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13/06/2019 | FRANCE | N°18LY04018

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 18LY04018


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1804320 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enr

egistrée le 9 novembre 2018, M. B..., représenté par Me Djinderedjian, avocate, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1804320 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2018, M. B..., représenté par Me Djinderedjian, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 septembre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet, sur qui repose la charge de la preuve en application des articles L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil, n'établit pas qu'il ne serait pas mineur ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il n'est pas établi qu'il est guinéen, de sorte que la décision qui fixe ce pays comme pays de destination doit être annulée.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Savouré, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui se présente comme un ressortissant guinéen né le 9 mars 2000 à Conakry, déclare être entré en France le 5 décembre 2016. A la suite d'une ordonnance de placement provisoire, il a été confié aux services de la protection de l'enfance de la Haute-Savoie. Il a demandé le 22 décembre 2017 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 7 juin 2018, le préfet de la Haute-Savoie lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi aux motifs, d'une part, qu'il n'était pas mineur au moment de son placement auprès de l'aide sociale à l'enfance et, d'autre part, que la nature de ses liens avec son pays d'origine faisaient obstacle à l'application de ces dispositions. M. B... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

En ce qui concerne l'admission exceptionnelle au séjour :

2. D'une part, l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil qui dispose : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. "

5. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.

6. En premier lieu, M. B... s'est vu délivrer un passeport par la République de Guinée, faisant apparaître une date de naissance le 9 mars 2000. Ce passeport a été délivré sur la base d'un acte d'état civil du 10 août 2016, lequel a été établi à la suite d'un jugement supplétif du 9 mars 2016. Pour contester ces documents, le préfet de la Haute-Savoie se prévaut d'un courriel de l'ambassade de France à Conakry. Si ce courriel fait état du grave manque de fiabilité de l'état civil guinéen, il n'en demeure pas moins que les actes d'état civil délivrés par un État étranger font foi jusqu'à preuve contraire. Or, tout d'abord, si pour conclure au caractère apocryphe du jugement supplétif, le rédacteur de ce courriel a affirmé que la demande avait été présentée par M. B..., qui ne pourrait d'après lui ester en justice en tant que mineur en application du droit guinéen, il ressort néanmoins des pièces du dossier que la demande a été présentée par son père. Ensuite, si ce courriel mentionne, que l'acte de naissance a été transcrit le surlendemain du jugement alors que celui-ci était susceptible de voies de recours, cette seule circonstance ne saurait permettre de conclure au caractère falsifié de ces documents. Enfin, si ce courriel mentionne que les trois chiffres du numéro du passeport se référant à l'état civil ne correspondent pas ceux de l'acte de naissance, il ressort des pièces du dossier qu'ils correspondent cependant à celui du jugement supplétif. Faute de faire état d'autres éléments permettant de remettre en cause les documents présentés par M. B..., le préfet de la Haute-Savoie ne peut être regardé comme rapportant la preuve de ce que l'acte d'état civil produit serait falsifié et, par suite, que la date de naissance alléguée par l'intéressé serait erronée.

7. Toutefois, en second, lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 6 que c'est le père de M. B... qui a déposé la demande de jugement supplétif en faveur de ce dernier quelques mois avant son départ pour la France. S'il évoque la précarité de ses conditions de vie dans son pays d'origine, il ressort de son propre récit que ses deux parents et son frère vivent en Guinée. M. B... ne saurait sérieusement soutenir avoir coupé tout lien avec ses proches en se bornant à affirmer s'être débarrassé de son téléphone portable comportant ses contacts. Dans les circonstances de l'espèce, alors même qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et dix-huit ans, qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public et qu'il suit une formation en boucherie au centre de formation des apprentis de Groisy depuis plus de six mois et en dépit de ses bonnes appréciations scolaires et de l'avis favorable de sa structure d'accueil, le préfet de la Haute-Savoie ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Haute-Savoie aurait pris la même décision s'il s'était seulement fondé sur l'appréciation de la situation de l'intéressé sans tenir compte de son âge.

En ce qui concerne la vie privée et familiale de M. B... :

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

10. Si le requérant fait valoir qu'il a noué des liens avec l'équipe éducative, les enfants placés, des membres de réseaux solidaires et des membres de son club de football, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il n'était entré en France que depuis un an et demi à la date de l'arrêté litigieux. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents et son frère. Dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

11. Si M. B... conteste être ressortissant guinéen, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse, dont l'article 3 dispose que l'intéressé sera reconduit d'office à destination " du pays dont il a nationalité ou de tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ". Au demeurant, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du passeport dont il produit lui-même la copie, que M. B... est bien ressortissant de la République de Guinée.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2019

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N° 18LY04018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04018
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-13;18ly04018 ?
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