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13/06/2019 | FRANCE | N°18LY03925

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 18LY03925


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 août 2018 par lequel le préfet du Rhône a ordonné son transfert vers le Portugal en vue de l'examen de sa demande d'asile et la décision du 27 août 2018 par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1806408 du 6 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le

29 octobre 2018, présentée pour M. E..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 180...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 août 2018 par lequel le préfet du Rhône a ordonné son transfert vers le Portugal en vue de l'examen de sa demande d'asile et la décision du 27 août 2018 par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1806408 du 6 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2018, présentée pour M. E..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1806408 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 6 septembre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés susmentionnés ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier à défaut de lui avoir adressé une convocation à l'audience ;

- la décision de transfert est entachée d'incompétence ;

- la saisine des autorités portugaises n'est pas intervenue dans le délai prévu par l'article 21 du règlement ;

- la réalité d'une demande de prise en charge adressée aux autorités portugaises et l'accord de ces autorités ne sont pas établis ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les articles 4, 7, 16, 17-1-2 du règlement 604/2013 ;

- la décision d'assignation à résidence est entachée d'incompétence et est insuffisamment motivée ;

- elle viole les dispositions de l'article R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de remise aux autorités portugaises.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit d'observations.

La demande de M. E... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du 31 octobre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant de nationalité angolaise né le 8 mars 1997 à Luanda (Angola), a déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture du Rhône le 19 mars 2018, dont il lui a été délivré un récépissé. Le système Visabio a révélé qu'il avait bénéficié d'un visa de court séjour délivré par les autorités portugaises, valable du 15 novembre 2017 au 1er février 2018, qui lui avait permis d'entrer au Portugal avant sa venue en France. Les autorités portugaises, saisies d'une demande de prise en charge, ont donné leur accord le 7 août 2018. Par arrêté du 10 août 2018, le préfet du Rhône a ordonné son transfert vers le Portugal et, par un arrêté du 27 août 2018, ce préfet l'a assigné à résidence. M. E... interjette appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 777-3 du code de justice administrative : " Sont présentés, instruits et jugés selon les dispositions des articles L. 742-4 à L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les recours en annulation formés contre les décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, le cas échéant, contre les décisions d'assignation à résidence prises en application de l'article L. 561-2 de ce code au titre de ces décisions de transfert. ". Aux termes du II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la procédure contentieuse applicable aux décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du même code : " Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévus au III de l'article L. 512-1. (...) ". Aux termes du III de ce dernier article : " (...) L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. (...) ".

3. Il résulte des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsqu'il est fait application de cette procédure, par dérogation à l'article R. 431-1 du code de justice administrative, les dispositions spéciales de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent une convocation personnelle à l'audience du requérant, même assisté d'un avocat, dans les litiges relatifs aux arrêtés de transfert portés devant les tribunaux administratif . Dès lors, l'étranger doit, même s'il est assisté d'un avocat, être personnellement convoqué à l'audience devant le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne.

4. Le jugement attaqué mentionne que les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience. Cette mention, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, est toutefois contredite par les pièces du dossier de première instance, qui ne comportent pas copie de la convocation de M. E... à cette audience, et le dossier de première instance ne comporte aucune autre pièce établissant l'existence d'une convocation écrite ou orale à l'audience. Ainsi, M. E... doit être regardé comme n'ayant pas été personnellement convoqué à l'audience devant le tribunal administratif, en méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est, par suite, fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif par M. E....

Sur le moyen commun aux décisions en litige :

6. Les décisions en litige ont été signées par Mme C...B..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux, qui a régulièrement reçu délégation de signature à cet effet par un arrêté du préfet du Rhône n° 2018-06-11-01 du 8 juin 2018, publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du Rhône, consultable sur le site Internet de ladite préfecture. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces actes doit être écarté.

Sur la légalité de la décision de transfert :

S'agissant de l'application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 :

7. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. E... s'est vu remettre, le 19 mars 2018, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, soit en temps utile pour faire valoir ses observations, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à 1'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue portugaise, que l'intéressé a déclaré comprendre. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision ordonnant sa remise aux autorités portugaises méconnaît l'article 4 du règlement n° 604/2013 et les garanties du droit d'asile, en dépit de la circonstance que le résumé de l'entretien individuel ne comporte aucune mention relative à la présence en France d'une tante.

S'agissant de la saisine des autorités portugaises et leur acceptation :

9. Aux termes de l'article 15 du règlement (UE) n° 1560/2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

10. Il résulte de ce qui précède que le réseau de communication DubliNet permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

11. Il ressort des pièces du dossier et notamment des copies des accusés de réception DubliNet produites par le préfet que les autorités portugaises ont effectivement été saisies, le 8 juin 2018, d'une demande de prise en charge de M. E... et qu'elles ont accepté leur responsabilité le 7 août 2018.

S'agissant de l'application de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

12. Aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requêtes aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. (...)".

13. Il résulte des dispositions précitées que l'article 21 du règlement Dublin III fait obstacle à ce qu'une requête aux fins de prise en charge puisse être valablement formulée plus de trois mois après l'introduction d'une demande de protection internationale et plus de deux mois après la réception d'un résultat positif Eurodac, au sens de cette disposition.

14. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 1, le système Visabio a révélé, le 19 mars 2018, que M. E... avait bénéficié d'un visa de court séjour délivré par les autorités portugaises. La demande de prise en charge de M. E... devait donc être adressée aux autorités portugaises dans un délai de trois mois à compter de la date de sa demande de protection internationale. Il ressort des pièces produites par le préfet du Rhône que la demande adressée aux autorités portugaises, le 8 juin 2018, est intervenue dans le délai de trois mois suivant la date d'enregistrement de sa demande d'asile, le 19 mars 2018. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit donc être écarté.

S'agissant de la motivation de l'arrêté en litige :

15. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

16. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

17. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

18. L'arrêté en litige, qui vise notamment l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, indique que les empreintes de l'intéressé ont été relevées et ont permis, après confrontation avec les bases de données européennes, d'établir que l'intéressé s'était vu délivrer un visa par les autorités portugaises, valable du 15 novembre 2017 au 1er février 2018, et que les autorités portugaises, saisies d'une demande de prise en charge en application de l'article 12-4 du règlement (UE) n° 604/2013, avaient fait connaître leur accord le 7 août 2018. Ainsi, cette décision satisfait aux exigences de motivation qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de l'application des articles 16 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

19. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Les critères de détermination de l'Etat membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. / 2. La détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre. / En vue d'appliquer les critères visés aux articles 8, 10 et 16, les États membres prennent en considération tout élément de preuve disponible attestant la présence sur le territoire d'un État membre de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent du demandeur, à condition que lesdits éléments de preuve soient produits avant qu'un autre État membre n'accepte la requête aux fins de prise ou de reprise en charge de la personne concernée, conformément aux articles 22 et 25 respectivement, et que les demandes de protection internationale antérieures introduites par le demandeur n'aient pas encore fait l'objet d'une première décision sur le fond ". Les dispositions de l'article 16 du même règlement sont relatives aux " personnes à charge " et concernent les cas de personnes qui, du fait de leur état de santé notamment, sont dépendantes de l'assistance de tiers désignés dans l'article, c'est-à-dire un enfant, des frères ou soeurs, le père ou la mère résidant légalement dans un des États membres, ou, à l'inverse, concernent les cas où ces tiers résidant légalement dans un État membre sont dépendants de l'assistance du demandeur. Dans les motifs du règlement précité, il est précisé au point 16 que : " Afin de garantir le plein respect du principe de l'unité de la famille et dans l'intérêt supérieur de l'enfant, l'existence d'un lien de dépendance entre demandeur et son enfant, son frère ou sa soeur ou son père ou sa mère, du fait de la grossesse ou de la maternité, de l'état de santé ou du grand âge du demandeur, devait devenir un critère obligatoire de responsabilité. (...) ".

20. M. E..., qui se borne à faire état de la résidence d'une tante sur le territoire français, n'indique pas en quoi sa situation relèverait des hypothèses envisagées à l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013, qui concerne les personnes à charge et lui permettrait de se prévaloir de l'article 7 précité du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions des articles 7 et 16 du règlement ont été méconnues doit être écarté.

21. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

22. La faculté laissée à chaque État membre, par le 1. de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

23. La seule circonstance que la tante du requérant réside régulièrement sur le territoire français et qu'il n'aurait pas d'attaches familiales au Portugal, ne suffit pas à démontrer que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire pour reconnaître la France responsable de l'examen de sa demande d'asile, alors qu'il n'est arrivé en France qu'à l'âge de vingt et un ans.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

24. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit que M. E... ne peut exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision par laquelle le préfet l'a assigné à résidence, de l'illégalité de la décision portant remise aux autorités portugaises.

25. En deuxième lieu, la décision d'assignation à résidence comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit être écarté.

26. En troisième lieu, si M. E... soutient que la décision litigieuse ne lui a pas été notifiée conformément aux dispositions des articles L. 561-2-1 et R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, relatives à la remise du formulaire relatif aux droits et obligations des étrangers assignés à résidence, qui doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie, les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité.

27. En dernier lieu, il ressort des mentions de la décision en litige, et notamment des articles 1 et 2, que M. E..., qui est hébergé à Lyon, est assigné à résidence dans le département du Rhône et astreint à une obligation de présentation deux fois par semaine auprès des services de la police aux frontières de Lyon pour une durée limitée à quarante-cinq jours, dans l'attente de l'exécution de la décision de remise aux autorités portugaises dont il fait l'objet. Le préfet, qui ne dispose que de six mois pour exécuter la décision à compter de l'accord donné par les autorités de l'Etat membre responsable, ne pouvait pas prendre de mesure moins coercitive. Par suite, et alors que le requérant ne produit aucun élément permettant d'établir le contraire, la décision l'assignant à résidence ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.

28. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés des 10 et 27 août 2018 par lesquels le préfet du Rhône a ordonné son transfert vers le Portugal en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son avocat tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1806408 du 6 septembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. E... et celles de son avocat tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeD..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 juin 2019.

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N° 18LY03925


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03925
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : MBOTO Y'EKOKO NGOY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-13;18ly03925 ?
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