Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 21 septembre 2017 et un mémoire enregistré le 3 octobre 2018, la société civile immobilière (SCI) du Soleil, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er juin 2017 par lequel le maire de Décines-Charpieu, au nom de l'Etat, a délivré à la société en nom collectif (SNC) Lidl un permis de construire une surface commerciale de 1 939,60 m², ce permis de construire valant également permis de démolir les bâtiments existants, autorisation d'exploitation commerciale et autorisation au titre de la législation sur les établissements recevant du public, et, d'autre part, la décision du 12 septembre 2017 portant rejet de son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Décines-Charpieu et de la SNC Lidl une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le dossier de demande de permis de construire ne comporte aucune description de l'état initial du terrain et de ses abords et la notice paysagère transmise en cours d'instruction ne dit rien du traitement des espaces libres, notamment des plantations à conserver, ni de l'aménagement des accès au terrain, en méconnaissance de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;
- la présence d'un mur mitoyen devait faire l'objet de mentions spécifiques sur le mode de protection envisagée lors de la démolition du bâtiment ;
- le permis de construire aurait dû être pris par le maire au nom de la commune et pas au nom de l'Etat ;
- aucun emplacement couvert destiné aux deux roues n'est prévu, en méconnaissance de l'article 12-3UX du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le nouveau bâtiment ne respecte pas l'emprise du bâtiment démoli, en méconnaissance de l'article UX2.1.2 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le projet, en prenant en compte l'ensemble des constructions, ne respecte pas le coefficient d'emprise au sol fixé à 0,20 en zone UX ;
- le projet ne respecte pas l'article UX12.5 du règlement du plan local d'urbanisme, qui impose la plantation d'un arbre pour 4 places de stationnement, les arbres devant être répartis de façon homogène ;
- le projet autorisé doit être regardé comme une construction nouvelle et la surface des aires de stationnement est excessive au regard de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er juin 2018, la SNC Lidl, représentée par Me D... et MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la SCI du Soleil une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la cour n'est pas compétente en premier et dernier ressort pour connaître de ce litige ;
- à titre subsidiaire, la requête est irrecevable dès lors que la SCI du Soleil ne justifie pas de son intérêt à agir contre le permis de construire ;
- à titre infiniment subsidiaire, aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 août 2018, la commune de Décines-Charpieu, représentée par son maire, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la SCI du Soleil une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la cour n'est pas compétente en premier et dernier ressort pour connaître de ce litige ;
- à titre subsidiaire, la requête est irrecevable dès lors que la SCI du Soleil ne justifie pas de son intérêt à agir contre le permis de construire ;
- à titre infiniment subsidiaire, aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par un arrêt avant-dire droit du 6 décembre 2018, la cour a, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur la requête présentée par la SCI du Soleil jusqu'à l'expiration du délai de deux mois imparti à la SNC Lidl pour justifier de la délivrance d'un permis de construire modificatif régularisant l'autorisation contestée.
Le 16 avril 2019, la SNC Lidl a transmis à la cour un permis de construire délivré le 12 avril 2019 modifiant le permis de construire du 1er juin 2017.
Par un mémoire enregistré le 25 avril 2019, la SCI du Soleil conclut aux mêmes fins que sa requête et demande en outre l'annulation du permis de construire modificatif du 12 avril 2019.
Elle soutient que :
- le permis de construire modificatif étant intervenu au-delà du délai de deux mois imparti par l'arrêt avant-dire droit de la cour, le permis initial doit être annulé ;
- le dossier ne mentionne pas d'évolution de la surface de vente alors que la CDAC a été de nouveau saisie ;
- il n'est pas établi que le dossier soumis à la métropole de Lyon et à la CDAC était complet, dès lors que ce dossier a été complété le 6 mars 2019 ;
- la couverture du parc à caddies et du parking pour les deux roues est de nature à entraîner une violation des règles de prospect ;
- en outre, la surface de plancher a été modifiée, ce qui va au-delà de la mesure de régularisation imposée par le juge.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 mai 2019, la commune de Décines-Charpieu conclut aux mêmes fins.
Elle fait valoir que :
- aucune modification de la surface de vente n'a été opérée par le permis de construire modificatif ;
- le dossier soumis à la Métropole et au SDMIS était complet et lui a permis d'instruire ce dossier, les documents fournis le 6 mars à la demande de la commune n'ayant entraîné aucune modification du projet ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des règles de prospect n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;
- la couverture du parking à deux roues nécessitait une modification de l'emprise au sol du bâtiment initialement projeté mais n'a entraîné aucune modification de la surface de plancher.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 mai 2019, la SNC Lidl conclut aux mêmes fins.
Elle fait valoir que :
- l'expiration du délai imparti par le juge ne fait pas obstacle à la régularisation du permis initial ;
- si une modification minime de la surface de vente est intervenue, la CDAC a estimé que celle-ci ne nécessitait pas un nouvel avis de sa part ;
- les pièces complémentaires déposées le 6 mars 2019, qui ne portaient que sur une correction d'une erreur matérielle s'agissant de la surface de plancher, sur l'ajout d'un plan de façade et deux vues aériennes du parc à caddies, n'a pu vicier les avis rendus par la Métropole et le SDMIS ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des règles de prospect n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;
- la couverture du parking à deux roues nécessitait une modification de l'emprise au sol du bâtiment initialement projeté mais n'a entraîné qu'une modification minime de la surface de plancher et de la surface de vente.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeC..., première conseillère,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- et les observations de MmeA..., représentant la commune de Décines-Charpieu.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 1er juin 2017, le maire de Décines-Charpieu a délivré à la SNC Lidl un permis de construire une surface commerciale de 1 939,60 m², ce permis de construire valant également permis de démolir les bâtiments existants, autorisation d'exploitation commerciale et autorisation au titre de la législation sur les établissements recevant du public. La SCI du Soleil a formé un recours gracieux, le 17 juillet 2017, rejeté par une décision du 12 septembre 2017. Dans la présente instance, la SCI du Soleil demande l'annulation de ces deux décisions.
2. Par un arrêt du 6 décembre 2018, la cour, faisant application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, après avoir estimé que le vice affectant la légalité de ce permis de construire au regard des exigences de l'article UX 12.3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune était susceptible d'être régularisé par la délivrance d'un permis de construire modificatif et, pour le surplus, constaté que les autres moyens de la requête de la SCI du Soleil n'étaient pas fondés, a sursis à statuer sur cette requête jusqu'à l'expiration du délai de deux mois imparti à la SNC Lidl pour justifier de la délivrance d'un permis de construire régularisant l'autorisation contestée. Par un arrêté du 12 avril 2019, la commune de Décines-Charpieu a, pour l'exécution de cet arrêt avant-dire droit, délivré à la SNC Lidl un permis de construire modificatif de régularisation.
3. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. "
4. Lorsque le juge a fait usage de la faculté de surseoir à statuer ouverte par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, qu'un permis modificatif a été délivré et que le juge a mis fin à l'instance par un second jugement, l'auteur d'un recours contre ce jugement peut contester la légalité du permis de construire modificatif par des moyens propres et au motif que le permis initial n'était pas régularisable.
Sur la possibilité de régularisation :
5. Il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que l'expiration du délai prescrit par le juge pour procéder à la régularisation du permis de construire attaqué devant lui entacherait le permis de construire modificatif délivré dans ce cadre d'irrégularité ou ferait obstacle à ce qu'il puisse régulariser le permis initial. Par suite, s'il appartient au juge ayant sursis à statuer pour permettre cette régularisation de constater, le cas échéant, que celle-ci n'a pas été effectuée à la date à laquelle il statue de nouveau, postérieurement à l'expiration du délai prescrit par le jugement avant dire droit, et d'annuler en conséquence le permis initial, la seule circonstance que le permis de construire modificatif n'ait pas été délivré dans ce délai n'est pas de nature en elle-même à l'entacher d'irrégularité ou à faire obstacle à la régularisation du vice constaté dans le jugement avant dire droit. Le moyen tiré de ce que le permis de construire modificatif du 12 avril 2019 aurait été délivré postérieurement à l'expiration du délai de deux mois imparti le 6 décembre 2018 par la cour pour régulariser le permis délivré le 1er juin 2017 doit donc, en tout état de cause, être écarté.
Sur la légalité du permis de construire modificatif :
6. Aux termes de l'article UX 12.3 du règlement du plan local d'urbanisme : " Règle relative au stationnement des deux roues / Un local collectif ou des emplacements couverts affectés aux deux roues doivent être prévus ; leur dimension minimale doit correspondre au besoin des constructions, selon leur affectation dominante ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif porte sur l'ajout d'un parking à deux roues couvert, dont il n'est pas contesté qu'il satisfait aux dispositions de l'article UX 12.3 du règlement du plan local d'urbanisme de Décines-Charpieu précité.
8. En premier lieu, si la surface de vente et la surface de plancher ont été légèrement modifiées par rapport au permis initial, ces seules circonstances ne sont pas de nature à entacher d'illégalité le permis modificatif délivré, alors au demeurant que la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Rhône a estimé, par un courrier du 12 février 2019, que le projet modifié ne nécessitait pas de nouvel avis de sa part.
9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les pièces complémentaires déposées le 6 mars 2019 l'ont été à la demande de la commune de Décines-Charpieu et portaient sur la rectification d'une erreur matérielle sur le plan de masse s'agissant de la surface de plancher et l'ajout d'un plan de façade et de deux vues aériennes du parc à caddies et du parking à deux roues. L'absence de ces pièces lors de la consultation de la Métropole, de la CDAC et du SDMIS n'apparaît pas susceptible d'avoir exercé une quelconque influence sur le sens des avis rendus par ces autorités. Par suite la SCI du Soleil n'est pas fondée à soutenir que ces autorités auraient été consultées sur la base d'un dossier incomplet.
10. En troisième lieu, le moyen tiré de la violation des règles de prospect par le parc à caddies et le parking à deux roues n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
11. Il résulte de ce qui précède que la requête de la SCI du Soleil doit être rejetée.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Décines-Charpieu et de la SNC Lidl la somme que demande la SCI du Soleil au titre des frais exposés dans la présente instance.
13. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI du Soleil le versement à la commune de Décines-Charpieu et à la SNC Lidl d'une somme de 1 500 euros chacune au titre des frais exposés par elles dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI du Soleil est rejetée.
Article 2 : La SCI du Soleil versera à la commune de Décines-Charpieu et à la SNC Lidl une somme de 1 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Soleil, à la commune de Décines-Charpieu et à la SNC Lidl.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président de chambre,
M. Souteyrand, président-assesseur,
MmeC..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 20 juin 2019.
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N° 17LY03442