Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier spécialisé Alpes Isère et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), son assureur, à lui verser une indemnité de 12 000 euros en réparation de son préjudice d'affection que lui a causé le décès de son frère Angelo C...survenu lors de son hospitalisation dans ce centre hospitalier, une indemnité de 15 811,50 euros en réparation de son préjudice matériel et une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1507694 du 18 avril 2017 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 juin 2017, M. C..., représenté par Me Gerbi, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1507694 du tribunal administratif de Grenoble du 18 avril 2017 ;
2°) de condamner le centre hospitalier spécialisé Alpes-Isère et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), son assureur, à lui verser en raison du décès de son frère, AngeloC..., la somme de 12 000 euros en réparation de son préjudice d'affection et la somme de 15 811,50 euros en réparation de son préjudice matériel ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé Alpes Isère et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le centre hospitalier spécialisé Alpes Isère a insuffisamment surveillé son frère M. A... C...alors hospitalisé dans une chambre d'isolement du centre hospitalier ; ce dernier s'est suicidé par étouffement le 16 novembre 2012 ; ce défaut de surveillance est constitutif d'une faute ; il y a défaut de surveillance dès lors que le personnel soignant ne s'est pas montré suffisamment diligent dans la surveillance en se bornant à faire des rondes régulières toutes les heures sans réaliser à ces occasions une fouille approfondie de sa chambre et en ne prenant pas suffisamment en considération l'évocation par M. C...d'une angoisse très forte quant à la date de sa mort, celle-ci selon ce dernier devant intervenir avant son 59ème anniversaire soit dans un délai de six mois par rapport à la date de son suicide.
Par un mémoire, enregistré le 13 décembre 2017, le centre hospitalier spécialisé Alpes Isère et la Société hospitalière d'assurances mutuelles, représentés par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, concluent au rejet de la requête.
Ils font valoir que :
- la surveillance dont M. A...C...a fait l'objet est manifestement suffisante eu égard à l'état de santé du patient qui n'avait jamais fait preuve de violence envers lui-même et pour lequel le personnel de santé a mis en oeuvre les recommandations de la Haute Autorité de la Santé relatives à la surveillance des patients en chambre d'isolement dans un centre psychiatrique ;
- subsidiairement, si la faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service est retenue, le centre hospitalier spécialisé Alpes Isère ne pourra être déclaré responsable que d'une perte de chance d'échapper au geste suicidaire dont le taux ne pourra être fixé à plus de 20 % ;
- très subsidiairement, les frais de construction d'un monument funéraire ne sont pas la conséquence directe du décès de la victime ; de tels frais ne peuvent ainsi être mis à sa charge.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Hemour, avocat, pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C..., né le 25 juin 1954, souffrant de troubles psychiatriques ayant nécessité plusieurs hospitalisations en service de psychiatrie depuis 1981, a été hospitalisé au centre hospitalier spécialisé Alpes Isère à la demande d'un tiers le 4 octobre 2012 après avoir fugué de son domicile. Par ordonnance du 16 octobre 2012, le juge des libertés et de la détention a ordonné le maintien de soins sous contrainte en hospitalisation complète. M. C... a été retrouvé sans vie, la bouche remplie de papier hygiénique, le 16 novembre 2012, aux environs de 4 heures 45 dans la chambre d'isolement qu'il occupait depuis le 7 novembre 2012 au centre hospitalier spécialisé Alpes Isère. L'un de ses frères, M. B... C..., estimant que ce centre hospitalier avait commis une faute dans la surveillance de son frère, a recherché la responsabilité pour faute de cet établissement public de santé en saisissant d'une demande d'indemnisation la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Rhône-Alpes. A la suite de l'avis du 8 juillet 2015 par lequel cette commission a estimé qu'aucune faute ne pouvait être imputée aux membres du personnel ou au centre hospitalier, M. B... C...a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé Alpes Isère et de la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur de cet établissement public de santé, à l'indemniser des préjudices subis en invoquant une faute commise dans la surveillance de son frère. M. B...C...relève appel du jugement n° 1507694 du 18 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur la responsabilité du centre hospitalier spécialisé Alpes-Isère :
2. Aux termes de l'article L. 1142-2 du code de santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".
3. D'une part, en ce qui concerne les doléances et les craintes exprimées par le patient, il n'est pas contesté que M.C..., avant son suicide le 16 novembre 2012, n'avait jamais effectué de tentatives de suicide. S'il avait pu se montrer violent à l'encontre des tiers dans le cadre de délire de la persécution, il ne s'était jamais montré violent envers lui-même. Il n'est pas non plus contesté que son hospitalisation sans son consentement à compter du 4 octobre 2012 n'était pas liée à un risque d'autolyse mais par la volonté de l'astreindre à suivre un traitement médicamenteux. Au cours de cette hospitalisation, il résulte de l'instruction que M. C...a pris régulièrement ses traitements lesquels ont été adaptés à sa pathologie via notamment une augmentation des doses de Haldol et de Loxapac. S'il avait évoqué auprès des soignants les jours précédant son suicide une angoisse très forte et la conviction qu'il allait mourir avant ses cinquante-neuf ans, un tel anniversaire ne devait intervenir que dans plus de six mois et le patient n'avait pas montré lors de telles discussions avec le personnel soignant de signes de violences envers lui-même ou de volonté de se suicider avant son anniversaire. Par suite, rien dans ses antécédents ni dans le comportement de l'intéressé ne révélait une urgence suicidaire nécessitant une surveillance constante de ce dernier.
4. D'autre part, en ce qui concerne les rondes et les actions menées par le centre hospitalier aux fins de garantir la sécurité de M.C..., il résulte de l'instruction que M. C... ayant exprimé la crainte d'être tué par deux autres patients a été à cette occasion placé en chambre d'isolement et bénéficiait ainsi du fait d'un tel placement en chambre d'isolement d'un protocole de surveillance spécifique sous forme de ronde de surveillance par les infirmiers toutes les heures. Le 15 novembre 2012, les infirmiers ont décrit à 21h00 M. C..., comme très délirant, mais calme, se couchant et s'endormant vers 22 heures. Les feuilles de surveillance et les transmissions ciblées, lesquelles contrairement à ce que soutient le requérant sont concordantes sur le suivi et la surveillance de M. C...pendant cette nuit, confirment la réalisation de telles rondes chaque heure pendant toute la nuit soit directement dans la chambre soit via un contrôle par l'oculus de celle-ci et ce jusqu'à la découverte de son suicide. Par suite, il ressort de telles pièces que dans le cadre de ce placement en chambre d'isolement, M. C...a fait l'objet d'une surveillance régulière et attentive toutes les heures au cours de cette nuit par les infirmiers laquelle était adaptée à son état de santé, comme le souligne l'avis de la CRCI. Dans ces conditions et alors qu'aucun signe d'urgence suicidaire n'était visible, il ne résulte pas de l'instruction que l'équipe soignante aurait dû procéder à une fouille de la chambre d'isolement de M. C...la veille de son suicide ou au cours de la nuit pour vérifier si des feuilles de papier hygiénique n'auraient pas été dissimulées par ce dernier, alors qu'une fouille avait déjà eu lieu deux jours auparavant et avait permis de retrouver une brosse à dent cachée sous matelas par M.C....
5. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucune faute de surveillance ne peut être imputée au centre hospitalier spécialisé Alpes Isère et qu'ainsi, M. B...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, au centre hospitalier spécialisé Alpes Isère et à la Société hospitalière d'assurances mutuelles.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :
M. Drouet, président de la formation de jugement,
Mme Cottier, premier conseiller,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.
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N° 17LY02427