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04/07/2019 | FRANCE | N°17LY02307

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 17LY02307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche a demandé au tribunal de réserver ses droits dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise et de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche a demandé au tribunal de réserver ses droits dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise et de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1205607 du 26 novembre 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de M. D...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang.

Par un arrêt n° 14LY00275 du 5 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche.

Par une décision n° 395914 du 24 mai 2017, le Conseil d'Etat, sur la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche a, d'une part, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel du 5 novembre 2015 et, d'autre part, renvoyé à la cour le jugement de cette affaire.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2014, et un mémoire complémentaire, enregistré le 10 juillet 2017, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Ardèche, représentée par Me B...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205607 du 26 novembre 2013 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etablissement français du sang (EFS) soit condamné à rembourser le montant des prestations servies à son assuré, M. A... D..., à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) de condamner l'EFS à lui verser la somme de 11 655,90 euros au titre des prestations servies à son assuré ;

3°) de mettre à la charge de l'EFS une indemnité forfaitaire de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 2 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à se prévaloir, au soutien de ses conclusions dirigées contre l'EFS, de la présomption instituée par les dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, qui est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; en vertu de la loi du 21 janvier 1952, modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs de produits sanguins ;

- il résulte de l'instruction un faisceau d'indices démontrant l'origine transfusionnelle de la contamination de M. D...;

- les dispositions de l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 prévoient que pour les contentieux introduits postérieurement au 1er juin 2010, les tiers payeurs peuvent exercer un recours subrogatoire contre l'EFS sans que le dommage résulte d'une faute ;

- l'EFS ne peut faire valoir que les plafonds assurantiels du contrat d'assurance souscrit par le centre de transfusion sanguine de Montpellier, aux droits et obligations duquel il vient, auprès de la compagnie UAP, étaient épuisés pour les années concernées, dès lors que le montant des garanties responsabilité civile en matière de dommages corporels était sans limitation de somme ;

- elle est fondée à demander le remboursement des prestations versées à son assuré au titre des dépenses de santé.

Par des mémoires, enregistrés le 24 avril 2014 et le 28 janvier 2019, l'Etablissement français du sang (EFS), représenté par la Saint Yves Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le recours de la caisse primaire d'assurance maladie relève des dispositions législatives issues de la loi du 17 décembre 2012 qui ont modifié l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dont il résulte que les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'EFS si l'établissement de transfusion n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré ; en l'espèce, pour les années 1985 et 1986, les plafonds ont été atteints et même dépassés ; si plusieurs garanties en responsabilité civile étaient prévues au contrat, pour l'activité de fournisseur de produits sanguins, garantie E, il existe un plafond de garantie de deux millions cinq cent mille francs par année et par victime ; il démontre que son plafond assurantiel est dépassé pour les deux années en cause et qu'il ne dispose plus d'aucune garantie assurantielle.

Par un mémoire, enregistré le 27 janvier 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeC..., s'en rapporte à la sagesse de la cour quant au mérite de la demande de la CPAM à l'encontre de l'EFS.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles l'article L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës,

- et les conclusions de Mme Terrade, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., né en 1953, qui avait reçu 23 transfusions de produits sanguins entre le 30 octobre 1985 et le 29 avril 1986 en raison d'une hémophilie, a présenté, en janvier 2000, une hépatite C de score A 1 F 3, traitée par bithérapie entre les mois d'avril 2000 et d'avril 2001. Sa guérison, caractérisée par la disparition de l'ARN viral, a été constatée par examen biologique du 23 mai 2002. Il a présenté, le 23 août 2012, une demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices résultant de cette contamination. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Ardèche a présenté des conclusions tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) à prendre en charge les débours exposés pour le compte de son assuré en conséquence de sa contamination. Par un jugement du 26 novembre 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande présentée par la CPAM de l'Ardèche. Par un arrêt du 5 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Lyon a également rejeté la requête présentée par la CPAM de l'Ardèche. Par une décision du 24 mai 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour pour qu'elle soit à nouveau jugée.

Sur le recours de la CPAM de l'Ardèche à l'encontre de l'EFS :

2. Aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 312-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa. / (...) L'office et les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'Etablissement français du sang, venu aux droits et obligations des structures mentionnées à l'avant-dernier alinéa, si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré. (...) ".

3. S'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique que, même en l'absence de faute, les tiers payeurs sont en droit d'exercer à l'encontre de l'EFS une action subrogatoire à hauteur des sommes versées à la victime d'une contamination par le VHC, c'est seulement lorsque l'EFS peut lui-même bénéficier d'une garantie par les assureurs des structures qu'il a reprises ou par ses propres assureurs. Une telle garantie n'est possible qu'à la condition que le ou les centres de transfusion sanguine fournisseurs du ou des produits effectivement administrés à la victime soient identifiés et qu'ils soient assurés, que leur couverture d'assurance ne soit pas épuisée et que le délai de validité de cette couverture ne soit pas expiré.

4. Il n'est pas contesté qu'en raison de son hémophilie, M. D...a reçu, entre le 30 octobre 1985 et le 29 avril 1986, 23 transfusions de produits sanguins provenant du centre de transfusion sanguine de Montpellier. Ni l'ONIAM ni l'EFS ne contestent que la contamination de M. D...est imputable à ces transfusions. Par suite, la présomption d'origine transfusionnelle de la contamination de M. D...doit être retenue.

5. Il résulte de l'instruction que le centre de transfusion sanguine de Montpellier a souscrit auprès de l'UAP, devenu AXA France, un contrat d'assurance prenant effet au 1er janvier 1984, d'une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction. Les conditions générales de ce contrat d'assurance stipulent à l'article 2 relatif à l'objet et à l'étendue des garanties de responsabilité civile : " Garantie E : responsabilité civile après livraison des produits (sang et dérivés). Cette garantie s'applique aux conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber au Centre, à raison des dommages corporels, matériels, immatériels causés par le sang et ses dérivés faisant l'objet d'une livraison au sens de l'article 1er 9ème du présent contrat lorsque ces dommages ont pour fait générateur un vice propre ou une erreur dans la conception, la préparation, la fabrication, la transformation, le stockage, le conditionnement, les instructions d'emploi, la livraison et qu'ils surviennent après la livraison ". La livraison est définie par le 9ème de l'article 1er comme " la remise effective par l'assuré d'un produit, dès lors que cette remise donne au nouveau détenteur du produit le pouvoir d'en user hors de toute intervention de l'assuré et de ses préposés. / N'est pas considérée comme livraison, la transfusion de sang ou de produit pratiquée par l'assuré ". Aux termes de l'article 5 de ce contrat concernant la garantie E, " Pour l'ensemble des dommages corporels, matériels, immatériels à concurrence du montant global fixé aux conditions particulières par sinistre et par années d'assurance. Pour l'application des garanties C et E, le montant par année se réduit et finalement s'épuise par tout règlement amiable ou judiciaire d'indemnités, quels que soient les dommages auxquels ils se rapportent sans reconstitution automatique de la garantie après règlement. ". Les conditions particulières de ce contrat précisent que " la garantie du présent contrat s'exerce dans les termes des conditions générales, des conventions spéciales ainsi que des présentes conditions particulières et à concurrence des montants indiqués au tableau " montant des garanties " ci-après ". Le montant de la garantie E est fixé à deux millions cent mille francs (381 123 euros) par victime et par année.

6. Si l'EFS soutient que le plafond de garantie de 381 123 euros a été atteint pour les années 1985 et 1986 la compagnie d'assurance ayant procédé au règlement respectivement de la somme de 421 978, 87 euros et de 410 722, 11 euros, il ressort toutefois des éléments qu'elle produit qu'il s'agit là des montants cumulés des montants versés pour plusieurs victimes, alors que le plafond de la garantie E est fixé à 381 123 euros par victime et par année. Eu égard à ces critères cumulatifs prévus au contrat d'assurance, l'EFS ne peut soutenir que la condition tenant à l'absence d'épuisement de la couverture assurantielle du centre de transfusion sanguine n'était pas remplie en l'espèce. Par suite, la CPAM de l'Ardèche est en droit d'obtenir de l'EFS le remboursement de ses débours.

7. La CPAM de l'Ardèche justifie, par un état détaillé de ses débours et une attestation d'imputabilité du médecin conseil de la caisse, avoir exposé pour le compte de son assuré, M. D..., des frais d'hospitalisation entre le 10 et le 12 janvier 2000 et le 15 avril 2000 et des frais médicaux et pharmaceutiques pour un montant total de 11 655,90 euros. Dès lors, il y a lieu d'accorder à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, au titre des frais exposés jusqu'au dernier état des débours engagés, la somme de 11 655,90 euros qu'elle demande.

8. Il résulte de ce qui précède que la CPAM de l'Ardèche est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions et à demander que l'EFS soit condamné à lui rembourser ses débours pour un montant de 11 655, 90 euros.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

9. Aux termes de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2018, " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1 080 € et à 107 € au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2019. "

10. En application des dispositions précitées de l'arrêté du 27 décembre 2018, il y a lieu de mettre à la charge de l'EFS une somme de 1 080 euros à verser à la CPAM de l'Ardèche au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CPAM de l'Ardèche, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont l'EFS demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EFS la somme demandée par la CPAM de l'Ardèche au titre des frais exposés par elle sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 novembre 2013 est annulé.

Article 2 : L'EFS est condamné à verser à la CPAM de l'Ardèche une somme de 11 655,90 euros ainsi que la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la CPAM de l'Ardèche et les conclusions de l'EFS tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ardèche, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, à l'Etablissement français du sang, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à M.D....

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 juillet 2019.

4

N° 17LY02307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02307
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme TERRADE
Avocat(s) : BDL AVOCATS - ME BARIOZ ET ME PHILIP DE LABORIE ; BDL AVOCATS - ME BARIOZ ET ME PHILIP DE LABORIE ; PHILIP DE LABORIE-BARIOZ-MICHAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-04;17ly02307 ?
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