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28/05/2019 | FRANCE | N°19LY00113

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 19LY00113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1807664 du 14 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2019, M. B..., représenté par Me Djinderedj

ian, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1807664 du 14 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2019, M. B..., représenté par Me Djinderedjian, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 14 décembre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui permettre de déposer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est intervenu en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure, dès lors qu'il n'a pas disposé d'un délai suffisant pour répliquer au mémoire défense présenté par le préfet ;

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les articles 12 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

La requête a été communiquée au le préfet de la Haute Savoie qui n'a pas produit d'observations.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né à Conakry le 4 octobre 1982, est entré en France le 1er février 2018. Il a déposé une demande d'asile à la préfecture de l'Isère le 17 avril 2018. Le 19 novembre 2018, le préfet de Haute-Savoie a ordonné son transfert vers l'Italie en vue de l'examen de sa demande. M. B... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. "

3. Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité et qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

4. Aux termes de l'article R. 611-8-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Toute juridiction peut adresser par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, à une partie ou à un mandataire qui y est inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier. /Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties ou leur mandataire sont alertés de toute nouvelle communication ou notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par eux. /Lorsque le juge est tenu, en application d'une disposition législative ou réglementaire, de statuer dans un délai inférieur ou égal à un mois, la communication ou la notification est réputée reçue dès sa mise à disposition dans l'application. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire du préfet de la Haute-Savoie en réponse à la demande de M. B..., qui était accompagné notamment des pièces sur la base desquelles a été prise la décision en litige, a été enregistré au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2018 à 9 heures 09 et mis à la disposition conseil de l'intéressé par l'application télérecours le même jour à 9 heures 19. Ce conseil n'en a pris connaissance que le 17 décembre 2018, alors que l'audience a eu lieu le 14 décembre à 11 heures. Dès lors, le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure. Par suite, M. B... est fondé à en demander l'annulation.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. B... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de la décision en litige :

S'agissant de la motivation :

7. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

8. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

9. La décision en litige vise notamment le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Elle indique que M. B... a demandé l'asile à la préfecture de l'Isère le 17 avril 2018, que ses empreintes ont été relevées et ont permis, après confrontation avec les bases de données européennes (Eurodac et Visabio) d'établir que l'intéressé s'est vu délivrer un visa par les autorités italiennes qui, saisies le 14 juin 2018, sur le fondement du paragraphe 4 de l'article 12 de ce règlement, ont donné leur accord implicite. Ainsi, cette décision satisfait à l'exigence de motivation qu'impose l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de l'application de l'article 12 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 :

10. Aux termes de l'article 12 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d'un autre État membre en vertu d'un accord de représentation prévu à l'article 8 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas. Dans ce cas, l'État membre représenté est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) / 4. Si le demandeur est seulement titulaire (...) d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des États membres. / Lorsque le demandeur est titulaire (...) d'un ou plusieurs visas périmés depuis plus de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre et s'il n'a pas quitté le territoire des États membres, l'État membre dans lequel la demande de protection internationale est introduite est responsable. (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a obtenu des autorités italiennes un visa valable du 23 janvier au 21 février 2018. Ainsi, le 19 novembre 2018, il se trouvait dans le cas que prévoit le second alinéa du paragraphe 4 de l'article 12 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

S'agissant de l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 :

12. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

13. Les allégations à caractère général M. B... ne permettent pas d'établir l'existence d'un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un État membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1. de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui permet à un État d'examiner la demande d'asile d'un demandeur même si cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés dans ce règlement.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision en litige.

15. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. B... à fin d'injonction doivent être rejetées.

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. B... au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 14 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Haute-Savoie

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

6

N° 19LY00113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19LY00113
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-28;19ly00113 ?
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