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25/06/2019 | FRANCE | N°17LY02094

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 25 juin 2019, 17LY02094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Saint-Pierre-d'Albigny à lui verser des indemnités d'un montant de 20 000 euros en réparation du préjudice moral ayant résulté de faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime dans l'exercice de ses fonctions, assortie des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 14 février 2014.

Par un jugement n° 1404830 du 28 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Sai

nt-Pierre-d'Albigny à verser à Mme B...la somme de 3 000 euros et a rejeté le surplus ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Saint-Pierre-d'Albigny à lui verser des indemnités d'un montant de 20 000 euros en réparation du préjudice moral ayant résulté de faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime dans l'exercice de ses fonctions, assortie des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 14 février 2014.

Par un jugement n° 1404830 du 28 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Saint-Pierre-d'Albigny à verser à Mme B...la somme de 3 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

I. Par une requête, enregistrée le 24 mai 2017 et un mémoire non communiqué enregistré le 27 mars 2019 sous le n° 17LY02094, MmeB..., représentée par Me Bracq, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 mars 2017 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a limité la condamnation prononcée à l'encontre de la commune de Saint-Pierre-d'Albigny ;

2°) de condamner la commune de Saint-Pierre-d'Albigny au versement d'une somme de 33 661,20 euros en réparation de l'intégralité des préjudices subis, outre intérêts au taux légal à compter du 14 février 2014, eux-mêmes capitalisés pour produire intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Pierre-d'Albigny une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a reconnu l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral ;

- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en limitant le montant de la condamnation à la somme de 3 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2019, la commune de Saint-Pierre-d'Albigny, représentée par Me Clabaut-Baghdasarian, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- c'est à tort que le tribunal administratif a reconnu l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral ;

- le jugement attaqué méconnaît le jugement du 13 mars 2014 du même tribunal qui n'avait pas reconnu les faits de harcèlement ;

- les préjudices allégués ne sont pas justifiés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 17LY02113, le 29 mai 2017 et un mémoire non communiqué, enregistré le 28 mars 2019, la commune de Saint-Pierre-d'Albigny, représentée par Me Clabaut-Baghdasarian, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 mars 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a reconnu l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral qu'elle contestait ;

- le jugement attaqué méconnaît le jugement du 13 mars 2014 du même tribunal qui n'avait pas reconnu les faits de harcèlement ;

- les préjudices allégués ne sont pas justifiés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2019, et un mémoire non communiqué enregistré le 27 mars 2019, MmeB..., représentée par Me Bracq, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Pierre-d'Albigny, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- les observations de Me C... substituant Me Bracq, avocat, représentant MmeB... et celles de Me Clabaut-Baghdasarian, avocat, représentant la commune de Saint-Pierre d'Albigny.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., brigadier de police municipale titulaire en poste à la commune de Saint-Pierre-d'Albigny depuis 2003 a, par courrier du 12 février 2014, demandé à être indemnisée du préjudice que lui a causé le harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime de 2007 à 2012. Par jugement du 28 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble, saisi par MmeB..., a condamné la commune de Saint-Pierre-d'Albigny à lui verser une somme de 3 000 euros, augmentée des intérêts légaux et des intérêts des intérêts, au titre de ce préjudice et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

2. Par une requête n° 17LY02094, Mme B...relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à la somme de 3 000 euros l'indemnité qu'il lui a allouée.

3. Par une requête n° 17LY02113, la commune de Saint-Pierre-d'Albigny demande l'annulation de ce même jugement.

Sur la jonction :

4. Les deux requêtes mentionnées aux points 2 et 3 ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par le même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires modifiée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " .

6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Mme B...soutient avoir notamment fait l'objet depuis 2007 et jusqu'en 2012 d'un avertissement injustifié le 8 juillet 2011, annulé par jugement du 18 février 2014 du tribunal administratif de Grenoble, de brimades, d'une absence d'évolution professionnelle, de critiques vexatoires, et de tentatives d'intimidation de la part des deux maires de la commune qui se sont succédés, qui l'auraient contrainte à exercer ses fonctions professionnelles dans des conditions matérielles très dégradées. Elle estime que ces agissements trouvent notamment leur cause dans le témoignage qu'elle a produit en 2010 à l'occasion d'une procédure contre la commune, de l'un de ses agents.

8. D'une part et en premier lieu, l'avertissement qui a été infligé à MmeB..., annulé par le tribunal administratif de Grenoble pour un simple vice de procédure, avait pour seul objet de sanctionner un manquement de l'intéressée à ses obligations professionnelles et ne peut être regardé comme procédant d'une situation de harcèlement moral.

9. En deuxième lieu, comme l'a jugé le tribunal administratif de Grenoble par un jugement définitif du 13 mars 2014, l'arrêté du 12 juillet 2011 par lequel le maire de Saint-Pierre-d'Albigny a décidé de concéder à Mme B...un logement pour utilité de service moyennant le versement d'une redevance, alors qu'elle bénéficiait jusque là de la gratuité de ce logement, n'a pas été pris pour des motifs étrangers au service.

10. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B...aurait fait l'objet de critiques de la part du maire ou de ses supérieurs hiérarchiques en raison de son orientation sexuelle, ni que le rapport qu'elle a rédigé en faveur de l'ancienne responsable des ressources humaines en conflit avec la commune aurait conduit à des mesures de représailles à son encontre.

11. Enfin, les circonstances qu'elle n'a bénéficié que d'une seule clé pour un local qu'elle utilisait et que le système informatique et le véhicule de police ont connu des dysfonctionnements ou des pannes ne peuvent, en tout état de cause, être regardés comme susceptibles de s'inscrire dans un processus de harcèlement moral.

12. D'autre part, les attestations produites, qui émanent de l'ancienne directrice générale des services et de l'ancienne responsable des ressources humaines, qui font part des difficultés qu'elles ont rencontrées dans leur exercice professionnel en raison, notamment, de l'attitude du maire à leur égard, exposent, sans faire référence à des situations précises et datées, que Mme B... aurait fait l'objet de remarques vexatoires et d'humiliations de la part de l'autorité hiérarchique et qu'elle aurait dû supporter une charge de travail incohérente et trop importante.

13. Il n'est pas contesté que Mme B...a dû, en période estivale, effectuer des heures supplémentaires et a subi des changements de ses plannings d'activité. De telles contraintes, qui ont présenté un caractère ponctuel et sont justifiées par les nécessités du service, ne peuvent suffire à caractériser une situation de harcèlement moral, alors qu'il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que les consignes qui lui ont été données par son supérieur hiérarchique, dont le caractère vexatoire ou humiliant allégué n'est nullement établi, ont excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

14. Par ailleurs, les commentaires peu amènes qui ont accompagné la notation de Mme B... pour l'année 2007 et les propos tenus par le maire au cours d'un entretien qui s'est déroulé le 24 décembre 2010, pour regrettables qu'ils soient, ont présenté un caractère ponctuel.

15. Alors même que Mme B...n'a pas bénéficié d'une promotion de grade, qui n'est pas de droit, et qu'elle a fait l'objet d'arrêts de travail récurrents et d'hospitalisations pour troubles dépressifs au cours de sa période d'emploi à Saint-Pierre-d'Albigny, les situations rapportées ci-dessus ne peuvent, considérées isolément ou dans leur ensemble, être regardées comme pouvant laisser présumer qu'elle a été victime d'une situation de harcèlement moral.

16. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la commune de Saint-Pierre-d'Albigny est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser à Mme B...une indemnité de 3 000 euros en réparation des préjudices qui ont résulté pour elle du harcèlement moral dont elle soutenait avoir été victime et, d'autre part, que tant la requête d'appel que la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Pierre-d'Albigny, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par MmeB.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...le paiement des frais exposés par la commune de Saint-Pierre-d'Albigny au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1404830 du 28 mars 2017 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La requête n° 17LY02094 de Mme B...ainsi que la demande qu'elle a présentée devant le tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Pierre-d'Albigny présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et à la commune de Saint-Pierre-d'Albigny.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 juin 2019.

2

N°s 17LY02094, 17LY02113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02094
Date de la décision : 25/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELAS LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-25;17ly02094 ?
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