affaire ; seule cette information du gendarme a été prise en compte ; les certificats médicaux ne font que retranscrire les déclarations de Mme B...sans que le médecin ne constate de lésion ; les attestations des tiers sont peu précises et non corroborées par des éléments probants ; l'intéressée n'établit pas que la rupture de la communauté de vie résulterait de violences conjugales ;

- concernant l'admission exceptionnelle au séjour, Mme B...a sollicité, le 26 février 2017, un changement de statut en se prévalant d'une promesse d'embauche en qualité d'agent de nettoyage ; son courrier ne fait pas mention d'une demande de régularisation ; l'intéressée ne peut utilement invoquer le moyen tiré d'une méconnaissance de sa demande de régularisation alors même qu'elle n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ; les éléments contenus dans les décisions motivent de manière suffisante l'absence de régularisation de la situation de l'intéressée ;

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Caraës, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...B..., ressortissante algérienne née le 24 novembre 1969, est entrée en France le 8 janvier 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a obtenu la délivrance d'un certificat de résidence d'un an valable du 17 novembre 2015 au 16 novembre 2016 en raison de sa qualité de conjointe d'un ressortissant français, M.C..., avec lequel elle s'est mariée le 25 juin 1992. Le 21 septembre 2016, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et le 26 février 2017, elle a sollicité un changement de statut en se prévalant d'une promesse d'embauche en qualité d'agent de nettoyage. Par décisions du 11 mai 2017, le préfet de l'Ain a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Mme B...relève appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 11 mai 2017.

2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre époux ". Ces stipulations régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée.

3. Mme B...fait valoir que le préfet de l'Ain, qui lui a refusé le premier renouvellement de son certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " en raison de la rupture de la communauté de vie avec son époux ainsi qu'en atteste une ordonnance de non conciliation du 1er février 2017 du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse qui autorise les époux à résider séparément, aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation et tenir compte de sa situation particulière en raison des violences conjugales que son conjoint lui faisait subir. Il ressort des pièces du dossier que le conseil de M. C...atteste avoir été mandaté, le 16 juin 2016, par son client pour engager une procédure de divorce à l'encontre de son épouse qui sera effectivement mise en oeuvre lors du dépôt de la requête en divorce le 7 juillet 2016. Si Mme B...a déposé quatre plaintes auprès de la gendarmerie d'Ambérieu-en-Bugey, le 22, 28 juin, le 23 décembre 2016 et le 24 janvier 2017 pour violences conjugales, ces plaintes ont été classées sans suite par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en raison, selon les termes d'un mail adressé par un gendarme rattaché à la brigade de Saint-Rambert-en-Bugey dont la valeur probante peut être retenue en l'absence de tout élément versé au dossier qui viendrait le remettre en cause, des contradictions relevées lors de l'audition de MmeB.... La requérante produit également des certificats médicaux datés du 27 juin et 15 décembre 2016, du 20 janvier et du 7 février 2017 qui retranscrivent les déclarations de l'intéressée et indiquent que son état de santé n'entraîne pas d'incapacité temporaire. Si Mme B...produit encore un certificat médical du 28 juin 2017, postérieur à la décision attaquée, faisant état d'une lésion cervico-brachial avec contracture trapèze et un granulome post-traumatique de la conque de l'oreille droite, ce certificat ne permet pas de rattacher ces lésions à l'agression dont Mme B...se dit avoir été victime et n'a d'ailleurs pas été suivi d'un dépôt de plainte. Les attestations produites par Mme B...faisant état de violences conjugales ne sont pas suffisantes pour établir la matérialité des violences conjugales alléguées. Enfin, la circonstance qu'elle ait été en contact téléphonique avec l'association d'aide aux victimes et médiation dans l'Ain ne saurait suffire à établir que les violences conjugales alléguées seraient à l'origine de la rupture de la commune de vie entre les époux. Par suite, le préfet de l'Ain n'a pas méconnu le 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de renouveler le titre de séjour sollicité par Mme B...dans le cadre de son pouvoir de régularisation.

4. Aux termes des stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord (...) b) / Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 26 février 2017, Mme B...a renouvelé sa demande de certificat de résidence en précisant qu'elle sollicitait un changement de statut à la suite de l'ordonnance de non conciliation du 1er février 2017 et s'est prévalue de ce qu'elle travaillait en contrat à durée déterminée et qu'elle bénéficiait d'une promesse d'embauche en qualité d'agent de nettoyage. Il s'ensuit qu'elle doit être regardée comme ayant sollicité, non une admission exceptionnelle au séjour, mais un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par suite, en opposant à cette demande, l'absence de contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, le préfet de l'Ain a suffisamment motivé sa décision et n'a pas commis d'erreur de droit.

6. Pour les motifs précédemment exposés, le préfet de l'Ain n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la situation personnelle de l'intéressée en refusant de l'admettre au séjour dans le cadre de son pouvoir de régularisation.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeA... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président de la formation de jugement,

Mme Cottier, premier conseiller,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 juillet 2019.

5

N° 18LY00965


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00965
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : GUERAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-04;18ly00965 ?
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