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13/06/2019 | FRANCE | N°17LY02713

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 17LY02713


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A...et Mme C... I...épouse A...ont demandé au tribunal administratif de Dijon, à titre principal, de condamner le centre hospitalier d'Auxerre à leur payer, en qualité de représentants légaux de leur fils mineur G...A...né le 21 juillet 1999, une indemnité provisionnelle maximale de 1 504 638,58 euros, avec intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable, en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge de la grossesse de Mme A... en juillet 1999 dans cet établis

sement public de santé, à leur payer respectivement des indemnités de 80 000 eu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A...et Mme C... I...épouse A...ont demandé au tribunal administratif de Dijon, à titre principal, de condamner le centre hospitalier d'Auxerre à leur payer, en qualité de représentants légaux de leur fils mineur G...A...né le 21 juillet 1999, une indemnité provisionnelle maximale de 1 504 638,58 euros, avec intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable, en réparation des conséquences dommageables de la prise en charge de la grossesse de Mme A... en juillet 1999 dans cet établissement public de santé, à leur payer respectivement des indemnités de 80 000 euros et de 173 006,26 euros, avec intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable d'indemnisation, et d'ordonner une expertise sur l'état de santé actuel de G...A...en relation avec ladite prise en charge, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise sur cette prise en charge et sur ses conséquences dommageables et de mettre à la charge du centre hospitalier d'Auxerre les frais de l'expertise ordonnée le 12 mars 2012 par le juge des référés du tribunal et une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or a demandé dans la même instance au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier d'Auxerre à lui payer une indemnité de 59 957,71 euros en remboursement de ses débours, une somme de 1 031 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par le code de la sécurité sociale et une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500654 du 24 avril 2017, le tribunal administratif de Dijon, en son article 1er, a condamné le centre hospitalier d'Auxerre à payer à M. et Mme A... une indemnité provisionnelle de 64 756 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable d'indemnisation du 29 janvier 2015, en ses articles 2 et 3, a condamné le centre hospitalier à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or respectivement une indemnité de 29 978,86 euros et une somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par le code de la sécurité sociale, en son article 4, a mis à la charge du centre hospitalier les frais de l'expertise ordonnée le 12 mars 2012 par le juge des référés du tribunal, en son article 5, a mis à la charge du centre hospitalier les sommes de 1 500 euros et de 1 000 euros au profit respectivement de M. et Mme A... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en ses articles 6 à 10, a ordonné une expertise médicale sur les préjudices subis par M. G... A...et par ses parents et proches.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juillet 2017 et le 23 juillet 2018, M. H... A...et Mme C... I...épouseA..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de curateurs de leur fils, M. G... A..., représentés par Me Beynet, avocat, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1500654 du 24 avril 2017 en ce que le tribunal administratif de Dijon n'a retenu qu'un taux de perte de chance de 50 % pour M. G... A...d'éviter le dommage qui s'est réalisé et de porter à la somme maximale de 1 777 045,19 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable d'indemnisation du 29 janvier 2015, le montant de l'indemnité provisionnelle due par le centre hospitalier d'Auxerre à M. et Mme A... ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Auxerre à payer à M. H... A...et à Mme C... I...épouse A...des indemnités de 80 000 euros et de 173 006,26 euros, avec intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable d'indemnisation ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Auxerre les frais de l'expertise ordonnée le 12 mars 2012 par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon et une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance et en appel.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal administratif n'a retenu qu'un taux de perte de chance de 50 % pour M. G... A...d'éviter le dommage qui s'est réalisé, alors que ce taux doit être fixé à au moins 97 % ; en effet,

selon leur médecin conseil, le docteurB..., la surveillance diabétologique de Mme A... n'a pas été conforme aux recommandations de bonne pratique professionnelle de 1999, alors que l'hyperglycémie résultant d'un diabète non équilibré peut être un facteur favorisant les infections ; la prise de multiples cures de corticoïdes in utero est un facteur d'aggravation du risque infectieux ; selon ce médecin, la prise en charge des menaces d'accouchement prématuré n'a pas été conforme aux données acquises de la science ni aux recommandations de bonne pratique professionnelle de 1999, la température de Mme A... n'ayant été mesurée que quatre fois en vingt-quatre heures après la rupture de la poche des eaux alors que les recommandations prévoient une surveillance toutes les deux heures ; l'absence d'antibiothérapie dès l'apparition d'un facteur de risques tel qu'une rupture des membranes constitue également une faute médicale ; les deux experts désignés par le juge des référés du tribunal ne justifient pas, comme ils l'affirment, que la chorioamniotite serait survenue avant la rupture des membranes ;

le docteur B...a estimé la perte de chance d'éviter l'infection en tenant compte de ce que, selon les deux experts, le traitement antibiothérapique des femmes porteuses de streptocoque B permet de réduire par trente la fréquence des contaminations néo-natales, d'où une taux de 100/30 %, soit 3,33 %, de risque de contamination néo-natale lorsque des antibiotiques ont été prescrits et un taux de 100 % - 3,33 %, soit 96,67 %, de perte de chance liée au défaut d'antibiothérapie ; en ajoutant les manquements quant à la prise en charge des facteurs de risques maternels - diabète et nombreuses cures de corticoïdes - augmentant le risque d'infection, le docteur B...retient une perte de chance de 95 % à 98 % ;

l'avis du professeur Dupont, produit en première instance par le centre hospitalier d'Auxerre, doit être écarté des débats, dès lors qu'il a été rendu en violation du secret médical ;

- M. G... A...a droit à une provision au titre des dépenses de santé actuelles restées à sa charge et qui s'élèvent à la somme totale de 38 350,12 euros ;

- il a droit à une provision au titre des frais d'assistance par une tierce personne jusqu'au 31 décembre 2016 qui s'élèvent à la somme de 1 426 000 euros ;

- compte tenu d'un taux de perte de chance de 98 %, il a droit à une provision de 27 147,96 euros et non de 13 851 euros accordée par le tribunal au titre des frais d'adaptation temporaire du logement qui s'élèvent à la somme de 27 702 euros ;

- il a droit à une provision de 77 005,32 euros au titre des frais temporaires de véhicule adapté ;

- il a droit à une provision au titre de l'achat d'un ordinateur portable, d'une radio CD, d'un téléphone ergonomique et d'une tablette, d'un montant total de 1 136,84 euros, pour sa communication et ses loisirs ;

- les requérants ont droit à une provision de 11 749,11 euros au titre des frais temporaires de logement liés aux soins à l'hôpital et aux thérapies suivies à l'étranger ;

- ils ont droit à une provision de 17 345,67 euros au titre des frais de déplacement pour se rendre à des consultations médicales et d'orthoptie et pour suivre des thérapies à l'étranger ;

- ils ont droit à une provision de 132,77 euros au titre des frais de copie de dossier médical et de frais postaux ;

- ils ont droit à une provision de 1 880 euros au titre des frais d'assistance par deux médecins conseils qui doivent être intégralement indemnisés, sans application du taux de perte de chance ;

- M. G... A...a droit à une provision de 122 742,95 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire total puis partiel de 85 % jusqu'au 21 juillet 2016 ;

- il a droit à une provision de 45 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 6,5/7 par le docteurB... ;

- il a droit à une provision de 8 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, évaluées à 6/7 par le docteurB... ;

- Mme A... a droit à une indemnité de 143 006,26 euros en réparation de sa perte de revenus jusqu'au 5 décembre 2017 ;

- M. H... A...a droit à une indemnité de 50 000 euros en réparation de sa perte de revenus de 2010 à 2014 ;

- M. H... A...et Mme C... A...ont droit à une indemnité de 30 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices d'affection.

Par un mémoire, enregistré le 19 octobre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or, représentée par la SELARL BdL Avocats, conclut :

1°) par la voie de l'appel provoqué, à la réformation du jugement n° 1500654 du 24 avril 2017 en ce que le tribunal administratif de Dijon n'a retenu qu'un taux de perte de chance de 50 % pour M. G... A...d'éviter le dommage qui s'est réalisé et de porter à la somme de 59 957,71 euros le montant de l'indemnité due par le centre hospitalier d'Auxerre en remboursement de ses débours ;

2°) à la condamnation du centre hospitalier d'Auxerre à lui payer une somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par le code de la sécurité sociale et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à tort que le tribunal administratif n'a retenu qu'un taux de perte de chance de 50 % pour M. G... A...d'éviter le dommage qui s'est réalisé, alors qu'au vu des éléments médicaux versés par M. et Mme A..., un taux de perte de chance d'au moins 97 % doit être retenu.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 23 octobre 2017 et le 12 décembre 2017, le centre hospitalier d'Auxerre, représenté par Me Boizard, avocat, conclut :

1°) au rejet de la requête de M. et Mme A... et des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement n° 1500654 du 24 avril 2017 en ce que le tribunal administratif de Dijon l'a condamné au paiement d'une indemnité provisionnelle au titre de frais d'achat d'un ordinateur et d'une radio CD ;

3°) à ce que soit ordonnée une expertise médicale sur les préjudices subis par M. G... A....

Il fait valoir que :

- les moyens présentés par les requérants et par la caisse primaire d'assurance maladie ne sont pas fondés.

- il n'apparaît pas que les frais d'achat d'un ordinateur et d'une radio CD soient en relation exclusive avec le handicap de M. G... A...ni qu'il s'agisse de matériel spécifique.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Terrade, rapporteur public,

- les observations de Me Beynet, avocat, pour M. H... A...et pour Mme C... I...épouseA...,

- et les observations de Me Boizard, avocat, pour le centre hospitalier d'Auxerre.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... I...épouse A...a été suivie au centre hospitalier d'Auxerre pour sa grossesse à partir de juin 1999 en raison d'un risque d'accouchement prématuré, le terme étant fixé au 10 septembre 1999. Elle a accouché le 21 juillet 1999, au terme de trente-trois semaines et cinq jours de grossesse, en donnant naissance à un garçon,G.... A la suite de cette naissance, a été mise en évidence une infection foeto-placentaire prénatale à streptocoque du groupe B, laquelle a généré pour l'enfant une leucomalacie périventriculaire. Par jugement n° 1500654 du 24 avril 2017, le tribunal administratif de Dijon, saisi par M. et Mme A..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils, G...A..., d'une demande à fin de réparation des conséquences dommageables de la prise en charge de la grossesse de Mme A... en juillet 1999 au centre hospitalier d'Auxerre, en son article 1er, a condamné ce centre hospitalier à payer à M. G... A..., sous administration légale de ses parents, une indemnité provisionnelle de 64 756 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable d'indemnisation du 29 janvier 2015, en ses articles 2 et 3, a condamné le centre hospitalier à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or respectivement une indemnité de 29 978,86 euros et une somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par le code de la sécurité sociale, en son article 4, a mis à la charge du centre hospitalier les frais de l'expertise ordonnée le 12 mars 2012 par le juge des référés du tribunal, en son article 5, a mis à la charge du centre hospitalier les sommes de 1 500 euros et de 1 000 euros au profit respectivement de M. et Mme A... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en ses articles 6 à 10, a ordonné une expertise médicale sur les préjudices subis par M. G... A...et par ses parents et proches. M. et Mme A..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de curateurs de leur fils, relèvent appel de ce jugement en ce que le tribunal administratif n'a retenu qu'un taux de perte de chance de 50 % pour M. G... A...d'éviter le dommage qui s'est réalisé et a limité à 64 756 euros le montant de l'indemnité provisionnelle due par le centre hospitalier d'Auxerre. La caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or conclut à la réformation de ce jugement en ce que les juges de première instance n'ont retenu qu'un taux de perte de chance de 50 %. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier d'Auxerre conclut à la réformation de ce jugement en ce que les premiers juges l'ont condamné au paiement d'une indemnité provisionnelle au titre de frais d'achat d'un ordinateur et d'une radio CD et à l'organisation d'une nouvelle expertise médicale.

Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Auxerre :

2. M. et Mme A... contestent le jugement attaqué en ce que le tribunal administratif de Dijon n'a retenu que l'absence d'antibiothérapie administrée à Mme A... comme faute susceptible d'engager la responsabilité du centre d'Auxerre.

3. Aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

4. En premier lieu, si les experts désignés par l'ordonnance n° 1200074 du 12 mars 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon déplorent dans leur rapport d'expertise l'absence d'insulinothérapie administrée à Mme A..., laquelle présentait un diabète gestationnel, ils relèvent que cette absence de traitement est sans lien avec l'état de santé de l'enfant à la naissance. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la prise en charge diabétologique de Mme A... a constitué une faute engageant la responsabilité du centre hospitalier d'Auxerre à raison de l'état de M. G... A...généré par la chorioamniotite.

5. En deuxième lieu, si M. et Mme A... font valoir que la prise de multiples cures de corticoïdes in utero est un facteur d'aggravation du risque infectieux, les experts désignés par le juge des référés du tribunal administratif ont estimé qu'il n'y avait pas de contre-indication à la corticothérapie. Dans ces conditions, et alors que les requérants ne remettent pas sérieusement en cause cette appréciation des experts par la production du rapport du 15 février 2014 de leur médecin conseil, ils ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité du centre hospitalier d'Auxerre pour faute dans l'administration de la corticothérapie.

6. En dernier lieu, si M. et Mme A... soutiennent que la température de Mme A... n'a été mesurée que quatre fois en vingt-quatre heures après la rupture de la poche des eaux alors que les recommandations de bonne pratique professionnelle de 1999 prévoyaient une surveillance de la température toutes les deux heures, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas du rapport d'expertise, que la fréquence précitée de la mesure de la température de la parturiente ait joué un rôle causal dans l'état de santé de l'enfant à la naissance. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette fréquence a constitué une faute engageant la responsabilité du centre hospitalier d'Auxerre à raison de l'état de M. G... A...généré par la chorioamniotite.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon n'a retenu que l'absence d'antibiothérapie administrée à Mme A... comme faute susceptible d'engager la responsabilité du centre d'Auxerre.

Sur l'évaluation de la perte de chance :

8. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

9. Il ressort du rapport des deux experts désignés par le juge des référés du tribunal administratif - le docteur E...D..., gynécologue obstétricien et expert agréé par la Cour de cassation, et le docteur J...F..., pédiatre et expert agréé par la Cour de cassation -, qu'une antibiothérapie aurait dû, en raison de la rupture prématurée des membranes survenue le 20 juillet 1999 à 7 h 15, être administrée à Mme A... dès son admission au centre hospitalier d'Auxerre le 20 juillet 1999 vers 7 h 45, soit plus de vingt-quatre heures avant l'extraction de l'enfant réalisée le 21 juillet à 11 h 34. Si les experts mentionnent que l'évolution significative du taux de protéine C réactive (CRP) dès la naissance et son élévation douze heures plus tard indiquent que l'infection bactérienne du nouveau-né s'est développée in utero au moins douze heures avant l'extraction, ils précisent que la rupture spontanée des membranes avant terme est bien le signe révélateur de l'infection materno-foetale, ce qui signifie que cette infection a débuté nécessairement avant ladite rupture ; ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les experts ne justifieraient pas de ce que l'infection materno-foetale ou chorioamniotite serait apparue avant la rupture des membranes. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport des deux experts, que l'absence d'antibiothérapie maternelle prénatale a été préjudiciable à l'enfant dont l'atteinte cérébrale motrice qu'il présente depuis sa naissance est en relation exclusive avec le développement in utéro de l'infection materno-foetale à streptocoque du groupe B chez un prématuré, les experts indiquant que la mise en oeuvre du traitement antibiotique chez la parturiente n'aurait pas obligatoirement évité les conséquences du syndrome inflammatoire foetal sur le cerveau de l'enfant en ce que l'atteinte cérébrale n'est pas liée à l'effet agressif direct des bactéries mais à l'action délétère des médiateurs de la réponse inflammatoire qui s'amplifie avec le retard thérapeutique. Si les experts mentionnent que, selon les recommandations du collège national des gynécologues et obstétriciens français en 1999, le traitement des femmes porteuses de streptocoques du groupe B permet de réduire par trente la fréquence des contaminations néonatales, ils précisent qu'il est impossible, en l'absence d'étude concernant l'impact d'une absence ou d'un retard d'antibiothérapie maternelle sur la majoration du risque d'infirmité motrice cérébrale dans un tel contexte, de quantifier scientifiquement la perte de chance pour l'enfant G...A..., du fait de l'absence d'antibiothérapie maternelle prénatale, de limiter ou d'éviter les lésions cérébrales dont il est atteint mais que cette perte de chance existe et qu'elle peut être évaluée à 50 %. Si le médecin conseil des épouxA..., spécialiste en anesthésiologie et réanimation chirurgicale et non en gynécologie obstétrique ou en pédiatrie, évalue, dans son rapport du 15 février 2014, la perte de chance à plus de 90 %, cette évaluation, qui ne repose que sur une extrapolation de la mention générale précitée du collège national des gynécologues et obstétriciens français en 1999 relative à la réduction par trente de la fréquence des contaminations néonatales en cas de traitement des femmes porteuses de streptocoques du groupe B, n'est pas de nature à remettre en cause l'analyse précitée des experts sur la perte de chance. Dans ces conditions, l'absence fautive d'antibiothérapie maternelle prénatale doit être regardée comme ayant fait perdre à l'enfant G...A...50 % de chances d'éviter ou de limiter les lésions cérébrales dont il est atteint.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... et la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a considéré que la réparation qui incombait au centre hospitalier d'Auxerre devait être évaluée à une fraction du dommage corporel égale à 50 % seulement.

Sur la réparation des préjudices :

11. En premier lieu, les requérants, qui se bornent à produire deux devis d'un montant total de 77 005,44 euros et correspondant au coût total d'acquisition d'un véhicule adapté à l'état de leur fils, ne sont pas fondés à solliciter une indemnité provisionnelle supérieure à celle de 7 500 euros que leur a allouée le tribunal au titre des frais d'adaptation de leur véhicule et compte tenu du taux de perte de chance de 50 %.

12. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les achats d'un ordinateur portable, d'un poste radio et lecteur CD, d'un téléphone ergonomique avec gros chiffres et d'une tablette numérique constituent des dépenses d'acquisition de matériels spécifiquement adaptés à l'état de G...A...et présentant un surcoût par rapport à des matériels ordinaires. Dans ces conditions, le centre hospitalier d'Auxerre est fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon l'a condamné à payer une indemnité provisionnelle de 349 euros au titre de l'achat d'un ordinateur portable et d'un poste radio et lecteur CD. Pour les mêmes motifs, les requérants ne sont pas fondés à solliciter une indemnité provisionnelle au titre de l'achat d'un téléphone ergonomique avec gros chiffres et d'une tablette numérique.

13. En troisième lieu, les requérants justifient en appel de frais de séjour à la Maison des parents de l'Hôpital Saint-Vincent-de-Paul de la Croix-Rouge française pour la période du 3 au 4 juin 2007 d'un montant de 40 euros resté à leur charge, du fait de l'hospitalisation de leur fils dans cet établissement de santé. Il y a lieu, par suite, de condamner le centre hospitalier d'Auxerre à payer à M. et Mme A..., en remboursement de ces frais, une indemnité provisionnelle de 20 euros compte tenu du taux de perte de chance de 50 %.

14. En quatrième lieu, les requérants justifient de frais de déplacement, d'un montant total de 505 euros, pour consulter en France un orthoptiste, des médecins et des conseils du fait de l'état de leur fils. Il y a lieu, par suite, de condamner le centre hospitalier d'Auxerre à payer à M. et Mme A..., en remboursement de ces frais, une indemnité provisionnelle de 252,50 euros compte tenu du taux de perte de chance de 50 %.

15. En cinquième lieu, les requérants justifient de frais postaux et de frais de copie, d'un montant total de 132,77 euros, en relation avec l'état de leur fils. Il y a lieu, par suite, de condamner le centre hospitalier d'Auxerre à payer à M. et Mme A..., en remboursement de ces frais, une indemnité provisionnelle de 66,39 euros compte tenu du taux de perte de chance de 50 %.

16. En sixième lieu, les requérants justifient de frais d'assistance par deux médecins conseils, d'un montant total de 1 880 euros, en relation avec l'état de leur fils. Il y a lieu, par suite, de condamner le centre hospitalier d'Auxerre à payer à M. et Mme A..., en remboursement de ces frais qui résultent entièrement du dommage subi par leur fils, une indemnité provisionnelle de 1 880 euros.

17. En septième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport des deux experts désignés par le juge des référés du tribunal administratif, que le jeune G...A...a subi un déficit fonctionnel temporaire total de six mois en 2003, de trois mois en 2006 et de trois mois en 2007 ainsi qu'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 85 % pendant onze ans et dix mois et demi durant la période allant du 21 juillet 1999 au 5 juin 2012, des souffrances physiques et psychiques temporaires et un préjudice esthétique temporaire évalués respectivement à 6/7 et à 5/7 par les experts. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à solliciter pour leur fils une indemnité provisionnelle supérieure à celle de 42 170 euros que leur a allouée le tribunal au titre de ces préjudices et compte tenu du taux de perte de chance de 50 %.

18. En huitième lieu, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Dijon ne disposait pas d'éléments suffisants pour apprécier et évaluer les frais d'assistance par une tierce personne et les dépenses de santé restées à la charge de la victime, en lien certain et direct avec son état de santé et autres que les frais de matériels médicaux et d'appareillage ayant fait l'objet d'une indemnité provisionnelle au point 9 du jugement attaqué, et pour apprécier la nécessité du suivi de thérapies à l'étranger ayant généré des frais de déplacement et de logement. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'expertise prescrite par le jugement n° 1500654 du 24 avril 2017 notamment sur ces questions était frustratoire et à demander pour ce motif l'annulation de ce jugement.

19. En neuvième lieu, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Dijon ne disposait pas d'éléments suffisants pour évaluer les pertes de revenus respectives de M. H... A...et de Mme A.... Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'expertise prescrite par le jugement n° 1500654 du 24 avril 2017 aux fins d'évaluation notamment de ces préjudices était frustratoire et à demander pour ce motif l'annulation de ce jugement.

20. En dernier lieu, M. H... A...et Mme A... ne critiquent pas le jugement n° 1500654 du 24 avril 2017 en ce que le tribunal administratif de Dijon, après avoir prescrit une expertise aux fins d'évaluation notamment des conséquences par ricochet de l'état de santé de M. G... A...pour ses proches, a réservé jusqu'en fin d'instance notamment leurs droits au titre de leurs préjudices d'affection respectifs. Par suite, les conclusions des requérants tendant à ce que la cour condamne dans la présente instance le centre hospitalier d'Auxerre à réparer leurs préjudices d'affection doivent être rejetées.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par le centre hospitalier d'Auxerre, qu'il y a lieu de porter à 66 625,89 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable d'indemnisation du 29 janvier 2015, le montant de l'indemnité provisionnelle due par ce centre hospitalier à M. et Mme A... et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif de Dijon.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or tendant au paiement de l'indemnité de gestion prévue par le code de la sécurité sociale :

22. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or n'est pas fondée à demander devant la cour le paiement de l'indemnité de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les dépens :

23. Par l'article 4 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a mis à la charge du centre hospitalier d'Auxerre au titre des dépens de première instance les frais, liquidés et taxés à la somme de 5 282 euros, de l'expertise prescrite par l'ordonnance n° 1200074 du 12 mars 2012 du juge des référés du même tribunal. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des dépens auraient été exposés devant la cour, les conclusions de M. et Mme A...tendant à ce que la cour mette à la charge du centre hospitalier d'Auxerre les frais de l'expertise précitée ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

24. En premier lieu, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme A...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative titre des frais exposés par eux en première instance et en appel et non compris dans les dépens.

25. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier d'Auxerre, qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'égard de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or dans la présente instance, verse à celle-ci une somme au titre des frais exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité provisionnelle de 64 756 euros que le centre hospitalier d'Auxerre a été condamné à verser à M. et Mme A...par le jugement n° 1500654 du 24 avril 2017 du tribunal administratif de Dijon est portée à 66 625,89 euros (soixante-six mille six cent vingt-cinq euros et quatre-vingt neuf centimes), avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable d'indemnisation du 29 janvier 2015.

Article 2 : Ce jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 17LY02713, les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or devant la cour et le surplus des conclusions présentées par le centre hospitalier d'Auxerre devant la cour sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A..., à Mme C... I...épouseA..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or et au centre hospitalier d'Auxerre.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 juin 2019.

2

N° 17LY02713


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02713
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme TERRADE
Avocat(s) : BOIZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-13;17ly02713 ?
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