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13/06/2019 | FRANCE | N°18LY04323

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 18LY04323


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I/ M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions implicites par lesquelles le préfet de l'Isère a rejeté ses demandes de titre de séjour présentées le 10 juin 2015 et le 13 juillet 2016.

II/ M. B... C..., qui était alors placé en rétention, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 mai 2018 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans déla

i, a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui a interdit le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I/ M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions implicites par lesquelles le préfet de l'Isère a rejeté ses demandes de titre de séjour présentées le 10 juin 2015 et le 13 juillet 2016.

II/ M. B... C..., qui était alors placé en rétention, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 mai 2018 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1804036 du 5 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignant le pays à destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et renvoyé au tribunal administratif de Grenoble les conclusions de la requête en tant qu'elles tendaient à l'annulation de la décision portant refus de délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1703603, 1803793 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint les demandes dont il était saisi, les a rejetées.

Procédure devant la cour

I/ Par une requête enregistrée le 4 décembre 2018 sous le n° 18LY04323, M. C..., représenté par Me Fréry, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703603, 1803793 du tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il porte sur l'arrêté du 31 mai 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le jugement a méconnu l'autorité de la chose jugée par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;

- l'arrêté méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2018.

II/ Par une requête enregistrée le 4 décembre 2018 sous le n° 18LY04327, M. C..., représenté par Me Fréry, avocate, demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1703603, 1803793 du tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il porte sur l'arrêté du 31 mai 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens qu'il présente en appel sont sérieux.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2018

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

- les observations de Me A..., substituant Me Fréry, avocate de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant angolais, né le 17 novembre 1977, déclare être entré en France le 17 février 2009. Il a présenté une demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 12 janvier 2011. Par arrêté du 4 mars 2011, le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. C... ayant sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a fait l'objet d'un nouveau refus d'admission au séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, par un arrêté du 6 mai 2012. Par deux courriers du 10 juin 2015 et du 13 juillet 2016, M. C... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Après qu'il a contesté les refus implicites opposés à ces demandes devant le tribunal administratif de Grenoble, le préfet de l'Isère a pris un arrêté, le 31 mai 2018, refusant de l'admettre au séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignant le pays de renvoi de M. C... et lui interdisant le retour sur le territoire pendant une durée d'un an. Par un arrêté du même jour, il l'a placé en rétention. Par un jugement du 5 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignant le pays de renvoi et interdisant de retour sur le territoire pendant une durée d'un an et renvoyé le jugement du surplus de l'affaire au tribunal administratif de Grenoble. Par un jugement du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a joint les deux demandes et, après avoir constaté que l'arrêté du 31 mai 2018 s'était substitué aux décisions implicites initialement attaquées, les a rejetées. Par une requête présentée sous le n° 18LY04323, M. C... interjette appel de ce jugement. Par une requête présentée sous le n° 18LY04327, M. C... demande qu'il soit sursis à son exécution. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

2. En premier lieu, le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon en date du 5 juin 2018 est fondé sur le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de séjour contenue dans l'arrêté du 31 mai 2018, laquelle a été jugée contraire à l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. L'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à ce jugement et au motif unique qui en constitue le soutien nécessaire ne concerne que la décision portant obligation de quitter le territoire français mais n'impose pas, par elle-même, que le juge saisi de conclusions directes contre le refus de titre de séjour en prononce l'annulation pour excès de pouvoir. Ainsi, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en écartant ce moyen, le tribunal administratif de Grenoble a méconnu l'autorité qui s'attache au jugement du 5 juin 2018.

3. En deuxième lieu, la décision litigieuse est motivée, en fait comme en droit, avec une précision suffisante au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale. "

7. En admettant même que M. C... soit, comme il l'allègue, entré en France depuis neuf ans à la date de l'arrêté litigieux, il ressort des pièces du dossier que sa durée de présence a été acquise au prix de l'inexécution de deux précédentes mesures d'éloignement. S'il fait valoir que son épouse, avec laquelle il a eu deux enfants, est titulaire d'une carte de résident de dix ans et est par ailleurs mère d'un enfant français né d'une relation avec un ressortissant français, il est constant que ce dernier n'entretient pas de lien avec l'enfant. En outre, alors que M. C... est également père d'un enfant mineur demeuré en Angola, la circonstance qu'un enfant mineur de son épouse possède la nationalité française ne s'oppose à ce qu'ils s'installent dans le pays dont l'ensemble de la famille partage la nationalité. Enfin, si M. C... est bénévole dans des associations caritatives, il ressort des pièces du dossier qu'il a aussi été placé en garde à vue le 31 mai 2018 suite à son interpellation en flagrant délit pour un vol de carburant. Dès lors, eu égard notamment aux conditions de son séjour en France, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, ce refus ne méconnaît pas davantage l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il n'est pas non plus entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ". Aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ".

9. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 7 ci-dessus, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. C... ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels lui ouvrant droit à la délivrance de la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'il fait valoir qu'il dispose d'une promesse d'embauche et que son employeur a rempli une demande d'autorisation de travail, ces circonstances ne permettent pas davantage de regarder le préfet de l'Isère comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 du même code.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

11. Le présent arrêt statuant sur la requête en annulation présentée contre le jugement n° 1703603, 1803793 rendu le 4 octobre 2018 par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, les conclusions de la requête n° 18LY04327 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

12. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. C... à fin d'injonction doivent être rejetées.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas, dans les présentes instances, la qualité de partie perdante, verse une somme au conseil de M. C... au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu à statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de la requête n° 18LY04327 de M. C....

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2019.

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N° 18LY04323, 18LY04327


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04323
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-13;18ly04323 ?
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