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04/07/2019 | FRANCE | N°17LY02009

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2019, 17LY02009


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...D..., Mme G...D..., M. B...D..., M. E... D... et Mme J...D...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon à leur verser, avec intérêts à taux légal à compter de l'enregistrement de leur demande, ensemble une somme de 9 288,09 euros au titre des préjudices de tous ordres dont a été victime leur fils et frère M. L... D..., décédé le 10 novembre 2008, la somme de 2 445,80 euros chacun au titre du préjudice patrimonial, la somme de 1 400 euros chacun au tit

re du préjudice d'accompagnement et, au titre de leur préjudice d'affection, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...D..., Mme G...D..., M. B...D..., M. E... D... et Mme J...D...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon à leur verser, avec intérêts à taux légal à compter de l'enregistrement de leur demande, ensemble une somme de 9 288,09 euros au titre des préjudices de tous ordres dont a été victime leur fils et frère M. L... D..., décédé le 10 novembre 2008, la somme de 2 445,80 euros chacun au titre du préjudice patrimonial, la somme de 1 400 euros chacun au titre du préjudice d'accompagnement et, au titre de leur préjudice d'affection, la somme de 14 000 euros à chacun des deux parents et la somme de 9 000 euros à chacun des frères et soeurs, et de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône, agissant, pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie du territoire de Belfort, a demandé la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser, à titre principal, la somme de 30 788,38 euros au titre des débours engagés sur la base d'un taux de perte de chance de 42 %, et à titre subsidiaire, d'appliquer le taux retenu aux débours qu'elle a engagés. La caisse a également demandé la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1403113 du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les demandes des consorts D...et de la caisse primaire d'assurance maladie.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 mai 2017, M. A...D..., Mme G...D..., M. B...D..., M. E... D... et Mme J...D..., représentés par Me Pichon, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 mars 2017 ;

2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à leur verser ensemble, sur la base d'un taux de perte de chance de 70 %, une somme de 9 288,09 euros au titre des préjudices de tous ordres dont a été victime leur fils et frère M. L... D..., décédé le 10 novembre 2008 ;

3°) de condamner également les Hospices civils de Lyon à leur verser, sur la base d'un taux de perte de chance de 70 %, les sommes de 2 445,80 euros chacun au titre de leurs préjudices patrimoniaux, de 1 400 euros à chacun d'eux au titre du préjudice d'accompagnement, de 14 000 euros à chacun des deux parents et de 9 000 euros à chacun des frères et soeurs au titre de leur préjudice d'affection, avec intérêts à taux légal à compter de l'enregistrement de leur demande de première instance ;

4°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'expert devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation a retenu l'existence de soins défectueux de la part de l'équipe chirurgicale de l'hôpital cardiologique Louis Pradel lors de la prise en charge de M. L...D... ; l'expert a ainsi relevé que la prothèse implantée le 17 août 2004 était inadaptée car trop petite au regard de la taille et du poids de M. L... D..., soit 1 m 70 pour 89 kg, ce qui représente une surface corporelle de 2 m² ; théoriquement, il aurait dû se voir implanter une prothèse de diamètre 23 et non pas 19 comme celle qu'il a reçue mais que compte tenu des antécédents du patient et alors que la pose d'une prothèse de cette taille aurait nécessité d'élargir de façon très conséquente l'anneau aortique, la taille de prothèse la plus adaptée devait être de diamètre 21, cette taille correspondant au demeurant à celle de la prothèse implantée le 11 octobre 1994 ; le choix d'une taille 19 n'aurait pu être justifié que chez un sujet âgé mais M. D...avait 39 ans lors de cette opération du 17 août 2004 ; cette inadéquation de la taille de la prothèse a entraîné un " mismatch " qui a abouti à une décompensation cardiaque majeure ;

- l'expert a également observé que le choix d'une prothèse de diamètre 19 n'a fait l'objet d'aucune discussion ou de raisonnement bénéfices/risques ; le compte-rendu d'intervention est resté très succinct et n'a pas fait mention de deux complications relevées par l'anesthésiste, soit deux circulations extra corporelles avec une reprise pour plaie du tronc de l'artère pulmonaire ;

- l'expert de la CRCI a clairement répondu à la note du docteurH..., expert conseil pour le Pr Obadia des Hospices civils de Lyon ;

- l'expert de la CRCI a mentionné que le mismatch, qui a des effets particulièrement délétères sur les jeunes patients ayant une mauvaise fonction ventriculaire gauche comme en l'espèce aurait pu être évité par la mise en place d'une stratégie de prévention au moment de l'opération ; ce mismatch a été mis en évidence le 29 septembre 2008 au centre hospitalier Henri Mondor ;

- après le changement de valve et la mise en place d'une prothèse de diamètre supérieur réalisé le 6 novembre 2008, il y a eu amélioration du fonctionnement cardiaque comme l'a montré l'échographie de débrouillage post-opératoire immédiate ;

- le rapport de l'expert de la CRCI retient un lien de causalité entre la pose de cette prothèse d'un diamètre inadapté et l'effondrement progressif de la fraction d'éjection, lequel a rendu indispensable l'opération du 6 novembre 2008 à la suite de laquelle M. D...est décédé ; l'expert a estimé à 70 % la participation causale du mismatch à la dégradation cardiaque et 30 % à l'existence d'un panus qui se serait développé progressivement après la troisième intervention cardiaque ; l'expert a également retenu l'existence d'un état antérieur ayant concouru à la réalisation du dommage à hauteur de 40 % ;

- il y a lieu de considérer que dans le cadre de l'état antérieur l'arrêt du traitement anti-coagulant a contribué à hauteur de 10 % à la décompensation cardiaque ;

- de telles prédispositions et risques ont ainsi été pris en compte par l'expert de la CRCI ;

- la CRCI dans son avis a pris en considération les éléments de l'expertise et a estimé que le mismatch a concouru à la survenue de la décompensation cardiaque à hauteur de 42 % soit 60 % de 70 % ; ce calcul de la CRCI est erroné ; premièrement, il n'est pas certain que le panus se soit développé à la suite de l'intervention en litige réalisée en 2004 dès lors que ce panus était déjà présent en 2004 ; il y a lieu soit de retenir un taux de 70 % si le panus s'est constitué après 2004 et n'est pas en lien avec la responsabilité du Pr Obadia soit un taux de 100 % si le panus était déjà constitué en 2004 et qu'aucune réalisation d'une exérèse n'a été réalisé ; dans ce second cas, l'absence d'exérèse est fautive ; deuxièmement la CRCI a à tort imputé deux fois le dommage au panus préri-prothétique car soit le panus constitué après 2004 a aggravé la sténose aortique provoquée par la taille inadaptée de la prothèse, ceci pour 30 % et le dommage résultant du sous-dimensionnement de la prothèse est alors de 70 % ou soit le panus constitue une complication de l'implantation de la prothèse à hauteur de 30 % et dans ce cas là n'a pas pu participer à l'état antérieur, et le dommage résultant du sous-dimensionnement est de 70 % ; troisièmement, l'expert de la CRCI s'est trompé en imputant la décompensation cardiaque à l'arrêt anticoagulant à hauteur de 10 % dès lors que le dommage dont il est demandé réparation résulte des suites péjoratives de l'opération de 2004 et non pas des causes ayant amené à cette opération de 2004 ; l'interruption du traitement anticoagulant n'est pas constitutive du dommage dont il est demandé réparation car elle est seulement à l'origine de la thrombose de la valve aortique ayant nécessité l'opération du 17 août 2004, laquelle n'a pas été réalisée en urgence ;

- à supposer que le panus ne se soit développé que postérieurement à 2004, celui-ci n'a pu jouer un rôle dans le dommage, dont il est demandé réparation, que dans une proportion maximale de 30 % ;

- il y a lieu de les indemniser en tant qu'ayants droit et héritiers des préjudices subis par M. L...D...et tombés dans son patrimoine ; il aurait dû percevoir un salaire net (après déduction des charges sociales salariales) de 26 225,96 euros sur la période du 1er juin 2007 au 30 juin 2008, et son salaire net fiscal pour cette période a été de 20 466,26 euros soit une perte de 5 759,70 euros ;

- le déficit fonctionnel temporaire a été total du 2 au 6 avril 2007, du 15 juillet au 20 août 2008, du 29 septembre au 3 octobre 2008, du 6 au 8 octobre 2008, du 4 au 10 novembre 2008, soit durant 56 jours, dont il sera fait une juste indemnisation par un montant de 1 120 euros ; son déficit fonctionnel temporaire a été de 25 % du 7 avril 2007 au 14 juillet 2008, du 21 août 2008 au 28 septembre 2008, du 9 octobre 2008 au 3 novembre 2008, pour un total de 161 jours, dont il sera fait une juste indemnisation par un montant de 805 euros ; hors ces périodes, son déficit fonctionnel temporaire a été de 10 % du 1er septembre 2006 au 29 septembre 2008, soit durant 542 jours, dont il sera fait une juste évaluation par un montant de 1 084 euros ;

- les souffrances endurées par M. L...D..., évaluées à 2,5 sur une échelle de 1 à 7, seront justement indemnisées par un montant de 4 500 euros ;

- il y a lieu de les indemniser pour leurs préjudices propres ; en l'espèce leurs préjudices patrimoniaux propres se sont élevés à 369 euros pour frais de transport, parking, déplacements, à 65,90 euros pour frais de copies, à 3 059,09 euros pour frais d'obsèques ;

- le préjudice d'accompagnement propre à chacun des ayants-droits s'élève à 2 000 euros ;

- le préjudice d'affection propre à ses père et mère sera justement indemnisé à hauteur de 20 000 euros chacun, et celui de chacun de ses frères et soeurs à 9 000 euros ;

- compte tenu du taux de responsabilité de 70 % des Hospices civils de Lyon, il y a ainsi lieu de les indemniser au global à hauteur de 65 633,88 euros sur une somme de 93 762 euros.

Par un mémoire enregistré le 28 juillet 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône, représentée par la SELARL BDL avocats, conclut à l'annulation du jugement du 14 mars 2017 et à la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser une somme de 30 788,38 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, au titre des prestations servies pour le compte de M. L...D..., une somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'expert de la CRCI a clairement établi aux points 4 à 7° de son rapport l'existence d'une faute des Hospices civils de Lyon ;

- dans son avis du 13 novembre 2013, la CRCI a retenu un taux de perte de chance de 42 % imputable aux Hospices civils de Lyon ;

- il y a lieu de lui rembourser ses débours à hauteur de 42 % compte tenu d'un tel taux de perte de chance.

Par un mémoire enregistré le 26 avril 2019, les Hospices civils de Lyon représentés par MeF..., concluent au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône.

Ils font valoir que :

- c'est de manière erronée que, sur la base des éléments figurant dans le rapport d'expertise de la CRCI, les requérants estiment que le choix d'une prothèse de diamètre 19 était inadapté à l'état de santé de M. L...D...et était constitutif d'une faute ; en l'espèce l'expert de la CRCI n'a pas pris en compte l'état de santé du patient ; avant de s'interroger sur le caractère fautif ou non d'une pose de prothèse d'un diamètre de 19, le rapport critique du Dr H..., produit par les HCL, a quant à lui tenu compte de cet état antérieur ; le Dr H...a relevé une profonde dégradation de l'orifice aortique en 2004 liée d'une part à une thrombose d'une des ailettes avec une évolution sténosante, cette thrombose ayant été provoquée par l'arrêt volontaire des anti-coagulants AVK, et d'autre part à un important panus généré par la prothèse et la bande d'élargissement en dacron la pose ; le Dr H...a estimé que la pose d'une telle prothèse de diamètre 19 était justifiée en l'espèce car la pose de diamètre 21 aurait présenté de nombreux risques à savoir une exérèse des tissus sténosants et une chirurgie lourde à plus haut risque que celle de 1994 du fait de la présence fibreuse du patch Dacron, car plusieurs auteurs font état d'un résultat satisfaisant en terme de gradient et de survie et ce avec moindre risque opératoire et car cette pose d'une prothèse de diamètre 21 est techniquement difficile ; le Pr Obadia a procédé à une évaluation des risques et des bénéfices en posant cette prothèse 19 et le Dr H...a mentionné que cet acte chirurgical répondait " au principe du moindre risque " ;

- il n'y a pas eu de mismatch dès 2004 et ce dernier n'a pas été à l'origine de la dégradation cardiaque ; le tribunal administratif a estimé qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre la pose de cette prothèse de diamètre 19 et la dégradation de l'état de santé de M.D... ; la notion de mismatch est controversée ; l'état du patient était normal à la suite de cette intervention ; il n'y a pas lieu de retenir un mismatch quand pendant quatre ans les gradients transvalvulaires sont normaux ; en 2004, M. D...pesait 89 kg et la surface de la prothèse était pour ce poids de 0,65 cm2/m2 et avec une telle surface, le risque de mitmach est considéré comme modéré ; le poids de M. D...a augmenté entre 2004 et 2008, son poids étant de 94 kg en 2008, ce qui ramenait la sa surface de la prothèse à 0,60 cm2/m2 ; le risque de mismatch était en dessous du seuil critique ; l'apparition d'un mismatch en 2008 ne saurait caractériser l'existence d'un lien de causalité entre la pose d'une prothèse de diamètre 19 et la dégradation de l'état de santé en 2008 ;

- M. D...présentait de nombreux facteurs à risque à savoir un diabète, un tabagisme et un alcoolisme justifiant sa dégradation cardiaque mais également d'une bipolarité s'étant traduite par un suivi médical lacunaire ; il n'a pas suivi certaines recommandations lui ayant été adressées sur un régime sans sel, ses addictions et sa prise de poids ; son comportement a eu une incidence sur son état de santé ;

- son état de santé est lié non à la prothèse mais à un rétrécissement sous-aortique fibreux et à une pathologie cardio-coronarienne ; ce rétrécissement fibreux inflammatoire est apparu à la suite de la troisième intervention au contact du patch Dacron et a été favorisé par cette troisième intervention ; le Dr H...n'est pas d'accord avec l'analyse de l'expert de la CRCI et a estimé que la dégradation de l'état de santé cardiaque est lié à des facteurs extérieurs; le Pr Loisance en novembre 2008 a mentionné l'existence d'une très importante déchéance ventriculaire ;

- dans l'hypothèse où la pose de la prothèse de diamètre 19 serait fautive et à l'origine de la dégradation ventriculaire du patient, ceci n'a pu induire qu'une perte de chance qui conformément à l'avis de la CRCI pourrait être évaluée à 42 % ;

- le poste de préjudice " perte de gains professionnels " n'est pas justifié par les pièces du dossier ;

- le poste de préjudice " accompagnement " n'est pas justifié par les pièces du dossier car ce poste ne se confond pas avec un préjudice moral et est en lien avec un bouleversement dans les conditions d'existence ; or un tel bouleversement lors de l'hospitalisation de M. D...n'est pas démontré ;

- les sommes demandées au titre du préjudice moral sont surévaluées dès lors que les consorts D...ne vivaient pas avec le patient ;

- la caisse primaire ne justifie pas du lien exclusif entre la pose de la prothèse et les débours demandés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Guérin, avocat, pour les consortsI....

Considérant ce qui suit :

1. M. L...D..., né le 20 novembre 1965, qui présentait un rétrécissement aortique congénital a subi le 18 juin 1979, à l'âge de 13 ans, une valvulotomie aortique par sternotomie. Le 11 octobre 1994, il a fait l'objet d'une nouvelle opération dite " deuxième opération " au cours de laquelle a été pratiqué un remplacement valvulaire aortique par prothèse mécanique Saint-Jude de diamètre 21 et un élargissement de l'anneau aortique par aortoplastie en Dacron. Le 30 juillet 2004, M. D...a été hospitalisé pour thrombose subaiguë de la valve aortique au centre hospitalier de Belfort puis a été transféré à Lyon, le 9 août 2004 à l'hôpital Louis Pradel, dépendant des Hospices civils de Lyon. Une intervention dite " troisième intervention " de remplacement valvulaire et d'une pose de prothèse mécanique Edwards Mira de diamètre 19 a été réalisée le 17 août 2004 au sein de l'hôpital Louis Pradel dans le service de chirurgie cardiaque. Après un réentrainement à l'effort et une amélioration de son état de santé lui permettant de reprendre une activité professionnelle, il a dû être à nouveau hospitalisé au centre hospitalier de Belfort-Montbéliard en avril 2007 pour d'importantes dyspnées de classe III et d'une fatigabilité à l'effort et en juillet 2008 pour insuffisance cardiaque gauche. Il a ensuite été transféré au centre médical Lalance à Lutterbach du 23 juillet 2008 au 20 août 2008 pour réadaptation fonctionnelle. Du fait de l'absence d'amélioration, M. D...s'est rendu au centre hospitalier Henri Mondor à Créteil pour consultation. Il y a alors été hospitalisé du 29 septembre 2008 au 3 octobre 2008 pour examens. Eu égard aux résultats de tels examens mettant en évidence une fraction d'éjection de 30 %, un " mismatch de la prothèse ", une prothèse aortique de petite taille considérée comme sténosante ainsi qu'une réserve contractile, l'équipe médicale du centre hospitalier Henri Mondor a proposé une " quatrième intervention " de remplacement valvulaire aortique avec élargissement de l'anneau aortique laquelle a été acceptée par M.D.... Le 6 novembre 2008, lui a été posé une prothèse biologique de diamètre 21 avec élargissement de l'anneau aortique. Quatre jours plus tard, le 10 novembre 2008, M. D...est décédé des suites de son insuffisance cardiaque.

2. M. B...D..., M. E...D...et Mme J...D..., ses frères et soeur, ont saisi le 26 juin 2013 d'une demande d'indemnisation la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Rhône-Alpes. Un rapport d'expertise a été remis le 18 septembre 2013 lequel a conclu à l'existence d'une faute dans le cadre de la troisième intervention de la part des Hospices civils de Lyon à avoir implanté une prothèse d'un diamètre de 19 ayant entraîné un mismatch lequel a contribué en association avec une réaction inflammatoire fibreuse à la dégradation progressive de l'état cardiaque de M.D.... Dans son avis du 13 novembre 2013, la CRCI a retenu une responsabilité des Hospices civils de Lyon, dans la survenance du dommage à hauteur de 42 %, du fait de la pose d'une prothèse de trop petite taille lors de l'intervention du 17 août 2004 et a invité l'assureur des Hospices civils de Lyon à indemniser les consortsI.... Le 28 février 2014, la Société hospitalière d'assurances mutuelles, assureur des Hospices civils de Lyon, a refusé d'indemniser les consorts D...et les a invités à se rapprocher de l'ONIAM.

3. Le tribunal administratif de Lyon par jugement du 14 mars 2017 a rejeté les demandes indemnitaires de MM. B...et E...D...,M... J...D..., ainsi que celles de M. A...D...et Mme G...D..., parents de M. L... D...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône formulées à l'encontre des Hospices civils de Lyon sur le fondement de fautes commises dans la prise en charge de M. L... D.... Les consorts D...relèvent appel de ce jugement. La caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône conclut en appel à ce que lui soit versée une somme de 30 788 euros au titre des prestations versées pour le compte de M. L...D....

Sur la responsabilité des Hospices civils de Lyon :

4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ". Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

5. Les consorts D...font valoir que la pose par le service de chirurgie cardiaque Louis Pradel en 2004 d'une prothèse de diamètre 19 a été fautive dès lors qu'elle a entrainé un mismatch, c'est-à-dire une inadéquation entre la taille de la prothèse et le patient, lequel en combinaison avec un panus a entrainé une dégradation de l'état cardiaque de M. L...D.... Au soutien de leur argumentation, ils font état de l'analyse de l'expert de la CRCI selon laquelle compte tenu de la surface corporelle du patient et de ses autres caractéristiques d'âge et de poids, le diamètre de 19 qui a été implanté n'était pas approprié car trop petit, un diamètre de 21 étant un minimum, et a entrainé un mismatch à l'origine au moins partiellement d'une réduction de la vitesse d'éjection cardiaque.

6. Il résulte de l'instruction qu'alors que M. D...avait bénéficié en 1994 d'une prothèse mécanique Saint Jude de diamètre 21 et d'un élargissement de l'anneau aortique, le professeur Obadia, chef du service de chirurgie cardio-thoracique et vasculaire de l'Hôpital Louis Pradel a fait le choix de lui implanter le 17 août 2004 une prothèse mécanique Edwards Mira de diamètre 19. L'expert mandaté par la CRCI, a mentionné sans être sérieusement contesté que la surface minimale de la prothèse pour éviter un mismatch aurait dû être de 1,70 cm2 et que le compte-rendu d'échographie réalisé quelques jours après l'opération du 17 août 2004 fait état d'une surface de 1,13 cm2. Il indique également qu'au regard de l'âge de M. D...et de l'anneau aortique existant, la solution théoriquement la meilleure sur la base de calculs de la surface corporelle était l'implantation d'une prothèse de diamètre 23 mais que, compte tenu des difficultés techniques liées à un élargissement très conséquent de l'anneau dans le cas d'un tel diamètre de 23, " ceci aurait dû amener l'équipe chirurgicale à implanter une prothèse d'un diamètre au minimum égal à celui qui avait été implanté en 1994 pour ne pas risquer une inadéquation prothèse-patient ". L'expert de la CRCI note que " cette intervention chirurgicale techniquement difficile (dont le risque opératoire était supérieur à celui d'un remplacement valvulaire simple) d'élargissement et de remplacement valvulaire pouvait parfaitement être prise en charge par l'équipe chirurgicale lyonnaise en toute sécurité ". Le même expert précise également qu'aucun document dans les pièces médicales fournies, dont le compte rendu opératoire ou le courrier post-opératoire n'explique les raisons de ce choix d'un tel diamètre de 19 par l'équipe chirurgicale. Les intimés, qui ne contestent pas les calculs de diamètre de l'expert de la CRCI, ne contredisent pas utilement cette analyse de l'expert de la CRCI sur la pose d'un diamètre inapproprié ayant entrainé un mismatch, ni l'avis de la CRCI validant les remarques dudit expert, ni l'article médical produit en appel sur l'existence de mismatch et des conséquences induites en se bornant à faire état de la position du docteurH..., leur médecin conseil, sur des résultats satisfaisants de prothèse de diamètre 19 et de risques potentiellement importants courus en 2004 par le patient en cas de pose d'une prothèse de diamètre 21 eu égard au décès du patient ayant eu lieu en 2008 à la suite d'une quatrième intervention consistant dans le remplacement de la prothèse de diamètre 19 par une prothèse de diamètre 21. Il résulte, en effet, de l'instruction que l'appréciation relative à des résultats satisfaisants des prothèses de diamètre 19 concerne des patients le plus souvent âgés, ce qui n'était pas la situation de M. D.... La circonstance que M. D...ait subi en 2008 une quatrième opération remplaçant la prothèse de 19 par une prothèse de 21 et qu'il soit décédé quatre jours après cette opération des suites de sa pathologie cardiaque ne saurait établir qu'en 2004, date de la pose de la prothèse en litige, que l'opération qu'il a subi pour implanter cette prothèse de diamètre 19 aurait été à " plus haut risque " pour ce dernier que celle qui aurait dû être effectuée pour la pose d'un diamètre 21. En ce qui concerne les actes chirurgicaux réalisés en 2004, il ressort du rapport d'expertise de l'expert CRCI reprenant les informations figurant dans le compte rendu opératoire du 17 octobre 2004 que le chirurgien a pratiqué à cette date une " exérèse valvulaire ainsi que de l'ensemble des tissus thrombotiques fibrineux " lesquels auraient également été nécessaires pour la pose d'un diamètre 21. Si comme l'indique l'expert de la CRCI, le geste technique aurait pu être plus complexe pour le chirurgien dans le cas de pose d'un diamètre 21, les intimés ne contestent pas l'appréciation de l'expert de la CRCI sur les compétences techniques du service chirurgical des hospices civils de Lyon en 2004 pour mener à bien la pose d'un diamètre 21 en toute sécurité pour le patient. Dans ces conditions, le service chirurgical des Hospices civils de Lyon, en décidant en 2004 de poser une telle prothèse de diamètre 19, laquelle compte tenu de la surface corporelle de l'intéressé, ne correspondait pas aux calculs théoriques imposant un diamètre de 23 et ne justifiant pas de difficultés qui l'auraient empêché de réaliser la pose d'un diamètre de 21, retenu par l'expert de la CRCI comme la solution pertinente en l'espèce, n'a pas correctement pris en charge M. D...et a ainsi commis une faute susceptible d'engager la responsabilité des Hospices civils de Lyon.

7. Les Hospices civils de Lyon contestent le lien de causalité entre l'implantation le 17 août 2004 de cette prothèse de diamètre 19 et la dégradation de l'état de santé de M. D...dès lors que celui-ci ne s'est vu diagnostiquer un mismatch qu'en novembre 2008, soit un mois avant son décès, et se prévalent de l'analyse de leur médecin conseil, le docteurH..., récusant un lien entre une prothèse trop petite et la dégradation de son état cardiaque après 2004 et imputant cette dégradation à l'existence d'une ischémie antérieure. Ils indiquent également que des facteurs propres à M. D...ont contribué à cette aggravation cardiaque. Toutefois, en ce qui concerne un mismatch ayant eu des effets avant 2008, il résulte des données, non contestées, figurant dans le rapport du professeur Vidal, expert de la CRCI sur la littérature médicale relative au mismatch, qu'une surface fonctionnelle de prothèse inférieure ou égale à 0,65 cm2/m2 suggère une disproportion sévère entre la taille de la prothèse et la taille du patient (mismatch sévère) et qu'une surface comprise entre 0,65 et 0,85 cm2/m2 constitue un mismatch modéré. Il est constant que, lors de cette opération de 2004, la surface corporelle de ce dernier était en 2004 compte tenu de son poids de 89 kg de 0,65 cm2/m2 et que la prise de poids du patient de 89 à 94 kg entre 2004 et 2008 soit 5 kg a ramené celle-ci en 2008 à 0,6 cm2/m2. Il ressort ainsi de tels éléments que, contrairement à ce que soutiennent les intimés, M. D...souffrait dès son opération de 2004 d'un mismatch sévère, situation qui a perduré ensuite jusqu'au 6 novembre 2008, date de la quatrième opération au centre hospitalier Henri Mondor d'implantation d'une nouvelle prothèse. Il ressort également de l'étude médicale rédigée par le professeur Pibarot, produite par les requérants en appel et non sérieusement contestée par les intimés, que la disproportion patient-prothèse - mismatch - entraîne des conséquences nettement plus graves notamment sur le taux de survie à court- moyen terme pour les patients jeunes et chez ceux ayant une mauvaise fonction ventriculaire gauche ou une hypertrophie ventriculaire gauche sévère, situation dans laquelle se trouvait M.D.... Dans de telles conditions, l'analyse du professeur Vidal, expert de la CRCI, sur un lien entre la dégradation de la fonction cardiaque de M. D...à partir du 2 avril 2007, date de sa première hospitalisation pour décompensation cardiaque, et les effets cumulés du mismatch et d'un panus (excroissance fibreuse réactionnelle) qui se serait développé progressivement au contact du Dacron après la troisième opération du 17 août 2004, n'est pas utilement remise en cause. En outre, si le docteur H...fait état de l'existence d'une cardiopathie ischémique voire d'une cardiopathologie alcoolique, au demeurant évoquées par l'expert de la CRCI, qui serait à l'origine de l'aggravation " à bas bruit " de sa pathologie cardiaque et la décompensation cardiaque intervenue à compter de 2007 et d'absence de lien de causalité avec un mismatch, ceci n'est pas corroboré par le compte-rendu d'hospitalisation au centre hospitalier Henri Mondor de fin septembre 2008 à début octobre 2008, lequel précise que " l'état d'essoufflement dans lequel est M. D...est en rapport avec un mismatch de la prothèse car la prothèse est de petite taille compte tenu de son gabarit. Cette prothèse est sténosante et la réserve contractile présente est très encourageante pour penser à une récupération myocardique à distance de la réintervention chirurgicale. (...) au total : dysfonction ventriculaire gauche sévère en rapport avec une prothèse aortique de petite taille sténosante avec réserve contractile. Indication à un remplacement valvulaire aortique avec élargissement de l'anneau à réaliser par le Pr Loisance début novembre ".Par ailleurs, s'il résulte de l'instruction et notamment des données figurant dans le rapport de l'expert de la CRCI que M. D...présentait préalablement à l'opération du 17 août 2004 des risque propres sous forme d'un diabète, d'un tabagisme, de troubles liés à l'alcoolémie ainsi que des troubles bipolaires, lesquels ont affecté l'observance de son suivi médical avant cette opération du 17 août 2004, il ne résulte pas de l'instruction que de tels facteurs aient joué un quelconque rôle dans le choix réalisé par le service chirurgical de l'Hôpital Louis Pradel d'une prothèse de diamètre 19 laquelle a conduit à ce mismatch et à une réduction du flux sanguin. La circonstance que M. D...ait grossi de 5 kg en quatre ans n'a pas eu non plus de conséquence importante sur le caractère du mismatch dès lors que celui-ci, dès l'opération de 2004, était sévère. Dans ces conditions, le lien de causalité entre cette prothèse trop petite et la dégradation de l'état cardiaque de M. D...après cette opération doit être regardé comme établi.

8. Les consorts D...font valoir que, compte tenu des éléments du rapport de l'expert de la CRCI sur les parts respectives de l'aggravation imputées à ce mismatch et à un panus s'étant développé après l'opération en litige à savoir respectivement 70 % et 30 %, l'avis de la CRCI fixant à 42 % le taux de perte de chance lié à ce mismatch est sous-évalué. Ils soutiennent que, dans les circonstances de l'espèce, le taux de perte de chance doit être fixé à 100 % dès lors qu'il n'est pas certain que le panus ait été correctement traité lors de l'opération de 2004 ou au minimum à 70 %. Ils font valoir que les causes antérieures qui ont conduit à l'opération de 2004 à savoir une observance parfois erratique de son traitement médicamenteux par le patient ne peuvent pas être prises en compte dans le calcul du taux de perte de chance. Il résulte de l'instruction que si l'insuffisance de suivi régulier de son traitement a été à l'origine de l'épisode de thrombose subaiguë de la valve aortique l'ayant amené à être hospitalisé au centre hospitalier de Belfort puis à l'hôpital Louis Pradel en juillet et en août 2004, il n'est pas établi par les pièces du dossier qu'un tel comportement de M. D...soit à l'origine du choix d'une prothèse de diamètre 19 par l'équipe chirurgicale de l'Hôpital Louis Pradel. Par suite, le comportement de M. D...avant cette opération d'août 2004 n'est pas susceptible d'entrainer une minoration du taux de perte de chance. Si le docteur C...a, le 28 février 2005, constaté le maintien de comportements tabagiques et éthylique pour lesquels un suivi médical spécifique serait bénéfique, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que M. D...n'aurait pas suivi le traitement médicamenteux prescrit après l'opération d'août 2004. En ce qui concerne le panus, il ne résulte pas non plus de l'instruction que le professeur Obadia aurait mal exécuté l'exérèse des tissus fibrineux en août 2004 et que cette exérèse serait à l'origine du développement du panus laquelle a été évaluée par l'expert de la CRCI comme étant à l'origine de 30 % de la dégradation cardiaque intervenue après l'opération d'août 2004. Dès lors, la part de responsabilité des Hospices civils de Lyon correspondant à la perte de chance pour M. D...d'éviter l'aggravation de son état cardiaque doit être fixée à 70 %. Il y a ainsi lieu de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la réparation de cette fraction des préjudices subis, ceci hors frais liés aux expertises qui doivent être mis en totalité à la charge des Hospices civils de Lyon. Toutefois, et dès lors que la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône ne demande qu'à être indemnisée qu'à hauteur de 42 %, il y a lieu de limiter cette indemnisation pour ladite caisse à ces 42 %.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de la faute précitée dans le choix de cette prothèse, les consorts D...et la caisse primaire d'assurance maladie sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions indemnitaires.

Sur les préjudices de M. L...D...et des consorts D...et sur les droits de la CPAM de la Haute-Saône :

Quant aux pertes de revenus salariaux de M. D...avant son décès :

10. Les consorts D...font valoir l'existence d'une perte de revenus salariaux pour M. D...à hauteur de 5 795 euros entre juin 2007 et juin 2008. Toutefois, après les mesures d'instruction menées par la cour sur les revenus de remplacement ayant pu être perçus par ce dernier, le quantum d'une telle somme n'est pas établi et il n'est pas justifié d'une autre somme inférieure. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées au titre de ce chef de préjudice doivent être rejetées.

Quant aux déficits fonctionnels :

11. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu des descriptifs figurant dans le rapport de l'expert de la CRCI sur l'état de santé de M. D...à l'occasion de ses hospitalisations et après celles-ci, il y a lieu de fixer à 16 euros le montant journalier de son déficit fonctionnel temporaire. Eu égard aux 16 jours de déficit fonctionnel temporaire total en lien avec l'aggravation de son état cardiaque, aux 161 jours comptabilisés par l'expert de la CRCI sur un déficit fonctionnel temporaire de 25 % et aux 541 jours durant lesquels M. D...a subi un déficit fonctionnel temporaire de 10 %, il sera fait une juste appréciation de tels chefs de préjudice en évaluant l'indemnisation à la somme arrondie de 2 414 euros et à mettre, compte tenu du taux de perte de chance imputable au centre hospitalier, 70 % de cette somme soit en arrondi 1 700 euros à la charge des Hospices civils de Lyon au profit de l'ensemble des ayant-droits de M. L...D....

Quant aux souffrances endurées :

12. Il résulte de l'instruction que l'expert de la CRCI a fixé à 2,5 sur une échelle de 7 les souffrances subies par M. D...en lien avec la faute commise par le centre hospitalier. Eu égard aux éléments mentionnés dans ce rapport et non contestés relatifs à des essoufflements importants ainsi qu'à des difficultés à se mouvoir à raison de cette aggravation cardiaque, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à 3 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 70 %, il y a lieu de mettre à la charge des hospices civils de Lyon 70 % de cette somme, soit 2 100 euros au profit de l'ensemble des ayant-droits de M. L...D....

Quant aux frais liés à l'expertise :

13. Les consorts D...produisent différents justificatifs sur les frais de déplacement, de transports et de repas ayant été générés par leur participation à l'expertise de la CRCI. Il y a lieu de mettre à la charge des hospices civils de Lyon 100 % des sommes demandées et justifiées soit 330,40 euros. La somme relative aux frais de copie, soit 65,90 euros, doit également être mise en totalité à la charge du même centre hospitalier. Par suite, les hospices civils de Lyon doivent être condamnés à verser un cinquième (1/5e) de cette somme de 396,30 euros soit 79,26 euros à chacun des consortsI....

Quant aux frais d'obsèques :

14. Compte tenu des factures figurant au dossier relatives à l'enterrement de M. D... ainsi que les frais annexes à celui-ci lesquels sont en lien avec la faute commise par les hospices civils de Lyon, il y a lieu de retenir la somme de 2 887,99 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 70 %, il y a lieu de mettre à la charge des hospices civils de Lyon 70 % de cette somme soit une somme arrondie à 2 021 euros. Par suite, les hospices civils de Lyon doivent être condamnés à verser un cinquième (1/5e) de cette somme de 2 021 euros soit 404,20 euros à chacun des consortsI....

Quant au préjudice d'accompagnement :

15. Les hospices civils de Lyon contestent l'existence d'un tel chef de préjudice en l'absence de bouleversements de leurs conditions d'existence faute de résidence partagée entre les consorts D...et M.D.... Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment des éléments relevés par l'expert de la CRCI, non contestés, par les hospices civils de Lyon que M. D... a notamment résidé chez sa soeur Elisabeth en région parisienne lors de ses hospitalisations au centre hospitalier Henri Mondor entre septembre et novembre 2008 lesquelles étaient en lien avec le caractère inadapté du diamètre de la prothèse posée le 17 août 2004 par le service de chirurgie cardiaque de l'hôpital Louis Pradel. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'accompagnement ainsi subi par cette dernière en le fixant à 1 000 euros. En ce qui concerne les demandes des autres requérants, un tel chef de préjudice n'est pas établi par les pièces du dossier. Compte tenu du taux de perte de chance de 70 %, il y a ainsi lieu de fixer à 700 euros la somme ainsi due par les hospices civils de Lyon en réparation de ce chef de préjudice à la soeur de M.D..., Mme J...D....

Quant aux préjudices d'affection :

16. Dans les circonstances de l'espèce, et alors que M. D...ne vivait pas en permanence avec les différents membres de sa famille, il sera fait une juste appréciation des préjudices d'affection subis respectivement par la mère et le père de M. D...en évaluant à 8 000 euros chacun la somme ainsi due. En ce qui concerne les deux frères et la soeur de M. D..., il sera fait une juste appréciation d'un tel chef de préjudice en l'estimant à 6 000 euros chacun. Compte tenu du taux de perte de chance de 70 %, il y a ainsi lieu de fixer respectivement les sommes dues par les hospices civils de Lyon à 5 600 euros pour la mère de M.D..., à 5 600 euros pour son père et à 4 200 euros pour chacun de ses frères et soeur en réparation de ce chef de préjudice.

17. Il résulte de ce qui précède que les Hospices civils de Lyon doivent être condamnés à payer aux consortsI..., en leur qualité d'ayant-droits de M. L...D...la somme totale de 3 800 euros, à M. A...D...la somme de 6 083,46 euros, à Mme G...D...la somme de 6 083,46 euros, à M. B...D...la somme de 4 683,46 euros, à M. E...D...la somme de 4 683,46 euros et Mme J...D...la somme de 5 383,46 euros.

Quant aux débours de la CPAM :

18. Contrairement à ce que soutiennent les hospices civils de Lyon, la production de l'attestation d'imputabilité produite par la caisse est suffisante pour justifier du montant des débours et du lien de causalité avec l'aggravation de l'état cardiaque après août 2004 imputable à la faute commise par le centre hospitalier. Comme déjà indiqué, la caisse ne demandant qu'un remboursement de ses débours à hauteur de 42 %, il y a lieu de mettre à la charge des hospices civils de Lyon une somme de 30 788,32 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

19. La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 30 788,32 euros les intérêts à compter de la date de réception de son premier mémoire au greffe du tribunal administratif, soit le 2 septembre 2014. Compte tenu de la demande de capitalisation des intérêts formulée, pour la première fois, en appel par requête du 11 mai 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône a droit à la capitalisation des intérêts à compter du 11 mai 2017 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

20. Compte tenu du montant fixé par l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif à l'indemnité forfaitaire de gestion, il y a lieu de fixer à 1 080 euros la somme due par les Hospices civils de Lyon à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône au titre de cette indemnité forfaitaire de gestion.

21. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu par suite d'annuler le jugement attaqué du tribunal administratif et de condamner les Hospices civils à payer aux consortsI..., en leur qualité d'ayant-droits de M. L...D...la somme totale de 3 800 euros, à M. A...D...la somme de 6 083,46 euros, à Mme G...D...la somme de 6 083,46 euros, à M. B...D...la somme de 4 683,46 euros, à M. E...D...la somme de 4 683,46 euros et Mme J...D...la somme de 5 383,46 euros. Il y a lieu également de condamner les Hospices civils de Lyon à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône une somme de 30 788,32 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2014 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 11 mai 2017 puis à chaque échéance annuelle ultérieure, ainsi qu'une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les frais liés au litige :

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des Hospices Civils de Lyon, partie perdante, la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par les consorts D...et non compris dans les dépens. Il y a également lieu de mettre à la charge des Hospices Civils de Lyon, partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1403113 du 14 mars 2017 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les Hospices civils de Lyon verseront globalement à M. A...D..., à Mme G...D..., à M. B...D..., à M. E... D... et à Mme J...D..., en leur qualité d'ayant-droits de M. L...D..., une indemnité de 3 800 euros.

Article 3 : Les Hospices civils de Lyon verseront à M. A...D..., à Mme G...D..., à M. B...D..., à M. E... D... et à Mme J...D...des indemnités respectives de 6 083,46 euros, de 6 083,46 euros, de 4 683,46 euros, de 4 683,46 euros et de 5 383,46 euros.

Article 4 : Les Hospices civils de Lyon verseront à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône une somme de 30 788,32 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2014. Les intérêts échus à la date du 11 mai 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts. Ils lui verseront également une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 5 : Les Hospices civils de Lyon verseront aux consorts D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative une somme globale de 2 000 euros.

Article 6 : Les Hospices civils de Lyon verseront à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à Mme G...D..., à M. B...D..., à M. E... D... et à Mme J...D..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône et aux Hospices civils de Lyon.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président de la formation de jugement,

Mme Cottier, premier conseiller,

Mme Caraës, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

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N° 17LY02009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02009
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BDL AVOCATS - ME BARIOZ ET ME PHILIP DE LABORIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-04;17ly02009 ?
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