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28/05/2019 | FRANCE | N°18LY03591

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 18LY03591


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au profit de sa filleC....

Par un jugement n° 1800958 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2018, Mme B..., représentée par Me Fiumé, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug

ement du tribunal administratif de Dijon du 29 juin 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au profit de sa filleC....

Par un jugement n° 1800958 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2018, Mme B..., représentée par Me Fiumé, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 juin 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de faire droit à sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de la réexaminer, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

Elle soutient que :

- elle n'a pas commis de fraude à l'état civil ;

- sa fille est isolée au Burkina-Faso dès lors que le père de cette dernière est décédé ;

- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2019, le préfet de l'Yonne, représenté par la SELARL Claisse et associés, avocats, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est tardive et, par suite, irrecevable ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 11 février 2019, Mme B... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que sa requête n'est pas tardive.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, des ambassadeurs et des chefs de poste consulaire en matière de légalisation d'actes ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

- les observations de Me Picard, avocate du préfet de l'Yonne ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante du Burkina-Faso, née le 17 janvier 1983, entrée en France en 2010, est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 6 avril 2027. Le 18 septembre 2017, elle a présenté une demande de regroupement familial au profit de sa fille C... D..., née le 26 août 2001. Par une décision du 5 février 2018, le préfet de l'Yonne a refusé de faire droit à sa demande au motif que celle-ci se fondait sur des actes d'état civil frauduleux. Mme B... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. " Il résulte de l'article 39 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, d'une part, que lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de former un recours devant la cour est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu et, d'autre part, qu'un nouveau délai ne court qu'à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à Mme B... le 7 juillet 2018. Le délai d'appel a été interrompu par l'introduction d'une demande d'aide juridictionnelle le 24 juillet 2018, dont l'instruction était toujours en cours au jour de l'introduction de la requête. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet, tirée de la tardiveté de la requête d'appel, doit être écartée.

Sur la légalité de la décision litigieuse :

4. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. "

5. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

7. Aux termes de l'article 2 du décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 : " La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. "

8. A l'appui de sa demande, Mme B... a produit une copie d'acte d'état civil de la jeuneC..., mentionnant qu'elle en est la mère et que le père est M. A... D.... Elle produit également l'acte de décès de ce dernier, survenu le 11 juillet 2002. Pour la première fois en appel, elle a produit une copie de ces actes légalisés par le consulat de France à Ouagadougou le 8 août 2018.

9. Pour contester l'exactitude des informations figurant sur ces actes, le préfet de l'Yonne fait valoir qu'un visa Schengen a été délivré à la jeune C...pour la période du 12 septembre 2015 au 30 septembre 2015, à la demande de M. A... D... et de Mme E.... Le préfet de l'Yonne produit un acte de naissance mentionnant ces deux personnes comme le père et la mère de la jeune C...et un acte de mariage célébré entre elles le 20 décembre 2014. Le préfet de l'Yonne affirme ainsi que M. A... D... ne serait en réalité pas décédé. A l'appui de cette demande de visa ont également été produits une attestation signée par M. A... D..., mentionnant que ce dernier prendrait en charge le voyage de sa fille avec Mme E..., pour leurs vacances d'une durée de dix jours et une attestation du directeur d'une école d'Ouagadougou mentionnant son inscription scolaire pour la rentrée du 1er octobre 2015.

10. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que dès son arrivée en France, la jeune C... a été prise en charge par Mme B... et a été immédiatement scolarisée. Le parcours de la jeune C...contredit ainsi, d'une part, le motif d'entrée sur le territoire décrit par l'attestation signée du nom de M. D... et, d'autre part, la volonté exprimée par l'attestation d'inscription scolaire de la scolariser au Burkina Faso. S'il ressort ainsi des éléments produits au dossier que le visa délivré à la jeuneC..., qui lui a permis d'entrer en France le 17 septembre 2015 avant la mise en oeuvre de la procédure de regroupement familial, a été obtenu frauduleusement et que les déclarations qui ont été faites pour obtenir ce visa étaient mensongères, cette circonstance tend à démontrer que les actes d'état civil mis en avant par le préfet, qui n'ont pas été légalisés et ont été produits au soutien de cette fraude, ne sont pas authentiques. Les actes d'état civil produits par Mme B..., qui ont quant à eux été légalisés, sont revêtus d'une force probante supérieure.

11. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir qu'en refusant sa demande au motif que les actes d'état civil qu'elle produisait étaient frauduleux, le préfet de l'Yonne a commis une erreur de fait.

12. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision litigieuse.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Le juge de l'injonction, saisi de conclusions présentées au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, est tenu de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de son arrêt.

14. Dès lors qu'il est constant que Mme B... remplit les autres conditions prévues par l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet de l'Yonne fasse droit à sa demande de regroupement familial. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à ce dernier de faire droit à sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 juin 2018 et la décision du préfet de l'Yonne du 5 février 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par Mme B..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Auxerre.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

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N° 18LY03591


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03591
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : FIUMÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-28;18ly03591 ?
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