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13/06/2019 | FRANCE | N°18LY03294

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 18LY03294


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 12 février 2018 par lesquelles le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.

Par un jugement n° 1800677 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 août 2018, Mme A..

., représentée par Me Grenier, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 12 février 2018 par lesquelles le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination.

Par un jugement n° 1800677 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 août 2018, Mme A..., représentée par Me Grenier, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 mai 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas répondu aux moyens tirés, en ce qui concerne le refus de titre de séjour, de ce que le préfet n'a pas examiné sa demande au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, en ce qui concerne la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire, de ce que le préfet s'est estimé tenu de lui refuser un délai de départ volontaire de plus de trente jours ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ; il est entaché d'une erreur de droit dans l'application de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'erreur droit, le préfet s'étant estimé tenu de fixer ce délai à trente jours ; elle méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 30 avril 2019, le préfet de l'Yonne, représenté par la société Claisse et associés, avocats, conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les observations de Me Picard, avocat du préfet de l'Yonne ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante de la République Centrafricaine, née le 26 juillet 1998, est arrivée en France le 20 juillet 2016. Le 8 juin 2017, elle a demandé au préfet de l'Yonne un titre de séjour en se prévalant de son inscription en deuxième année de préparation du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) d'employé de commerce multi spécialités pour l'année scolaire 2016-2017 et d'un contrat de jeune majeur conclu avec le département de l'Yonne le 14 juin 2017 et en invoquant les exactions dont elle aurait été victime dans son pays d'origine. Le 12 février 2018, le préfet lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné un pays de destination. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait invoqué les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui de sa demande de titre de séjour. Dès lors, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en ne répondant pas au moyen inopérant tiré de ce que le préfet n'a pas examiné sa demande au regard de ces dispositions.

3. Dans sa demande devant le tribunal administratif, Mme A... a invoqué, contre la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire qui lui a été accordé, le moyen tiré de ce que le préfet s'est estimé tenu de lui refuser un délai de départ volontaire de plus de trente jours. Le tribunal, qui n'a pas répondu à ce moyen, a, dans cette mesure, entaché son jugement d'irrégularité.

4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de Mme A... à fin d'annulation de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire qui lui a été accordé et de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de sa requête.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

5. La décision portant refus d'un titre de séjour, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et des éléments de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

6. Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...). " Selon l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ". Pour refuser à Mme A... une carte de séjour temporaire mention " étudiant ", le préfet, qui s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'elle n'a pas produit un visa de long séjour, n'a pas commis d'erreur de droit. Dans les circonstances de l'espèce, ce refus n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

9. En l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de Mme A..., le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Il ne méconnaît, par suite, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait invoqué les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui de sa demande de titre de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...)/ 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

12. Mme A..., de nationalité centrafricaine, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour le 12 février 2018. Ainsi, à cette date, elle était dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.

13. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'intéressée n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de ce refus de titre de séjour.

14. Pour les motifs mentionnés au point 9, la décision faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

15. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. / L'autorité administrative peut faire application du troisième alinéa du présent II lorsque le motif apparaît au cours du délai accordé en application du premier alinéa. "

16. Il ne ressort des pièces du dossier ni que le préfet se soit estimé tenu de fixer à trente jours le délai de départ volontaire accordé à Mme A..., ni qu'en fixant un tel délai, il ait, en l'espèce commis une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

17. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le retour de Mme A... en République centrafricaine l'exposerait au risque de subir des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est fondée ni à demander l'annulation de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire qui lui a été accordé, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté les autres conclusions de sa demande.

20. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de Mme A... à fin d'injonction doivent être rejetées.

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du conseil de Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 mai 2018 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire qui lui a été accordé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2019

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N° 18LY03294


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03294
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-13;18ly03294 ?
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