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13/06/2019 | FRANCE | N°18LY04079

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 18LY04079


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 août 2018 par lequel le préfet de l'Ain a décidé sa remise aux autorités portugaises pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1806253 du 17 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2018, Mme B..., représentée par Me Paquet, avocate, demande à la c

our :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 août 2018 par lequel le préfet de l'Ain a décidé sa remise aux autorités portugaises pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1806253 du 17 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2018, Mme B..., représentée par Me Paquet, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 17 octobre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile, de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans le délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de transfert méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- elle n'est pas intervenue à la suite d'un examen complet de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Mme B... ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les observations de Me Paquet, avocate de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité angolaise, née le 5 décembre 1989, est entrée en France le 26 mars 2018. Elle a présenté une demande d'asile le 28 mars 2018. L'examen de ses empreintes digitales a révélé que les autorités portugaises lui ont délivré un visa valable du 15 janvier au 28 février 2018. Saisies d'une demande visant à sa prise en charge, ces autorités ont accepté leur responsabilité le 8 août 2018. Le 10 août 2018, le préfet de l'Ain a décidé son transfert aux autorités portugaises pour l'examen de sa demande d'asile. Mme B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision en litige, que le préfet de l'Ain a procédé à un examen complet et particulier de la situation de Mme B... et a pris en compte l'ensemble des éléments de sa situation personnelle et familiale. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de Mme B... doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".

4. Aux termes de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale : " 1. Les États membres désignent pour toutes les procédures une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes conformément à la présente directive. (...) / 2. Les États membres peuvent prévoir qu'une autorité autre que celle mentionnée au paragraphe 1 est responsable lorsqu'il s'agit: a) de traiter les cas en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 (...) / 4. Lorsqu'une autorité est désignée conformément au paragraphe 2, les États membres veillent à ce que le personnel de cette autorité dispose des connaissances appropriées ou reçoive la formation nécessaire pour remplir ses obligations lors de la mise en oeuvre de la présente directive (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié, le 28 mars 2018, d'un entretien individuel en langue portugaise, qu'elle parle et comprend, avec un agent du service compétent de la préfecture du Rhône, qui est un agent qualifié au sens du 5 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet agent n'aurait pas disposé des connaissances appropriées ni reçu la formation nécessaire, conformément au 4 de l'article 4 de la directive 2013/32/UE, dont les dispositions n'appellent aucune mesure de transposition en droit interne. Un résumé de cet entretien a été remis à l'intéressée. Aucune disposition n'impose que l'agent qui a mené l'entretien mentionne sur ce résumé son prénom, son nom, sa qualité et son adresse administrative. Par suite, ni les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ni celles du 4 de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 n'ont, en l'espèce, été méconnues.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est présentée le 28 mars 2018 auprès des services de la préfecture du Rhône pour l'enregistrement de sa demande d'asile. Le préfet produit des accusés de réception DubliNet permettant d'établir que les autorités portugaises ont été effectivement saisies d'une demande de prise en charge concernant l'intéressée, le 26 juin 2018, soit dans le délai de trois mois à compter de l'enregistrement de sa demande d'asile. Si la requérante soutient que le délai de trois mois doit courir à compter de la présentation de sa demande d'asile auprès de la structure de pré-accueil, elle n'apporte, en tout état de cause, aucun élément de nature à établir l'existence et la date d'une telle démarche. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la demande de prise en charge adressée aux autorités portugaises n'aurait pas été effectuée dans les délais prévus à l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

9. Si Mme B... se prévaut de la présence en France de ses deux jeunes enfants, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en n'usant pas de la faculté que prévoient les dispositions du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le transfert aux autorités portugaises de Mme B..., qui n'est présente en France que depuis cinq mois, porte, au regard des buts poursuivis et compte tenu des effets d'une telle mesure, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision de transfert en litige, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2019.

2

N° 18LY04079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04079
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-13;18ly04079 ?
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