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28/05/2019 | FRANCE | N°17LY02005

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 17LY02005


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la décision du 3 décembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail du Puy-de-Dôme a autorisé la société d'exploitation mutualisée pour l'eau, l'environnement, les réseaux, l'assainissement dans l'intérêt du public (SEMERAP) à le licencier et, d'autre part, de condamner l'État à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1600204 du 4 avril 2017, le tribun

al administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, d'une part, d'annuler la décision du 3 décembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail du Puy-de-Dôme a autorisé la société d'exploitation mutualisée pour l'eau, l'environnement, les réseaux, l'assainissement dans l'intérêt du public (SEMERAP) à le licencier et, d'autre part, de condamner l'État à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1600204 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 avril 2017, M. A..., représenté par Me Duplessis, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 avril 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée du 3 décembre 2015 ;

3°) de condamner l'État à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision litigieuse a été prise par une autorité incompétente ;

- l'inspectrice du travail a commis une erreur de droit en qualifiant des faits qui n'avaient pas été qualifiés par l'auteur de la demande ;

- l'inspecteur a omis de répondre à son observation relative au délai excessif séparant sa mise à pied et la réunion du comité d'entreprise ; cette absence de réponse révèle la partialité de l'administration ; enfin, le fait que l'administration estime que ce délai n'est pas excessif aurait dû être motivé ; ce délai est disproportionné ;

- les faits reprochés ne sont pas matériellement établis, ne sont pas fautifs et ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

Par un mémoire enregistré le 12 juillet 2017, la SEMERAP, représentée par Me Puso, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse a été signée par une autorité compétente ;

- l'inspecteur du travail ne s'est pas substitué à l'employeur dans la qualification des faits reprochés ;

- la décision de l'inspecteur est suffisamment motivée ;

- la procédure disciplinaire suivie est régulière ;

- les faits retenus par l'inspecteur du travail sont établis ; leur gravité justifie le licenciement de l'intéressé.

Par un mémoire enregistré le 17 décembre 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse a été signée par une autorité compétente ;

- elle a été prise au terme d'une procédure régulière ;

- l'inspectrice du travail n'a pas procédé à la qualification juridique du licenciement en lieu et place de l'employeur ;

- le délai entre la mise à pied conservatoire du salarié et la tenue de la réunion du comité d'entreprise n'est pas excessif ;

- M. A... a reconnu la réalité des faits du 23 septembre 2015 ;

- eu égard à la teneur des propos tenus dans ce message, l'autorisation de licencier l'intéressé est justifiée ;

- la demande indemnitaire devra être rejetée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,

- les observations de Me Puso, avocat de la SEMERAP ;

Considérant ce qui suit :

1. La société d'exploitation mutualisée pour l'eau, l'environnement, les réseaux, l'assainissement dans l'intérêt du public (SEMERAP) a saisi l'inspecteur du travail, le 20 octobre 2015, d'une demande d'autorisation de licenciement, pour motif disciplinaire, de M. A..., salarié de l'entreprise depuis le 3 janvier 1995, employé en qualité de dessinateur et exerçant alors les mandats de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise. Par une décision du 3 décembre 2015, l'inspectrice du travail du Puy-de-Dôme a autorisé ce licenciement. M. A... relève appel du jugement du 4 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de l'inspectrice du travail et à la condamnation de l'État à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis.

Sur la légalité de la décision du 3 décembre 2015 :

2. Aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied / La mesure de mise à pied est privée d'effet lorsque le licenciement est refusé par l'inspecteur du travail ou, en cas de recours hiérarchique, par le ministre. "

3. Les délais fixés par l'article R. 2421-14 du code du travail cité ci-dessus, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu, à peine d'irrégularité de sa demande, de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter. Par suite, il appartient à l'administration, saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, de s'assurer que ce délai a été, en l'espèce, aussi court que possible pour ne pas entacher d'irrégularité la procédure antérieure à sa saisine.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été mis à pied à compter du 29 septembre 2015 et que le comité d'établissement a été consulté sur le projet de licenciement le 19 octobre 2015. Pour justifier de ce qu'il était dans l'impossibilité de respecter le délai de dix jours prescrit par l'article R. 2421-14 du code du travail, l'employeur fait état de ce qu'il devait respecter les délais de convocation des membres du comité d'établissement et leur laisser un délai de réflexion, de ce que les dirigeants de l'entreprise devaient se rendre à un congrès au cours de cette période, de ce qu'une mission de contrôle des comptes de la société était organisée en même temps et de ce qu'une enquête interne devait être menée pour établir les faits. Toutefois, eu égard notamment à l'absence de complexité des faits reprochés, les explications fournies par l'employeur ne suffisent pas à justifier qu'un délai aussi long, qui a été de vingt-et-un jours, se soit écoulé entre la date de la mise à pied et celle de la consultation du comité d'entreprise. Ainsi, la longueur excessive de ce délai a entaché d'irrégularité la procédure à l'issue de laquelle l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de M. A.... Une telle irrégularité est de nature à justifier l'annulation de la décision litigieuse.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 décembre 2015 autorisant son licenciement.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. En se bornant à faire état, sans le justifier, de la perte nécessaire de son pouvoir d'achat " du fait d'une indemnisation inférieure à son salaire ", ainsi que de " la souffrance et la stigmatisation des demandeurs d'emploi ", le requérant n'établit pas la réalité des préjudices qu'il invoque. Par suite, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, le paiement à M. A... d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que M. A..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à la SEMERAP au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 avril 2017 et la décision de l'inspectrice du travail du Puy-de-Dôme du 3 décembre 2015 sont annulés.

Article 2 : L'État versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la SEMERAP et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

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N° 17LY02005


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02005
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : DUPLESSIS et BARDIN-ROUSSEL et METIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-28;17ly02005 ?
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