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04/07/2019 | FRANCE | N°18LY00837

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 18LY00837


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme K...E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune du Bourget-du-Lac à lui payer la somme de 50 254,15 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'accident survenu le 13 février 2013.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Ardèche a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune du Bourget-du-Lac à lui verser la somme de 46 376,29 euros au titre de ses débours ainsi que le paiement de l'indemnité forfaitaire.
>Par un jugement n° 1507546 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenob...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme K...E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune du Bourget-du-Lac à lui payer la somme de 50 254,15 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'accident survenu le 13 février 2013.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Ardèche a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune du Bourget-du-Lac à lui verser la somme de 46 376,29 euros au titre de ses débours ainsi que le paiement de l'indemnité forfaitaire.

Par un jugement n° 1507546 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune du Bourget-du-Lac à verser à Mme E...la somme de 11 844 euros, à la CPAM de l'Ardèche les sommes de 8 427,40 euros au titre de ses débours et de 527,50 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et a mis les frais d'expertise à la charge de la commune.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 26 février 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 7 mai 2019, la commune du Bourget-du-Lac et la compagnie SMACL assurances, représentées par MeJ..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener le montant de sa condamnation à hauteur de 25 % des préjudices subis par Mme E...et des débours engagés par la CPAM de l'Ardèche ;

4°) de ramener les prétentions indemnitaires de Mme E...à de plus justes proportions et de rectifier la somme due à la CPAM de l'Ardèche au regard des dépenses réellement engagées ;

5°) de condamner le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

6°) de mettre à la charge de Mme E...ou, subsidiairement de l'Institut national de l'énergie solaire (INES), la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- sa requête est recevable dès lors que le jugement du tribunal administratif de Grenoble a été notifié le 28 décembre 2018 et que sa requête en appel a été enregistrée avant le 21 février 2018 ;

- la salle de spectacle était, le jour de l'accident, mise à disposition de l'Institut national de l'énergie solaire (INES) ; ses conclusions devaient être appréciées comme demandant du tribunal administratif de condamner l'INES à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- les deux attestations produites par Mme E...ne peuvent à elles seules établir l'existence d'un lien de causalité entre son préjudice et la présence du fourreau laissé libre du poteau de sécurisation de l'accès au parking ; ces attestations n'ont pas été rédigées selon le formulaire CERFA n° 11527*02 et ne correspondent pas aux exigences prévues à l'article 201 et 202 du code de procédure civile ; ces attestations sont stéréotypées et non circonstanciées ; la seconde attestation de Mmes F...et D...est intervenue presque deux ans après l'accident de Mme E...pour préciser que le passage avait été rendu impossible en raison de la neige entassée de chaque côté de la chaussée alors que Mme E...était en difficulté sur ce point du récit ; ces attestations ne sont corroborées par aucun rapport d'intervention des services de secours ; le compte rendu opératoire fait état d'une chute contre un plot du parking alors que Mme E...indique avoir chuté dans un trou ; les premiers juges se sont exclusivement fondés sur ces attestations pour la condamner ;

- aucun défaut d'entretien ne peut lui être reproché ; la présence du fourreau est un aménagement nécessaire à la bonne régulation du trafic des véhicules sur le parking ; ce fourreau reçoit un potelet amovible situé à proximité immédiate de l'entrée et sa présence ne peut être ignorée des passants ;

- un chemin piéton alternatif avait été spécifiquement conçu pour éviter aux personnes empruntant à pied le parking d'être confrontées à cet obstacle situé sur le chemin de passage des automobiles ; MmeE..., habituée des lieux, connaissait l'existence de ce chemin réservé aux piétons ; les allégations selon lesquelles ce chemin aurait été bloqué ne sont pas établies ;

- dans l'hypothèse où un piéton voudrait franchir l'entrée du parking à l'endroit réservé aux voitures, les photographies montrent que de jour le fourreau est visible de loin ;

- la circonstance que le mécanisme de régulation du parking consistant en un potelet et un fourreau ait été ultérieurement remplacé par une barrière n'a aucune incidence sur sa responsabilité ;

- l'accident dont Mme E...a été victime est dû à un manque d'attention fautif ; elle connaissait les lieux ; cette faute de la victime est exonératoire de toute responsabilité ou elle ne pourrait se voir imputer plus d'un quart des conséquences dommageables de l'accident ;

- Mme E...ne justifie pas des frais divers ; la somme demandée au titre de l'incidence professionnelle n'est pas justifiée et est surévaluée ; les sommes demandées au titre des souffrances endurées, du préjudice esthétique, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d'agrément, qui n'est pas justifié, sont excessives ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de calcul en évaluant les débours de la CPAM ;

- les membres de l'INES en charge de l'organisation de la manifestation ont eux-mêmes déposé un potelet en bois amovible ; il s'agissait d'une initiative de cet institut sans consultation préalable de la commune afin de permettre aux participants de rejoindre la salle sans encombre ; c'est bien au titre de sa responsabilité contractuelle que se fonde à titre principal l'appel en garantie à l'encontre du CEA qui a manqué à ses obligations contractuelles ; le parking fait partie intégrante des éléments mis à disposition ; à titre subsidiaire, la condamnation du CEA à la garantir sera prononcée sur le fondement de la responsabilité sans faute de cet établissement dès lors que le CEA était l'organisateur d'une manifestation dans le cadre de l'exercice de ses missions et est responsable de l'imprudence de son personnel qui a procédé au retrait du potelet amovible.

Par des mémoires, enregistrés le 9 août 2018 et le 7 juin 2019, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune du Bourget-du-Lac et de la compagnie SMACL Assurances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le contrat de location sur lequel la commune fonde la mise en cause de l'INES a été conclu entre cette commune et le CEA ; l'INES est une marque déposée par le département de la Savoie et est dénué de toute personnalité morale ; elle a intérêt à agir dans la présente instance au titre de la location de la salle de spectacle " La Traverse " pour la journée du 13 février 2013 ;

- le contrat de location ne concerne pas les espaces extérieurs ; aucun transfert de garde n'a eu lieu et seule la responsabilité de la commune pourra être recherchée ; le parking et sa voie d'accès ne desservent pas que les locaux loués au CEA mais l'intégralité du bâtiment " La traverse " ;

- aucun salarié du CEA n'a déposé le poteau amovible en laissant à son emplacement le trou qui a été la cause de l'accident de MmeE... ; il résulte de deux photographies du service de cartographie de Google Maps prises en juillet 2012 que le poteau amovible était alors déjà manquant et qu'un trou resté ouvert marquait son emplacement ;

Par un mémoire, enregistré le 14 août 2018, MmeE..., représentée par la SCP Girard-Madoux et associés, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en tant qu'il a retenu une part de responsabilité à sa charge et à la condamnation de la commune du Bourget-du-Lac à lui verser la somme totale de 50 254,15 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa chute, à ce que l'arrêt à intervenir soit déclaré commun à la SMACL assurances et à la CPAM de la Savoie et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune du Bourget-du-Lac sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de la commune et de son assureur est irrecevable dès lors que la commune et la SMACL assurances ne produisent pas la lettre de notification du jugement ;

- la matérialité des faits est établie et résulte de ses propres déclarations et des témoignages concordant de ses amies qui l'accompagnaient au moment de sa chute ; le lien de causalité entre le trou et ses blessures est ainsi établi ;

- la commune en décidant de reboucher le trou et de la mise en place d'un nouveau dispositif de barrière amovible reconnaît implicitement sa responsabilité ;

- aucun transfert de garde ne saurait être admis, la commune restant responsable des dommages occasionnés ;

- l'enneigement important de l'itinéraire piéton l'a contrainte à emprunter le passage où elle a chuté ainsi que l'attestent ses amies ;

- le trou est peu visible au ras du sol sans signalisation particulière et était recouvert de neige ;

- si elle a été blessée lors de son retour au travail après sa pause déjeuner, l'itinéraire emprunté n'était justement pas celui habituellement utilisé ;

- ses frais divers se sont élevés à la somme de 760,40 euros ; le préjudice en lien avec l'incidence professionnelle sera évalué à 10 000 euros ; le poste assistance par tierce personne sera évalué à 2 235 euros ; le déficit fonctionnel temporaire sera évalué à 2 478,75 euros ; les souffrances endurées seront évaluées à 15 000 euros ; le préjudice esthétique sera évalué à 2 000 euros ; le préjudice fonctionnel permanent sera évalué à 12 780 euros ; le préjudice d'agrément sera évalué à 5 000 euros.

Par des mémoires, enregistrés le 24 octobre 2018, le 25 janvier et le 11 juin 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la CPAM de la Savoie, représentée par Me C...M..., conclut à la réformation du jugement attaqué en tant que le tribunal administratif de Grenoble a limité à la somme de 8 424,40 euros le remboursement de ses débours et de 527,50 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion les indemnités au versement desquelles il a condamné la commune du Bourget-du-Lac et de porter à la somme de 54 089,40 euros le remboursement de ses débours et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion le montant de l'indemnité due par la commune du Bourget-du-Lac et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune du Bourget-du-Lac en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune ne justifie pas avoir formé un appel dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

- le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité pour défaut d'entretien de la commune ; Mme E...n'ayant pas fait preuve d'inattention ou de manque de vigilance, la responsabilité pleine et entière de la commune sera retenue.

Par courrier du 3 juin 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions d'appel en garantie dirigées par la commune du Bourget-du-Lac contre le CEA sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Par mémoire, enregistré le 12 juin 2019 en réponse au moyen d'ordre public, la commune du Bourget-du-Lac indique qu'en première instance, elle a formé un appel en garantie contre l'INES et que ses conclusions aux fins d'appel en garantie du CEA, venant aux droits de l'INES, qui ne peuvent ainsi être regardées comme nouvelles en appel, sont recevables.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure civile ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la commune du Bourget-du-Lac et la compagnie SMACL assurances, de Me A..., représentant Mme E...et de MeH..., représentant le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 février 2013, vers 13 h 15, Mme K...E...a été victime d'une chute sur le parking communal de l'espace polyvalent " La Traverse " situé sur le territoire de la commune du Bourget-du-Lac en raison de la présence d'un trou d'une profondeur d'environ 40 cm et d'un diamètre de 20 cm destiné à recevoir un poteau de sécurisation amovible du parking. Transportée au centre hospitalier médipôle de Challes-les-Eaux, il lui a été diagnostiqué une luxation postérieure du coude droit avec fracture comminutive de la tête radiale et fracture de la coronoïde ayant nécessité une intervention chirurgicale pratiquée le jour même avec pose d'un matériel d'ostéosynthèse, greffe osseuse et réfection du plan ligamentaire externe ainsi qu'une fracture de la marge antérieure du piton tibial gauche. Imputant sa chute à un défaut d'entretien de l'ouvrage public dont la commune du Bourget-du-Lac est le propriétaire, Mme E... a saisi cette commune d'une réclamation indemnitaire le 17 juin 2014, qui a été rejetée le 15 septembre 2014. Par ordonnance du 7 mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné en qualité d'expert le docteurL..., lequel a déposé son rapport le 12 septembre 2016. Par ordonnance du 18 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande présentée par Mme E...tendant au versement d'une provision. La commune du Bourget-du-Lac relève appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à Mme E...la somme de 11 844 euros et à la CPAM de la Savoie les sommes de 8 427,40 euros au titre de ses débours et de 527,50 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et a mis les frais d'expertise à sa charge. MmeE.... La CPAM du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la CPAM de la Savoie, demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit aux conclusions indemnitaires de la CPAM de la Savoie.

Sur les conclusions à fin d'appel en déclaration de jugement commun :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la caisse doit être appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance ouverte par la victime contre le tiers responsable, le juge étant, le cas échéant, tenu de mettre en cause d'office la caisse si elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun. Tel n'est pas le cas concernant les compagnies d'assurance. Par suite, seules les conclusions de Mme E...tendant à ce que la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie, laquelle est représentée par la CPAM du Puy-de-Dôme qui a été régulièrement mise en cause, soit appelée en déclaration de jugement commun doivent être accueillies. Il y a lieu en conséquence de déclarer le présent arrêt commun à ladite caisse. En revanche, les conclusions en déclaration de jugement commun à la SMACL assurance ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la fin de non recevoir opposée à la commune du Bourget-du-Lac et à son assureur :

3. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1.(...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié le 28 décembre 2017 à la commune du Bourget-du-Lac et que la requête a été enregistrée au greffe de la cour le 26 février 2018. Par suite, Mme E...et la CPAM du Puy-de-Dôme ne sont pas fondées à soutenir que la requête de la commune et de son assureur serait irrecevable pour tardiveté.

Sur la responsabilité de la commune du Bourget-du-Lac :

5. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment des attestations de deux témoins directs de l'accident et des propos de la victime, que Mme E...a chuté le 13 février 2013 vers 13 h 15, alors qu'elle sortait de l'espace polyvalent " La Traverse " situé sur le territoire de la commune du Bourget-du-Lac, en raison de la présence d'un trou d'un diamètre de 20 cm et d'une profondeur de 40 cm destiné à recevoir un plot amovible permettant de réguler l'accès au parking. Il est constant que cette voie n'était pas réservée à la circulation automobile. La circonstance que ces attestations ne sont pas rédigées selon les exigences prévues à l'article 202 du code de procédure civile et que le compte rendu opératoire fait état d'un choc contre un poteau ne suffit pas à remettre en cause le contenu de ces attestations et n'est pas de nature à faire obstacle à leur prise en compte. Il s'ensuit que la matérialité des faits et le lien de causalité entre le dommage et l'ouvrage public sont établis.

7. Il résulte également de l'instruction que le jour de l'accident, le trou destiné à recevoir le plot n'était pas signalé et que des chutes de neige s'étaient produites, ainsi qu'en atteste le courrier du 7 mars 2016 de la commune à son assureur, et étaient de nature à masquer ce trou. La commune du Bourget-du-Lac, en se bornant à soutenir que la présence du trou, destiné à recevoir le poteau amovible, est un aménagement nécessaire à la bonne régulation du trafic des véhicules n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de l'ouvrage public, alors qu'elle n'établit pas avoir fait procédé, peu de temps avant l'accident, au déneigement de cette portion du parking. Par suite, la présence de ce trou non visible et non signalé constitue un défaut d'entretien normal de nature à engager la responsabilité de la commune du Bourget-du-Lac, en sa qualité de maître d'ouvrage de la voie litigieuse.

8. Le fait du tiers n'étant pas exonératoire en matière de dommages de travaux publics, la commune du Bourget-du-Lac ne peut se prévaloir de ce que la salle polyvalente avait été mise à disposition du personnel du CEA qui aurait procédé à l'enlèvement de ce poteau amovible.

9. Si la commune du Bourget-du-Lac fait valoir qu'un chemin piéton alternatif avait été spécifiquement conçu pour éviter aux personnes empruntant à pied le parking d'être confrontées à cet obstacle situé sur le chemin de passage des automobiles, les témoins de l'accident indiquent que ce chemin n'était pas accessible en raison de la neige entassée de chaque côté de la chaussée. Par suite, la commune n'établit pas que Mme E...aurait commis une faute en n'empruntant pas ce chemin réservé aux piétons.

10. Toutefois, il résulte également de l'instruction que si l'enneigement du parking a pu masquer la présence du trou destiné à recevoir le plot, MmeE..., qui connaissait parfaitement les lieux, aurait dû faire preuve de prudence. Par suite, son défaut d'attention est constitutif d'une faute de nature à exonérer partiellement la commune de sa responsabilité. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en condamnant la commune du Bourget-du-Lac et son assureur à réparer 50 % des conséquences dommageables de l'accident.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Quant aux dépenses de santé :

11. Mme E...n'établit ni même n'allègue avoir supporté des dépenses de santé restées à sa charge.

12. La CPAM du Puy-de-Dôme justifie, par un état détaillé de ses débours, avoir exposé pour le compte de son assurée la somme de 4 204,21 euros correspondant aux frais d'hospitalisation, aux frais médicaux et pharmaceutiques en relation directe et certaine avec l'état de santé de Mme E...résultant de son accident du 13 février 2013. Il y a lieu, par suite, de condamner la commune du Bourget-du-Lac et son assureur à verser à la CPAM du Puy-de-Dôme, au titre des dépenses de santé, la somme de 2 102,10 euros tenant compte du partage de responsabilité.

Quant à l'assistance par une tierce personne :

13. Mme E...indique avoir été aidée par son mari à raison de deux heures par jour jusqu'au 27 mars 2013, puis une heure par jour jusqu'au 1er juin 2013 pour les actes de la vie courante. Il résulte du rapport d'expertise qu'elle a présenté un déficit fonctionnel temporaire total du 13 février au 14 février 2013, puis partiel à 60 % du 15 février au 27 mars 2013 et à 25 % du 28 mars au 3 novembre 2013. Eu égard au taux de déficit fonctionnel temporaire total puis partiel de 60 % jusqu'au 27 mars 2013 et de 25 % jusqu'au 3 novembre 2013, il y a lieu de retenir pour la période du 13 février au 27 mars 2013 un besoin d'assistance de deux heures par jour et pour la période du 28 mars au 1er juin, un besoin d'assistance d'une heure par jour. Sur la base de 412 jours par an pour tenir compte du coût liés aux congés payés et jours fériés et du coût horaire moyen du SMIC majoré des cotisations sociales évalué à 12,50 euros pour cette période, le coût d'une telle assistance peut ainsi à être fixé à la somme de 2 100 euros. Compte tenu du partage de responsabilité, il y a lieu de condamner la commune du Bourget-du-Lac et son assureur à verser à Mme E...la somme de 1 050 euros.

Quant à la perte de revenus et à l'incidence professionnelle :

14. D'une part, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudice, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ou du fait que celle-ci n'a subi que la perte d'une chance d'éviter le dommage corporel. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

15. D'autre part, la rente d'accident du travail prévue par l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale doit, en raison de la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions qui l'institue et de son mode de calcul, appliquant le taux d'incapacité permanente au salaire de référence défini par l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une telle rente ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice.

16. Mme E...indique ne pas avoir subi de perte de revenus professionnels. Ainsi, durant la période d'incapacité partielle, la perte de revenus professionnels de Mme E...doit être regardée comme coïncidant avec celui de ses indemnités journalières versées par la CPAM.

17. La CPAM justifie avoir versé à Mme E...des indemnités journalières du 14 février au 3 novembre 2013 d'un montant de 12 720,71 euros. Il y a lieu, compte tenu du partage de responsabilité, de mettre à la charge de la commune du Bourget-du-Lac et de son assureur la somme de 6 360,35 euros à verser à la CPAM du Puy-de-Dôme.

18. En se bornant à soutenir que son poste de travail a dû être adapté en recourant notamment à un casque téléphonique compte tenu du temps passé à mobiliser ses deux membres supérieurs pour exécuter les tâches qui lui sont confiées en qualité d'assistance commerciale et ce alors qu'elle a indiqué à l'expert que " ses collègues bénéficiaient déjà auparavant " d'un tel dispositif, Mme E...n'établit pas l'existence d'un préjudice d'incidence professionnelle. Par suite, il y a lieu d'écarter ce chef de préjudice.

19. Compte tenu de ce que Mme E...ne justifie ni d'une perte de revenus professionnels ni d'un préjudice d'incidence professionnelle, la CPAM du Puy-de-Dôme n'est pas fondée à demander que la commune du Bourget-du-Lac et son assureur soient condamnés à lui verser les arrérages échus de la rente d'accident du travail perçus postérieurement à la date de consolidation de l'état de santé de Mme E...ainsi que la rente capitalisée à compter du 15 novembre 2017.

Quant aux frais divers :

20. Il résulte de l'instruction que MmeE..., résidant à Ruffieux, s'est déplacée pour suivre des séances de kinésithérapie, d'une part du 24 avril au 28 octobre 2013 de son domicile à Culoz et, d'autre part, du 6 novembre 2013 jusqu'au 12 août 2014, de son lieu de travail à Chambéry . Il résulte encore du rapport d'expertise du docteur L...que Mme E...a consulté à cinq reprises le docteur I...- le 16 mars 2013, le 24 avril, le 24 mai et le 29 août 2013 et le 22 avril 2014 - dont le cabinet est situé au médipôle de Challes-les-Eaux. Il sera fait une juste appréciation des frais liés à ces déplacements en lien avec les préjudices subis en les évaluant à la somme totale de 550 euros. Compte tenu du partage de responsabilité, la commune du Bourget-du-Lac et son assureur seront condamnés à verser à Mme E...la somme de 275 euros.

En ce qui concerne les préjudices à caractère extrapatrimonial :

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

21. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du docteur L...que Mme E...a présenté un déficit temporaire total de 13 au 14 février 2013, puis un déficit temporaire partiel de 60 % du 15 février au 27 mars 2013 en raison d'une attelle coude au corps et du port d'une canne béquille, de 25 % du 28 mars au 3 novembre 2013 et un déficit temporaire partielle de 10 % du 4 novembre 2013 au 22 avril 2014. En retenant une somme de 2 000 euros, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait une évaluation insuffisante ou excessive de ce chef de préjudice. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge de la commune du Bourget-du-Lac et de son assureur la somme de 1 000 euros à verser à Mme E...compte tenu du partage de responsabilité retenu.

Sur le déficit fonctionnel permanent :

22. La requérante, âgée de 54 ans à la date de consolidation de son état de santé fixé au 22 avril 2014, reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert à 9 % en raison de la discrète raideur de son coude en flexion extension et prono-supination consécutive aux lésions traumatiques et de son épaule droite consécutive à l'algodystrophie post-opératoire atteignant l'abduction-antépusion et les rotations chez une droitière. En évaluant ce chef de préjudice à la somme de 12 000 euros, le tribunal administratif de Grenoble n'en a pas fait une évaluation insuffisante ou excessive. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge de la commune du Bourget-du-Lac et de son assureur la somme de 6 390 euros, tenant compte du partage de responsabilité, à verser à MmeE....

Sur les souffrances endurées :

23. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert a estimé à 4 sur une échelle de 7 les souffrances endurées par MmeE.... Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 3 000 euros après application du partage de responsabilité retenu.

Sur le préjudice esthétique :

24. Le préjudice esthétique permanent a été évalué par l'expert à 1 sur une échelle de 7 en raison de la cicatrice au coude droit qualifié d'excellente qualité. En allouant à ce titre une somme de 500 euros, le tribunal administratif de Grenoble en a fait une évaluation qui n'est ni insuffisante ni excessive. Compte tenu du partage de responsabilité, la commune du Bourget-du-Lac et son assureur seront condamnés à verser à Mme E...la somme de 250 euros après application du partage de responsabilité retenu.

Sur le préjudice d'agrément :

25. Si Mme E...fait valoir qu'elle a subi un préjudice d'agrément résultant de l'impossibilité de poursuivre son activité de gymnastique en club, elle n'en justifie pas ainsi que le fait valoir la commune. Par suite, ce chef de préjudice ne peut qu'être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la commune du Bourget-du-Lac et son assureur ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune à verser à Mme E...une indemnité en réparation des préjudices subis du fait de sa chute. Mme E...est seulement fondée à demander que l'indemnité de 11 844 euros que le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune du Bourget-du-Lac à lui verser soit portée à la somme de 11 965 euros. La CPAM du Puy-de-Dôme est seulement fondée à demander que l'indemnité de 8 427,40 euros que le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune du Bourget-du-Lac à verser à la CPAM de l'Ardèche soit portée à la somme de 8 462,45 euros à son profit.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

27. La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme a droit à l'indemnité forfaitaire de gestion régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 1 080 euros auquel elle est fixée, à la date du présent arrêt, par l'arrêté interministériel du 27 décembre 2018. Il y a lieu de mettre cette somme de 1 080 euros à la charge de la commune du Bourget-du-Lac et de son assureur.

Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune du Bourget-du-Lac :

28. Les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune du Bourget-du-Lac et son assureur dirigées contre le CEA sont nouvelles en appel et par suite irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

29. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie.

Article 2 : La somme de 11 844 euros que la commune du Bourget-du-Lac a été condamnée à verser à Mme E...par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 décembre 2017 est portée à 11 965 euros.

Article 3 : Les sommes de 8 427,40 euros et de 527,50 euros que la commune du Bourget-du-Lac a été condamnée à verser à la CPAM de l'Ardèche par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 décembre 2017 sont portées, au profit de la CPAM du Puy-de-Dôme, aux sommes respectives de 8 462,45 euros et de 1 080 euros.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Bourget-du-Lac, à la compagnie SMACL assurances, à Mme E..., au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président de la formation de jugement,

Mme Cottier, premier conseiller,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 juillet 2019.

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N° 18LY00837


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00837
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BDL AVOCATS - ME BARIOZ ET ME PHILIP DE LABORIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-04;18ly00837 ?
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