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20/06/2019 | FRANCE | N°18LY00226

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 20 juin 2019, 18LY00226


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 4 juillet 2014 par laquelle la garde des Sceaux, ministre de la justice a prononcé la prolongation de son placement à l'isolement jusqu'au 30 septembre 2014.

Par un jugement n° 1408497 du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2018, M.B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annul

er le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 septembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 4 juillet 2014 par laquelle la garde des Sceaux, ministre de la justice a prononcé la prolongation de son placement à l'isolement jusqu'au 30 septembre 2014.

Par un jugement n° 1408497 du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2018, M.B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 septembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 4 juillet 2014 de la garde des Sceaux, ministre de la justice ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière en ce que les mentions dans le système d'information du suivi de l'instruction sur le sens des conclusions du rapporteur public n'étaient pas suffisamment précises et ne respectaient pas les exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- le jugement n'est pas signé ;

- la décision le plaçant d'office à l'isolement le 30 juin 2014 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence d'un débat contradictoire ; la décision du 4 juillet 2014, qui ne peut s'analyser indépendamment de la décision du 30 juin 2014, n'a pas davantage été précédée d'un tel débat ;

- l'avis écrit du médecin et l'avis du juge de l'application des peines, produits en cours de procédure de première instance, ne lui ont pas été communiqués antérieurement à l'édiction de la décision, méconnaissant ainsi ses droits de la défense ;

- la décision de mise à l'isolement est insuffisamment motivée au regard des exigences de motivation posées par la circulaire du 14 avril 2011 s'agissant de l'impact de la mesure sur l'état psychique de la personne détenue ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et constitue une sanction déguisée pour des faits commis dans d'autres centres pénitentiaires alors qu'aucun comportement fautif ne peut lui être reproché au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux ;

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 4 juillet 2014, la garde des Sceaux, ministre de la justice a prolongé jusqu'au 30 septembre 2014, le placement à l'isolement de M. B..., incarcéré depuis le 10 février 2010 et transféré au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse le 30 juin 2014. Par un jugement du 26 septembre 2017, dont M. B...relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. "

3. M. B...soutient que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière en ce que les mentions portées dans le système informatique de suivi de l'instruction sur le sens des conclusions du rapporteur public n'étaient pas suffisamment précises. Toutefois, en indiquant aux parties, préalablement à l'audience qu'il conclurait au " rejet au fond " de la demande de première instance de l'intéressé, le rapporteur public du tribunal les a informées des éléments du dispositif qu'il comptait proposer à la formation de jugement d'adopter, d'une manière suffisamment précise pour satisfaire aux exigences de l'article R. 711-3 précité.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle du greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier, faute d'avoir été régulièrement signé, manque en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. D'une part, aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu'après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. L'isolement ne peut être prolongé au-delà d'un an qu'après avis de l'autorité judiciaire. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-64 de ce code : " Lorsqu'une décision d'isolement d'office initial ou de prolongation est envisagée, la personne détenue est informée, par écrit, des motifs invoqués par l'administration, du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations. Le délai dont elle dispose ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat, si elle en fait la demande. Le chef d'établissement peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue et à son avocat les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires. / Si la personne détenue ne comprend pas la langue française, les informations sont présentées par l'intermédiaire d'un interprète désigné par le chef d'établissement. Il en est de même de ses observations, si elle n'est pas en mesure de s'exprimer en langue française. / Les observations de la personne détenue et, le cas échéant, celles de son avocat sont jointes au dossier de la procédure. Si la personne détenue présente des observations orales, elles font l'objet d'un compte rendu écrit signé par elle. / Le chef d'établissement, après avoir recueilli préalablement à sa proposition de prolongation l'avis écrit du médecin intervenant à l'établissement, transmet le dossier de la procédure accompagné de ses observations au directeur interrégional des services pénitentiaires lorsque la décision relève de la compétence de celui-ci ou du ministre de la justice. / La décision est motivée. Elle est notifiée sans délai à la personne détenue par le chef d'établissement. ".

7. D'autre part, aux termes de l'article R. 57-7-65 du code de procédure pénale : " En cas d'urgence, le chef d'établissement peut décider le placement provisoire à l'isolement de la personne détenue, si la mesure est l'unique moyen de préserver la sécurité des personnes ou de l'établissement. Le placement provisoire à l'isolement ne peut excéder cinq jours. / A l'issue d'un délai de cinq jours, si aucune décision de placement à l'isolement prise dans les conditions prévues par la présente sous section n'est intervenue, il est mis fin à l'isolement. / La durée du placement provisoire à l'isolement s'impute sur la durée totale de l'isolement. ". Aux termes de l'article R. 57-7-68 de ce code : " Lorsque la personne détenue est à l'isolement depuis un an à compter de la décision initiale, le ministre de la justice peut prolonger l'isolement pour une durée maximale de trois mois renouvelable. / La décision est prise sur rapport motivé du directeur interrégional saisi par le chef d'établissement selon les modalités de l'article R. 57-7-64. / L'isolement ne peut être prolongé au-delà de deux ans sauf, à titre exceptionnel, si le placement à l'isolement constitue l'unique moyen d'assurer la sécurité des personnes ou de l'établissement. / Dans ce cas, la décision de prolongation doit être spécialement motivée. ".

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par une décision du 30 juin 2014, le directeur du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, où M. B...venait d'être transféré, a pris à l'encontre de l'intéressé une mesure de placement provisoire à l'isolement pour une durée de cinq jours. Dès lors que cette décision ne constitue pas la base légale de la décision du 4 juillet 2014 contestée par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a décidé la prolongation de son placement à l'isolement et que la décision du 4 juillet 2014, seule contestée dans la présente instance, n'a pas été prise pour l'application de la décision du 30 juin 2014 prononçant son placement provisoire à l'isolement, le moyen tiré de l'illégalité de cette dernière décision en ce qu'elle n'aurait pas été précédée d'une procédure contradictoire est inopérant.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B...a été informé, le 30 juin 2014, de l'intention de l'administration pénitentiaire de proposer une prolongation de son isolement. L'intéressé a alors déclaré vouloir se faire assister ou représenter par un avocat et vouloir présenter des observations orales. Le même jour, son avocat a été invité à l'assister lors de l'audience le 2 juillet 2014. L'absence de ce dernier, qui avait fait part de son indisponibilité à l'administration pénitentiaire, n'a pas fait obstacle à ce que M. B...puisse présenter ses observations orales ainsi qu'il en ressort du compte-rendu de l'audience du 2 juillet 2014. Le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit donc être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-73 du code de procédure pénale : " Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures de prolongation, il est tenu compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité ou de sa vulnérabilité particulière, et de son état de santé. / L'avis écrit du médecin intervenant dans l'établissement est recueilli préalablement à toute proposition de renouvellement de la mesure au-delà de six mois et versé au dossier de la procédure. ". Aux termes de l'article R. 57-7-78 du même code : " (...) Lorsque l'isolement est prolongé au-delà d'un an, le chef d'établissement, préalablement à la décision, sollicite l'avis du juge de l'application des peines s'il s'agit d'une personne condamnée ou du magistrat saisi du dossier de la procédure s'il s'agit d'une personne prévenue. / La personne détenue peut faire parvenir au juge de l'application des peines ou au magistrat saisi du dossier de la procédure toutes observations concernant la décision prise à son égard. (...) ".

11. S'il résulte de ces dispositions que le directeur du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse devait, préalablement à toute proposition de prolongation de l'isolement de M. B..., saisir pour avis le médecin intervenant dans l'établissement ainsi que le juge de l'application des peines, il ne résulte d'aucune autre disposition législative ou réglementaire d'obligation pour le chef d'établissement de porter à la connaissance de l'intéressé le sens des avis ainsi rendus avant de transmettre le dossier de procédure au directeur interrégional des services pénitentiaires à qui il appartenait d'établir un rapport motivé à destination du ministre.

12. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du médecin intervenant à l'unité sanitaire du centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse a été recueilli le 3 juillet 2014 et celui du juge de l'application des peines le 2 juillet 2014. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.

13. En quatrième lieu, M. B...ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 14 avril 2011 relative au placement à l'isolement des personnes détenues invitant l'administration pénitentiaire à tenir compte de l'impact de la mesure d'isolement sur l'état psychique de la personne détenue dans la mesure où ces dispositions ne présentent aucun caractère impératif. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige, qui mentionne les éléments de personnalité de l'intéressé, la nature des faits qui lui sont reprochés et l'instabilité de M.B..., que le ministre a tenu compte de la personnalité de l'intéressé et de sa dangerosité ainsi que le prévoit l'article R. 57-7-73 du code de procédure pénale précité. En l'absence de contre-indication médicale ou d'autres éléments portés à sa connaissance quant à l'état psychique de l'appelant, le ministre n'avait pas, à peine d'irrégularité, à motiver expressément sa décision sur ce point.

14. En cinquième lieu, si en application de l'article R. 57-7-65 du code de procédure pénale, la durée du placement provisoire à l'isolement s'impute sur la durée totale de l'isolement, il ne résulte pas de ces dispositions que la décision en litige, dont le terme est fixé au 30 septembre 2014 pour tenir compte de la durée du placement provisoire à l'isolement, devait prendre rétroactivement effet à compter du 30 juin 2014.

15. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que les 26 mars et 12 avril 2012, M.B..., alors détenu à la maison centrale de Clairvaux, a été trouvé en possession d'armes de confection artisanale et que le 20 juillet 2012, il a porté des coups sur un codétenu à l'aide d'une arme de même nature. La circonstance que les sanctions disciplinaires qui lui ont été infligées pour ces faits auraient été annulées ou retirées, ne remettent pas en cause, eu égard à leur motif, la matérialité des faits reprochés à l'intéressé et est donc, en tout état de cause, sans incidence sur l'appréciation de la dangerosité de M.B....

16. En septième lieu, la circonstance que les actes de violence reprochés à M. B..., en particulier l'agression commise sur un membre du personnel pénitentiaire de la maison centrale de Moulins-Yzeure le 27 juin 2014 et la prise d'otage en réunion d'un membre du personnel de surveillance du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, le 30 décembre 2013, ont été commis avant son transfert à Bourg-en-Bresse, est également sans incidence sur l'appréciation de la dangerosité de l'intéressé.

17. En huitième lieu, compte tenu des faits qui viennent d'être rappelés ainsi que de la circonstance qu'à plusieurs reprises depuis le début de son incarcération, M. B...a déjà agressé ou tenté d'agresser des codétenus et des membres du personnel pénitentiaire et qu'il a été retrouvé en possession d'armes de confection artisanale, le ministre n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en considérant que la prolongation du placement à l'isolement de l'intéressé constituait l'unique moyen d'assurer la protection des personnes et de garantir la sécurité au sein de l'établissement.

18. En dernier lieu, dès lors que la prolongation de l'isolement de M. B...est justifiée par des impératifs de sécurité, la circonstance que cette décision soit intervenue après son transfert au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse alors que les faits de violence qui lui sont reprochés sont antérieurs à ce transfert ne permet pas d'établir que cette décision aurait constitué une sanction déguisée.

19. Il résulte de tout de qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions présentées par l'intéressé sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

2

N° 18LY00226


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00226
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-20;18ly00226 ?
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