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04/07/2019 | FRANCE | N°17LY02106

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 17LY02106


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par requêtes distinctes, la confédération des associations pour l'environnement et la nature en Saône-et-Loire (CAPEN 71) et l'association " les amis de la Thalie " ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 12 août 2015 du préfet de Saône-et-Loire déclarant d'utilité publique au profit du département de Saône-et-Loire le projet d'aménagement d'une voie de désenclavement du parc d'activités " Saôneor ", valant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes

de Champforgeuil et Fragnes et du plan d'occupation des sols de la commune de La...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par requêtes distinctes, la confédération des associations pour l'environnement et la nature en Saône-et-Loire (CAPEN 71) et l'association " les amis de la Thalie " ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 12 août 2015 du préfet de Saône-et-Loire déclarant d'utilité publique au profit du département de Saône-et-Loire le projet d'aménagement d'une voie de désenclavement du parc d'activités " Saôneor ", valant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Champforgeuil et Fragnes et du plan d'occupation des sols de la commune de La Loyère.

Par des jugements n°s 1502776 et 1502795 du 21 février 2017, le tribunal a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

I. Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 26 mai et 9 octobre 2017, la CAPEN 71, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1502795 et cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen, fondé, tiré de que l'arrêté aurait dû prévoir les mesures à la charge du maître d'ouvrage pour éviter, réduire et compenser les effets négatifs du projet sur l'environnement conformément aux articles R. 122-14, R. 122-15 et L. 122-1 du code de l'environnement et L. 23-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- la délibération du conseil départemental du 13 juillet 2012 qui détermine les modalités de la concertation ne fixe pas les objectifs poursuivis, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ;

- la concertation réalisée en 2007, qui est ancienne et ne portait pas sur le même projet, ne pallie pas l'insuffisance de celle réalisée en 2012 et 2013 dont l'existence n'a pas été portée à la connaissance du public par voie de presse et en l'absence de réunion publique ;

- il n'est pas établi que la zone humide créée ne se situe pas déjà en zone humide, en méconnaissance du SDAGE Rhône-Méditerranée, faute de recensement plus précis que l'inventaire des zones de plus de 4 hectares réalisé en 1999, comme le préconisait l'autorité environnementale ;

- l'étude d'impact est insuffisante s'agissant des aspects hydrauliques en ce qu'elle ne précise ni le volume et la localisation des remblais pris sur la zone d'expansion des crues, ni les méthodes utilisées pour évaluer l'augmentation de la crue de la Thalie ;

- elle ne justifie pas l'affirmation selon laquelle les rejets des dispositifs de rétention sont suffisants pour assurer une pollution chronique compatible avec le milieu récepteur ;

- elle ne porte pas sur l'ensemble du programme envisagé ;

- l'absence des bilans des concertations de 2007 et 2013 dans le dossier d'enquête publique a eu pour effet de nuire à l'information complète de la population qui n'a pas bénéficié d'informations équivalentes dans le cadre de l'enquête publique ;

- l'avis de la chambre d'agriculture était requis car le projet réduit les espaces agricoles et forestiers ;

- l'information du public sur la pollution du sol a été tronquée ;

- l'opération est dépourvue d'utilité publique ;

- l'article 6 de la Charte de l'environnement a été méconnu.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête ne permet pas d'apprécier la réalité de l'habilitation du représentant de la requérante et la copie du jugement produite est incomplète ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 122-14 du code de l'environnement et de celles de l'article R. 122-15 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 2 août 2005 est inopérant ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 5 octobre 2017, le département de Saône-et-Loire, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre des frais du litige.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de la méconnaissance du SDAGE est inopérant ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 septembre 2017, l'instruction a été close au 9 octobre 2017.

II. Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 26 mai et 9 octobre 2017, l'association " les amis de la Thalie ", représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1502776 et cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen, fondé, tiré de que l'arrêté aurait dû prévoir les mesures à la charge du maître d'ouvrage pour éviter, réduire et compenser les effets négatifs du projet sur l'environnement conformément aux articles R. 122-14, R. 122-15 et L. 122-1 du code de l'environnement et L. 23-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- la délibération du conseil départemental du 13 juillet 2012 qui détermine les modalités de la concertation ne fixe pas les objectifs poursuivis, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ;

- la concertation réalisée en 2007, qui est ancienne et ne portait pas sur le même projet, ne pallie pas l'insuffisance de celle réalisée en 2012 et 2013 dont l'existence n'a pas été portée à la connaissance du public par voie de presse et en l'absence de réunion publique ;

- il n'est pas établi que la zone humide créée ne se situe pas déjà en zone humide, en méconnaissance du SDAGE Rhône-Méditerranée, faute de recensement plus précis que l'inventaire des zones de plus de 4 hectares réalisé en 1999, comme le préconisait l'autorité environnementale ;

- l'étude d'impact est insuffisante s'agissant des aspects hydrauliques en ce qu'elle ne précise ni le volume et la localisation des remblais pris sur la zone d'expansion des crues, ni les méthodes utilisées pour évaluer l'augmentation de la crue de la Thalie ;

- elle ne justifie pas l'affirmation selon laquelle les rejets des dispositifs de rétention sont suffisants pour assurer une pollution chronique compatible avec le milieu récepteur ;

- elle ne porte pas sur l'ensemble du programme envisagé ;

- l'absence des bilans des concertations de 2007 et 2013 dans le dossier d'enquête publique a eu pour effet de nuire à l'information complète de la population qui n'a pas bénéficié d'informations équivalentes dans le cadre de l'enquête publique ;

- l'avis de la chambre d'agriculture était requis car le projet réduit les espaces agricoles et forestiers ;

- l'information du public sur la pollution du sol a été tronquée ;

- l'opération est dépourvue d'utilité publique ;

- l'article 6 de la Charte de l'environnement a été méconnu.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête ne permet pas d'apprécier la réalité de l'habilitation du représentant de la requérante ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 122-14 du code de l'environnement et de celles de l'article R. 122-15 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 2 août 2005 est inopérant ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 5 octobre 2017, le département de Saône-et-Loire, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre des frais du litige.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de la méconnaissance du SDAGE est inopérant ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 septembre 2017, l'instruction a été close au 9 octobre 2017.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de MmeC...,

- et les observations de Me A...pour la CAPEN 71 et l'association " les amis de la Thalie " et de Me D...pour le département de Saône et Loire.

Vu les notes en délibéré enregistrées le 18 juin 2019 pour les requérantes, déposées par MeA... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus sont relatives au même arrêté du préfet de Saône-et-Loire, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

2. Le département de Saône-et-Loire a décidé en 2006 la réalisation du projet d'aménagement d'une voie de désenclavement du parc d'activités Saôneor, situé dans la zone industrielle au Nord de l'agglomération chalonnaise. Une concertation préalable a été organisée au cours de l'année 2007 sur un projet présentant deux solutions, identifiées comme A et B, comportant un échangeur autoroutier mais à défaut d'approbation du bilan de la concertation, le projet a été abandonné. En 2012, le département a décidé de reprendre la procédure et a organisé une nouvelle concertation pour un projet de desserte du parc d'activités à partir de l'autoroute A6 au Nord de Châlon-sur-Saône, sans création d'échangeur autoroutier, dont le bilan a été approuvé par une délibération du 27 septembre 2013. L'année suivante, le préfet de Saône-et-Loire a prescrit une enquête publique conjointe, pour la déclaration d'utilité publique, la mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes concernées et l'enquête parcellaire. Le 22 décembre 2014, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable à la déclaration d'utilité publique et à la déclaration de cessibilité des parcelles concernées, assorti de réserves et recommandations que le conseil général a pris en compte dans sa délibération du 19 juin 2015 valant déclaration de projet. Par un arrêté du 12 août 2015, le préfet de Saône-et-Loire a déclaré d'utilité publique au profit du département le projet d'aménagement d'une voie de désenclavement du parc d'activités " Saôneor ", valant mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Champforgeuil et Fragnes et du plan d'occupation des sols de la commune de La Loyère. La confédération des associations pour l'environnement et la nature en Saône-et-Loire (CAPEN 71) et l'association " les amis de la Thalie " relèvent appel des jugements du 21 février 2017 par lesquels le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 août 2015.

Sur les fins de non recevoir opposées par le ministre de l'intérieur :

3. D'une part, par une délibération du 13 avril 2017, le conseil d'administration de la CAPEN 71 a désigné M. Thierry Grosjean, président de l'association, pour la représenter dans la présente instance. D'autre part, l'article 13 des statuts de l'association " les amis de la Thalie " donne à son président, MmeE..., un pouvoir permanent à ester en justice et à représenter l'association dans toutes les instances. Par suite, la fin de non recevoir tirée de ce que les requêtes sont irrecevables faute pour les auteurs des appels de justifier de leur identité et de leur qualité pour agir au nom des associations doit être écartée.

4. Il ressort des pièces du dossier que la requête présentée par la CAPEN 71 est accompagnée d'une copie du jugement attaqué dont il manque le dispositif, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative. Toutefois, à l'initiative du greffe de la cour, le dossier de première instance, incluant une copie du jugement attaqué, a été demandé au tribunal administratif de Dijon puis joint par ce greffe au dossier de la requête d'appel. Par suite, la requête n° 17LY02106 ne saurait être regardée comme irrecevable sur ce point.

Sur la régularité des jugements :

5. Par des mémoires enregistrés le 28 octobre 2016, la CAPEN 71 et l'association " les amis de la Thalie " ont soulevé devant le tribunal sous l'intitulé " arrêté de déclaration d'utilité publique (décision attaquée) incomplet ", un moyen tiré de ce que " l'arrêté ne mentionne pas les mesures mises à la charge du maître d'ouvrage pour éviter, réduire et compenser les effets négatifs du projet sur l'environnement conformément aux articles R. 122-14 et R. 122-15 du code de l'environnement " dont elles citaient les termes. L'article R. 122-14 du code de l'environnement énumère, dans sa version applicable au litige, les éléments que doivent comporter les décisions d'autorisation, d'approbation ou d'exécution de projets de travaux, d'ouvrage ou d'aménagements soumis à études d'impact. Les premiers juges, en répondant au moyen soulevé en estimant que les requérantes entendaient ainsi invoquer l'absence de motivation de l'arrêté du 12 août 2015, en ont effectué une analyse erronée. En ne répondant pas dans les deux instances au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 122-14 du code de l'environnement, qui n'était pas inopérant, les premiers juges ont entaché leurs jugements d'irrégularité.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement, en maintenant leur jonction, sur les demandes présentées par la CAPEN 71 et l'association " les amis de la Thalie " devant le tribunal administratif de Dijon.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 août 2015 :

7. Aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : / (...) c) Toute opération d'aménagement réalisée par la commune ou pour son compte lorsque, par son importance ou sa nature, cette opération modifie de façon substantielle le cadre de vie ou l'activité économique de la commune (...). Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées (...). A l'issue de cette concertation, le maire en présente le bilan devant le conseil municipal qui en délibère. (...) / II - Les autres personnes publiques ayant l'initiative d'opérations d'aménagement sont tenues aux mêmes obligations (...). ".

8. D'une part, la délibération du 13 juillet 2012 de la commission permanente du conseil général de Saône-et-Loire indique que le projet de desserte du parc d'activités Saôneor est un projet ancien dont la réalisation, inscrite au contrat de plan Etat/région 2000/2006, n'a jamais été effectuée par l'Etat, que l'opération étant désormais sous maîtrise d'ouvrage départementale, le département a commencé à mettre en oeuvre les procédures administratives et notamment en 2007 la concertation sur le projet, conformément à la délibération de la commission permanente du 8 septembre 2006. Il est ensuite rappelé que faute pour cette procédure d'avoir été menée à son terme, notamment parce que le bilan de cette concertation n'a jamais été réalisé, il convient au vu des nouvelles priorités d'investissement routier décidées par le conseil général, de relancer une concertation sur un projet amendé et présenté en annexe de la délibération, pour préparer les futures procédures. Il est constant que la délibération du 8 septembre 2006 énumérait les objectifs de la première concertation préalable. Ainsi, le conseil général de Saône-et-Loire a délibéré, au moins dans les grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par le projet, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme.

9. D'autre part, pour les besoins de la concertation arrêtée par la délibération du 13 juillet 2012 de la commission permanente du conseil général de Saône-et-Loire, il a été prévu au nombre des modalités retenues une période de concertation d'une durée d'un mois au cours du second semestre 2012, un affichage pendant cette période dans les mairies des communes concernées et à l'hôtel du département sous la forme d'un panneau de présentation, la mise à disposition d'un dépliant présentant l'historique, la procédure et le projet, dans ces mêmes lieux, et l'ouverture de registres en mairies et à l'hôtel du département pour permettre au public d'y porter les mentions souhaitées, en assurant en ces lieux, durant la même période, le dépôt et la réception d'observations écrites pour les inclure aux registres. Il ressort de la délibération du 27 septembre 2013 du conseil général approuvant le bilan de la concertation que ces modalités arrêtées par la délibération du 13 juillet 2012, et qui ont suffisamment permis des échanges de vues, répondent aux exigences de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme et ont été respectées.

10. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Saône-et-Loire a été régulièrement saisi d'une demande d'ouverture d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique du projet d'aménagement d'une voie de desserte du parc d'activités Saôneor valant mise en compatibilité des documents réglementaires d'urbanisme des communes concernées par un courrier du 18 juillet 2014 du président du conseil général. Il ne résulte pas des dispositions, dans leur rédaction alors applicable, des articles R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et L. 123-2 du code de l'environnement que c'est à l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale maître d'ouvrage qu'il incombe de solliciter l'ouverture par le préfet, autorité compétente, de l'enquête publique. Le moyen tiré de la saisine irrégulière du préfet doit donc être écarté.

11. Aux termes du IV de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable, auquel renvoie l'article L. 23-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 122-2 du code de l'environnement : " La décision de l'autorité compétente qui autorise le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage à réaliser le projet prend en considération l'étude d'impact, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le résultat de la consultation du public. / Sous réserve des dispositions particulières prévues par les procédures d'autorisation, d'approbation ou d'exécution applicables à ces projets, cette décision fixe les mesures à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine ainsi que les modalités de leur suivi. ". Aux termes du I de l'article R. 122-14 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution du projet mentionne : / 1° Les mesures à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage, destinées à éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine, réduire les effets n'ayant pu être évités et, lorsque cela est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits ; / 2° Les modalités du suivi des effets du projet sur l'environnement ou la santé humaine ; / 3° Les modalités du suivi de la réalisation des mesures prévues au 1° ainsi que du suivi de leurs effets sur l'environnement (...)".

12. Il ressort des pièces du dossier que le projet de réalisation entre la route départementale 906 et la route départementale 19 d'un barreau routier d'une longueur de 1 993 mètres comprend un pont d'une longueur de 200 mètres en surplomb de la vallée de la Thalie et du canal du Centre, un ouvrage de franchissement de l'autoroute A6 de 45 mètres de long et deux carrefours giratoires. L'étude d'impact prend en compte de façon détaillée les effets négatifs temporaires ou permanents de ces aménagements sur le milieu naturel et les espaces agricoles et prévoit les mesures de réduction qui seront mises en oeuvre, et dont les modalités détaillées seront exposées plus précisément dans le cadre des dossiers de demandes d'autorisation au titre de la législation environnementale. Les requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir que l'arrêté contesté devait comporter, à peine d'irrégularité, le détail des mesures envisagées pour réduire ou compenser les atteintes à l'environnement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté. Les requérantes ne sauraient utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 122-15 du l'environnement qu'elles invoquent dans une version inapplicable au litige.

13. L'article R. 122-5 du code de l'environnement définit le contenu de l'étude d'impact, qui est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et à la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont toutefois susceptibles de vicier la procédure et d'entraîner par suite l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

14. Dans la synthèse de son avis relatif au projet, l'autorité environnementale a estimé que le dossier, même si des précisions seraient nécessaires en ce qui concerne notamment la compensation de zones humides, présente une analyse correcte des enjeux environnementaux ainsi que les différents moyens de limiter les impacts du projet sur l'environnement.

15. L'étude d'impact mentionne que l'inventaire des zones humides de Bourgogne, réalisé en 1999 par la cellule d'application en écologie de l'université de Bourgogne pour le compte de la direction régionale de l'environnement, a identifié une zone humide importante qui longe le cours de la Thalie. Elle indique qu'aucune étude pédologique n'a été réalisée afin de déterminer la présence ou non de zone humide de superficie inférieure à 4 hectares au droit du site d'étude, mais conclut, en le justifiant de manière motivée, qu'aucune zone humide inférieure à 4 hectares n'est présente au droit du site. L'étude d'impact ne comporte donc aucune insuffisance sous cet aspect.

16. L'autorité environnementale a relevé que l'étude d'impact, en ce qui concerne les aspects hydrauliques, n'est pas suffisamment précise faute de motiver le choix des sites retenus pour la compensation afin de les intégrer, éventuellement, dans les surfaces à acquérir. Elle a regretté par ailleurs que l'absence d'impact sur le niveau de la crue et la vitesse d'écoulement soit affirmée sans justification, ni indication des hypothèses retenues. S'agissant du ruissellement et de la modification des bassins versants, l'autorité environnementale a noté que l'étude d'impact mentionne des bassins et des fossés, mais que l'adéquation de ces dispositifs en termes d'abattement de la pollution est également affirmée sans justification. Toutefois, dès lors que le détail des calculs était prévu pour figurer dans le dossier de demande d'autorisation de travaux au titre des articles L. 214-1 du code de l'environnement issus de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, les données fournies à ce stade présentent un caractère suffisant pour assurer l'information complète du public et de l'autorité compétente pour se prononcer sur l'utilité publique du projet en toute connaissance de cause. Au demeurant, l'étude d'impact indique les débits de fuite pour chacun des bassins versants calculés conformément aux prescriptions imposées par les services de la police de l'eau, les dispositifs de collecte des eaux mis en place et le volume de rétention des bassins pour s'adapter à ces débits.

17. Il ressort de l'étude d'impact qu'aucun site ou sol pollué n'a été recensé sur le site d'étude. Il y est en effet mentionné que l'ancien site industriel Kodak-Pathé, situé route de Demigny sur le territoire de la commune de Fragnes, est implanté en périphérie de la zone d'étude. Les requérantes n'établissent pas, en citant la recommandation du commissaire enquêteur " de ne pas manquer de rappeler aux responsables du Grand Chalon que le projet gagnerait en recevabilité si la démolition-dépollution de la friche industrielle de la MESTA est synchronisée avec la réalisation du barreau " ou en se référant au contenu de l'intervention écrite en date du 17 décembre 2014 de la direction départementale des routes et des infrastructures auprès du commissaire enquêteur, qui indique, concernant le secteur de la MESTA qui comprend ce site industriel, que " le Grand Chalon fera son affaire le temps venu de faire procéder à la dépollution des sites ", que le site Kodak-Pathé serait compris dans l'emprise du projet en litige.

18. En vertu des dispositions du 5° de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, le bilan de la concertation fait partie intégrante du dossier soumis à enquête publique. Si le rapport d'enquête a omis de mentionner que le bilan de la concertation de 2013 faisait parti du dossier soumis à enquête publique, la méconnaissance de ces dispositions n'a pas été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative, dès lors que le bilan de la concertation de 2013, approuvé par une délibération du 27 septembre 2013, ne comportaient pas d'éléments qui ne figuraient pas déjà dans l'étude d'impact.

19. Les dispositions du II de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable, prévoient que lorsque des projets concourent à la réalisation d'un même programme de travaux, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme et que lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacun des projets doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme. Il est ainsi soutenu que la concertation réalisée en 2007 portait, s'agissant de la solution A, sur un projet de création d'une voie raccordée à la déviation de Champforgeuil et d'un demi-échangeur sur l'A6 de liaison directe qui n'a pas été abandonné puisque la desserte de désenclavement sera connectée à un demi-échangeur. Le projet de construction de ce demi-échangeur a cependant été adopté par le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Grand Chalon postérieurement à la procédure d'enquête publique, par une délibération du 16 février 2017 et ne constitue pas, du seul fait de leur possible complémentarité, un programme d'ensemble avec la desserte de désenclavement qui pouvait être construite et mise en service indépendamment. Il s'ensuit que le moyen tiré de que ce l'étude d'impact ne porterait pas sur l'ensemble d'un programme, en méconnaissance du II de l'article L. 122-1 du code l'environnement, n'est pas fondé, de même que celui tiré de ce que l'absence du bilan de la concertation de 2007 dans le dossier d'enquête publique a nuit à l'information complète de la population.

20. En vertu de l'article L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction alors applicable, les plans d'occupation des sols ou les documents d'urbanisme en tenant lieu qui prévoient une réduction des espaces agricoles ou forestiers ne peuvent être rendus publics ou approuvés qu'après avis de la chambre d'agriculture. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'utilité publique contestée n'emporte pas sur ce point modification des plans locaux d'urbanisme des trois communes concernées puisque l'espace boisé classé antérieurement prévu dans le plan local d'urbanisme de la commune de Champforgeuil, traversé par le projet, est supprimé pour prendre acte de l'absence d'arbre dans ce secteur et les surfaces qualifiées d'agricoles par les requérantes sont déjà classées en zones naturelles N et IND. L'avis de la chambre d'agriculture n'était donc pas requis à peine d'irrégularité de la procédure.

21. La consultation préalable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites chargée, en vertu de l'article R. 341-16 du code de l'environnement, d'émettre un avis sur les projets d'actes réglementaires et individuels portant notamment sur la faune et la flore, n'était pas requise, compte tenu de la définition des ouvrages, des principes constructifs et des modalités d'intervention. Par suite, le moyen tiré de ce que le dossier d'enquête publique était incomplet faute de comporter cet avis doit être écarté.

22. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le rapport comporte (...) une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet ".

23. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur, qui n'était pas tenu de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête, a récapitulé la teneur de l'ensemble des observations qui lui étaient soumises dans des tableaux synthétiques, formulé un avis sur les questions soulevées par les personnes qui ont participé à l'enquête et émis un avis suffisamment motivé au regard des observations recueillies. Ainsi ses rapport, avis et conclusions satisfont aux exigences de l'article R. 123-19 précité.

24. Une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement, et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

25. Les travaux déclarés d'utilité publique par l'arrêté contesté ont pour objet d'accompagner, par la création d'une voie de désenclavement facilitant l'accès routier, l'aménagement par la communauté d'agglomération Chalon Val de Bourgogne, dite " Le Grand Chalon ", de la zone d'activité économique Saôneor, qui a fait l'objet, en 2006, d'un contrat de site signé entre l'Etat, la région, le département, la communauté d'agglomération Chalon-Val de Bourgogne et la commune de Chalon-sur-Saône, pour sa reconversion industrielle et la création de 2 500 emplois. La desserte, ou " barreau ", créée entre les routes départementales 906 et 19, aménagée entre les communes de Champforgeuil d'une part et de La Lozère et Fragnes d'autre part, a pour but de faciliter l'accès à cette zone depuis l'échangeur Nord de l'autoroute A6 et la route départementale 906. Elle est également destinée à éliminer les nuisances dues au trafic des poids lourds en ville et limiter ces nuisances le long du nouveau barreau. Si les requérantes soutiennent que les atteintes portées à l'environnement seraient excessives, il ressort des pièces des dossiers que, eu égard aux précautions prises pour accompagner la réalisation du projet, notamment en ce qui concerne la protection de la santé humaine, ni les inconvénients qu'il comporte, ni le fait qu'il ne suffira pas seul pour créer des emplois, ni enfin son coût, ne peuvent être regardés comme excessifs et de nature à altérer son caractère d'utilité publique. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté n'aurait pas concilié la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social, comme le requiert l'article 6 de la Charte de l'environnement doit également être écarté.

26. Il résulte de ce qui précède que la CAPEN 71 et l'association " les amis de la Thalie " ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 12 août 2015.

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés au titre du litige.

DECIDE :

Article 1er : Les jugements n°s 1502776 et 1502795 du tribunal administratif de Dijon du 21 février 2017 sont annulés.

Article 2 : Les demandes de la CAPEN 71 et de l'association " les amis de la Thalie " devant le tribunal administratif de Dijon et le surplus de leurs conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par le département de Saône-et-Loire au titre des frais du litige sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la confédération des associations pour l'environnement et la nature en Saône-et-Loire, à l'association " les amis de la Thalie ", au ministre de l'intérieur et au département de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 juillet 2019.

2

Nos 17LY02106, 17LY02114


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02106
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01-01 Expropriation pour cause d'utilité publique. Notions générales. Notion d'utilité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : BREY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-04;17ly02106 ?
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