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20/06/2019 | FRANCE | N°19LY00314

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 20 juin 2019, 19LY00314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association tutélaire des pays de l'Ain (ATPA), agissant en qualité de tuteur de M. D... A..., majeur protégé, a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays dans lequel il apporterait la preuve de son admissibilité et d'autre part, à supposer qu'une telle décision ait été prise, d'annuler la décisi

on du même jour lui faisant interdiction de circulation sur le territoire franç...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association tutélaire des pays de l'Ain (ATPA), agissant en qualité de tuteur de M. D... A..., majeur protégé, a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2018 par lequel le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays dans lequel il apporterait la preuve de son admissibilité et d'autre part, à supposer qu'une telle décision ait été prise, d'annuler la décision du même jour lui faisant interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1807757 du 15 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 16 octobre 2018.

Procédure devant la cour

I°) Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2019 sous le n° 19LY00314, le préfet de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 janvier 2019 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de l'association tutélaire des pays de l'Ain.

Il soutient que :

- M. A...est un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et c'est à tort que le tribunal administratif a fait application des principes applicables aux ressortissants de pays tiers ; il a, en outre, fait une application erronée de l'article 28 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ;

- les moyens invoqués en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2019, l'association tutélaire des pays de l'Ain (ATPA), agissant en qualité de tuteur de M. D... A..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 janvier 2019 en ce qu'il a rejeté ses conclusions présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions au titre des frais liés au litige d'appel.

Elle fait valoir que :

- les informations concernant son état de santé ainsi que les renseignements sur la situation personnelle et familiale de M. A...ont été obtenues en méconnaissance de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique et devront être écartées des débats ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la décision portant obligation de quitter le territoire français était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. A...est totalement dépendant, qu'il ne pourra bénéficier d'aucune pension d'invalidité dans son pays d'origine et que sa famille réside en France ; de surcroît, cette décision a été prise en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- par ailleurs, cette décision est insuffisamment motivée et a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également l'article 3 ainsi que les dispositions combinées des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en ce qu'elle repose sur une décision portant obligation de quitter le territoire français illégale ;

- cette décision méconnaît également l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

L'association tutélaire des pays de l'Ain (ATPA), agissant en qualité de tuteur de M. D... A..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 juin 2019.

II°) Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2019 sous le n° 19LY00317, le préfet de l'Ain demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1807757 du 15 janvier 2019 du tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que le moyen qu'il invoque est sérieux et de nature à justifier l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2019, l'association tutélaire des pays de l'Ain (ATPA), agissant en qualité de tuteur de M. D... A..., représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 janvier 2019 en ce qu'il a rejeté ses conclusions présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions au titre des frais liés au litige d'appel.

Elle reprend au soutien de ses conclusions les mêmes moyens que ceux développés dans l'affaire n° 19LY00314.

Un mémoire, enregistré le 24 mai 2019, présenté par le préfet de l'Ain n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/38/CE du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, premier conseiller,

- les observations de MeC..., représentant l'association tutélaire des pays de l'Ain, agissant en qualité de tuteur de M. D... A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par sa requête n° 19LY00314, le préfet de l'Ain relève appel du jugement du 15 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, à la demande de l'association tutélaire des pays de l'Ain (ATPA), agissant en qualité de tuteur de M.A..., majeur protégé, annulé ses décisions du 16 octobre 2018 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination en cas d'éloignement forcé. Par sa requête n° 19LY00317, le préfet demande le sursis à exécution de ce jugement.

2. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes dirigées contre le même jugement pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 19LY00314 :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal :

3. M.A..., né en 1977, de nationalité roumaine, est entré en France, selon ses déclarations, dans le courant de l'année 2010, avec sa compagne et leur fils aîné. Leur deuxième fils est né sur le territoire français et la famille a résidé en France jusqu'en 2017. L'intéressé, connu défavorablement des services de police et de justice français, notamment pour des faits de vol commis en 2013, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, prise par le préfet du Rhône le 26 mars 2013, qu'il n'a pas exécutée. Le 8 janvier 2014, lors d'une tentative de vol de cuivre dans un transformateur électrique, M. A...a été victime d'une électrisation à haut voltage. Il a subi des brûlures profondes et a été pris en charge en service de réanimation d'un centre hospitalier de Lyon jusqu'au 2 décembre 2014, date à laquelle il a été transféré au centre de rééducation fonctionnelle d'Orcet-Mangini dans l'Ain. M. A...a été amputé du bras gauche au niveau de l'épaule, il est tétraplégique du fait de la destruction de la moelle épinière cervicale et est totalement paralysé des membres inférieurs avec un usage très limité du bras droit. Le certificat médical du 20 août 2014 qu'il produit évoque également une insuffisance respiratoire chronique, une cataracte bilatérale très prononcée et une détresse morale majeure. Le certificat médical du 29 avril 2016 atteste qu'il est totalement dépendant et a besoin d'aide pour tous les actes de la vie quotidienne. Dans ces conditions, le juge des tutelles du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse l'a placé sous tutelle le 28 mai 2015 pour une durée de 60 mois. Initialement assurée par son beau-frère, cette tutelle a été transférée à l'ATPA par ordonnance du 24 janvier 2017.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures de première instance de cette association tutélaire, que l'état de santé de M. A...ne nécessite plus de rééducation mais que l'intéressé a été maintenu dans les services du centre de rééducation fonctionnelle d'Orcet-Mangini dans l'attente d'une solution d'hébergement. L'association tutélaire ne produit à l'instance aucun élément de nature à établir, à la date de la décision d'éloignement en litige, la nature et la réalité des soins que l'état de handicap de M. A...requiert. Elle n'établit pas davantage que ce dernier ne pourrait pas bénéficier d'un suivi et d'une assistance dans son pays d'origine.

5. Par ailleurs, l'intéressé a déclaré, lors de son audition du 3 octobre 2018 par les services de gendarmerie, que sa compagne et ses enfants résidaient en Roumanie. La production d'un certificat de scolarité de son fils Constantin, daté du 3 décembre 2018, soit postérieurement à la date de la décision contestée, ne suffit pas à établir que sa compagne résidait en France à la date de la décision en litige ni, en tout état de cause, qu'elle y disposait d'un droit au séjour dans les conditions prévues par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, même si la belle-soeur et le beau-frère de M. A...résident en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M.A..., pour annuler son arrêté du 16 octobre 2018.

7. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par l'ATPA tant devant le tribunal que devant elle.

En ce qui concerne l'étendue du litige :

8. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté du 16 octobre 2018 que le préfet de l'Ain n'a pas assorti sa décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, prise sur le fondement du 1° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une décision d'interdiction de circulation et ce, malgré les mentions portées par erreur sur l'une des fiches de notification de cette décision à M. A... et à son tuteur. Par suite, et ainsi que l'opposait le préfet de l'Ain en première instance, les conclusions en annulation d'une décision portant interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée de deux ans sont irrecevables et doivent être rejetées.

9. En second lieu, le recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision ayant refusé d'accorder à l'étranger concerné un délai de départ volontaire ou ayant refusé de lui accorder un délai supérieur à trente jours conserve un objet alors même que l'intéressé n'aurait pas exécuté, immédiatement ou dans le délai qui lui était imparti, l'obligation de quitter le territoire français pris à son encontre. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de l'Ain ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M.A... :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

10. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; (...) L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) ".

11. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par M.B..., directeur de la citoyenneté et de l'intégration, qui a reçu délégation à cet effet par arrêté du préfet de l'Ain du 27 août 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 30 août 2018.

12. En deuxième lieu, la décision en litige qui fait état des conditions d'entrée et de séjour en France de M.A..., mentionne que ce dernier n'exerce pas d'activité professionnelle, ne dispose pas d'un logement personnel stable ni de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale et que l'intéressé ne remplit aucune des conditions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un droit au séjour en France. Cette décision, qui fait mention de l'état de santé de M. A...ainsi que de sa situation familiale, est par suite suffisamment motivée en fait.

13. En troisième lieu, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative doit, avant de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, tenir compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation et notamment son état de santé. L'autorité préfectorale ne peut toutefois, pour procéder à cette appréciation, se fonder sur des éléments couverts par le secret médical, qui n'auraient pas été portés à sa connaissance par la personne concernée, sauf si un intérêt public le justifie.

14. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Ain a été destinataire, le 8 août 2018, d'un courrier électronique du directeur du centre de rééducation d'Orcet-Mangini lui communiquant des informations relatives à la fréquence des visites faites à M. A...par sa famille ou ses amis ainsi qu'une copie de son certificat de naissance et de son passeport. Y était joint un certificat médical du même jour attestant que M. A...peut voyager sans risque vers son pays d'origine et prescrivant un certain nombre de mesures à prendre compte tenu de son handicap. Si le préfet de l'Ain ne pouvait fonder sa décision sur ces éléments, qui sont soit relatifs à la vie privée de M. A...soit couverts par le secret médical, cette circonstance n'est pas de nature, par elle-même à affecter la régularité de la décision en litige.

15. Toutefois, l'ATPA n'ayant pas donné son accord pour que ce courrier électronique et ce certificat médical soient soumis au débat contradictoire, la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être appréciée au regard de ces pièces.

16. Il est cependant constant que M.A..., qui séjourne en France depuis plus de trois mois, n'exerce pas d'activité professionnelle en France et ne dispose pas des ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ni d'une assurance maladie. Il ne remplit pas davantage les autres conditions posées à l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte qu'il ne peut prétendre, sur le fondement de ces dispositions, à aucun droit au séjour en France. Par ailleurs, eu égard aux conditions de son entrée et de son séjour en France, rappelées aux points 3, 4 et 5 du présent arrêt et à la circonstance que l'ATPA n'établit pas que M. A...ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge de son handicap en Roumanie, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 14 de cette même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ".

18. L'ATPA soutient que M. A...est lourdement handicapé et dans l'incapacité d'occuper un emploi de sorte que le préfet ne pouvait lui opposer son absence de ressources pour prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans méconnaître l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 8 de la même convention. Cependant, ainsi qu'il a déjà été dit, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour de M. A...rappelées aux points 3, 4 et 5 du présent arrêt et à la circonstance que l'ATPA n'établit pas que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge de son handicap en Roumanie, où il est pas dépourvu d'attaches familiales, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'ATPA ne peut dès lors soutenir, que cette décision priverait M. A...de la jouissance de ce droit en raison de son handicap et qu'elle serait par suite contraire à l'article 14 de cette même convention.

19. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 de ce code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".

20. Ainsi qu'il a déjà été dit, ni M.A..., entendu par les services de la gendarmerie nationale le 3 octobre 2018, ni sa tutrice, entendue le 5 octobre suivant, n'ont fait état d'éléments qui auraient été de nature à faire obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre. Dans ces conditions, le préfet de l'Ain n'était pas tenu de mettre en oeuvre la procédure de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 de ce code dès lors que l'ATPA ne fait plus état d'aucune prise en charge médicale de M. A...à la date de la décision en litige, et n'établit en tout état de cause pas, qu'il ne pourrait pas bénéficier d'une assistance en Roumanie.

21. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays à destination duquel M. A...pourra être éloigné en cas d'exécution d'office. Il ne peut pas non plus être utilement soutenu que les conditions dans lesquelles cette décision a été notifiée seraient irrégulières dans la mesure où les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa régularité.

En ce qui concerne le refus d'accorder un délai de départ volontaire :

22. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) ".

23. En premier lieu, la décision en litige fait état de ce que M. A...se trouve en situation irrégulière en France depuis de nombreuses années, qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement, qu'il ne justifie d'aucune ressource financière et que son maintien sur le territoire, compte tenu de son état de santé, constitue une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale. Le préfet, qui en a déduit qu'il y avait urgence à éloigner l'intéressé, a suffisamment motivé sa décision en fait.

24. En second lieu, pour les motifs énoncés au point 4, et alors que l'ATPA se borne à faire valoir que M. A...ne représente plus une menace pour l'ordre public et que son maintien sur le territoire n'est pas de son fait mais résulte de son impossibilité de se déplacer, c'est sans erreur d'appréciation et sans méconnaître les dispositions citées au point 22 que le préfet de l'Ain a estimé que l'intéressé devait être éloigné sans délai.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

25. En premier lieu, les moyens développés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas fondés, l'ATPA n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de cette décision pour en déduire celle de la décision fixant le pays de destination en cas d'éloignement forcé.

26. En second lieu, l'ATPA n'établit pas que l'état de dépendance de M. A...ne pourrait pas être pris en charge dans son pays d'origine. Elle ne fait dès lors état d'aucun risque de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour en Roumanie. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

27. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 16 octobre 2018. Par suite, ce jugement doit être annulé et la demande de l'ATPA, agissant en qualité de tuteur de M.A..., devant le tribunal administratif de Lyon doit être rejetée et ce, y compris, les conclusions présentées au titre des frais liés au litige de première instance.

Sur la requête n° 19LY00317 :

28. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 1807757 du 15 janvier 2019 du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 19LY00317 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

29. L'ATPA, partie perdante, n'est pas fondée à demander qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19LY00317.

Article 2 : Le jugement n° 1807757 du 15 janvier 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 3 : La demande présentée par l'ATPA, agissant en qualité de tuteur de M.A..., devant le tribunal administratif de Lyon ainsi que ses conclusions d'appel présentées au titre des frais du litige sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à l'association tutélaire des pays de l'Ain, tuteur de M. D...A...et au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

2

Nos 19LY00314, 19LY00317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19LY00314
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : DACHARY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-20;19ly00314 ?
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