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13/06/2019 | FRANCE | N°19LY00970

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 19LY00970


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au président du tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 25 octobre 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a décidé de la transférer vers l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1807190 du 15 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 mars 2019, Mme A..., représentée par Me Huard,

avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au président du tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 25 octobre 2018 par laquelle le préfet de l'Isère a décidé de la transférer vers l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1807190 du 15 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 mars 2019, Mme A..., représentée par Me Huard, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 15 novembre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de l'admettre à déposer sa demande d'asile, à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable dès lors qu'une demande d'aide juridictionnelle a été déposée dans le mois suivant la notification du jugement attaqué et que la décision lui accordant l'aide juridictionnelle totale a été notifiée à son avocat à une adresse erronée ;

- la décision de transfert aux autorités italiennes est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale dès lors qu'elle est fondée sur le b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors que les autorités italiennes ont rejeté sa demande d'asile ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière au regard du principe du contradictoire ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement susmentionné ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du même règlement ;

- elle reprend les autres moyens de sa demande de première instance, tirés de ce qu'elle est en droit d'obtenir la communication de son dossier en application des articles L. 742-4 et L. 512-1, III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que la décision litigieuse méconnaît les dispositions des articles 4, 5, 16, 23 et 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 .

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Mme A... ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante nigériane née le 1er janvier 1984, déclare être entrée irrégulièrement en France le 12 août 2018. Le 24 août 2018, elle a demandé l'asile auprès des services de la préfecture de l'Isère. Le 25 octobre 2018, le préfet de l'Isère a décidé de la transférer vers l'Italie, État responsable, selon lui, de l'examen de sa demande d'asile. Mme A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

S'agissant de la communication par le préfet de l'intégralité du dossier de Mme A... :

2. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a communiqué au tribunal, avec son mémoire en défense, l'ensemble des pièces sur la base desquelles a été prise la décision contestée et que l'ensemble de ces productions a été communiqué au conseil de Mme A....

S'agissant de la motivation de la décision de transfert :

3. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

5. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre État membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet État, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'État en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

6. L'arrêté en litige, qui vise notamment l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, indique que " lors de sa présentation au guichet unique, les empreintes de Mme A... ont été relevées et permettent, après confrontation avec les bases de données européennes (Eurodac et Visabio), d'établir que l'intéressée a précédemment déposé une demande d'asile en Italie " et que " les autorités italiennes saisies le 1er octobre 2018 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18 paragraphe 1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 15 octobre 2018 en application des articles 22 paragraphe 7 et 25 paragraphe 2 du règlement (UE) n° 604-2013 ". Ainsi, cette décision satisfait à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 :

7. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la consultation de la plateforme Eurodac a révélé que les empreintes de Mme A... avaient été relevées le 8 juin 2011 par les autorités italiennes et qu'elle avait présenté une demande d'asile auprès de ces autorités. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette demande d'asile aurait été rejetée. Ainsi, c'est à juste titre que le préfet de l'Isère a saisi les autorités italiennes d'une requête à fin de reprise en charge sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

S'agissant de l'application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

9. Il ressort des pièces du dossier que les informations que prévoient les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ont été remises en temps utile à Mme A..., dans une langue, l'anglais, qu'elle a indiqué comprendre.

S'agissant de l'application de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

10. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : a) le demandeur a pris la fuite; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 6, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "

11. Il ressort du résumé de l'entretien individuel que Mme A... a eu le 24 août 2018 avec un agent de la préfecture que l'intéressée a bénéficié de l'assistance d'un traducteur en langue anglaise, qu'elle a déclaré comprendre. Les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 n'exigent pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené. Si la requérante allègue que cet entretien individuel n'a pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été reçue par un agent du service chargé de l'asile à la préfecture de l'Isère. Dès lors, l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et il ressort du résumé dudit entretien que Mme A... a pu faire valoir à cette occasion toutes observations utiles. Compte tenu de ces éléments, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire.

S'agissant de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

12. Mme A... a demandé l'asile le 24 août 2018 et les autorités italiennes ont été saisies d'une demande aux fins de reprise en charge du 1er octobre 2018, soit dans le délai de deux mois prévu par l'article 23 du règlement (UE) n°604/2013.

S'agissant de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

13. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

14. La faculté laissée à chaque État membre, par le paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

15. Si Mme A... a reçu des soins médicaux en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait pas bénéficier en Italie des soins que requiert son état de santé. Dès lors, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui permet à un État d'examiner la demande d'asile d'un demandeur même si cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés dans ce règlement.

S'agissant des autres moyens :

16. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16, relatif aux personnes à charge, du règlement (UE) n° 604/2013, n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

17. Si Mme A... soutient que la décision litigieuse ne lui a pas été notifiée conformément aux dispositions du 2 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013, les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité.

18. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2019.

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N° 19LY00970


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19LY00970
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-13;19ly00970 ?
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