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28/05/2019 | FRANCE | N°17LY01360

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 17LY01360


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

- la décision du 12 février 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section du Rhône a autorisé la société Alcadia Entreprises à le licencier ;

- la décision implicite née le 10 août 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1508533 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de

Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 mars 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

- la décision du 12 février 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de la 2ème section du Rhône a autorisé la société Alcadia Entreprises à le licencier ;

- la décision implicite née le 10 août 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1508533 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 mars 2017, M. A..., représenté par Me Bledniak, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 janvier 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de la société Alcadia Entreprises une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées ;

- il n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour présenter utilement ses observations devant le comité d'entreprise ;

- l'autorisation de licenciement a été accordée pour un motif qui n'est pas celui mentionné dans la demande d'autorisation ;

- la nouvelle affectation litigieuse ne pouvait lui être imposée dès lors qu'elle modifiait son contrat de travail ; ainsi aucune faute ne peut lui être reprochée ;

- le licenciement est directement lié à l'exercice de ses mandats.

Par un mémoire enregistré le 13 mars 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Par un mémoire enregistré le 25 avril 2019, la société Alcadia Entreprises, représentée par Me Bousquet, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le requérant a été mis à même de préparer utilement sa défense avant la réunion du comité d'entreprise ;

- l'emploi de l'intéressé comporte par nature des déplacements ; de plus, des garanties lui avaient été accordées pour le bon exercice de son mandat ; il a persisté, de manière fautive, à refuser d'accomplir la mission qui lui avait été confiée ;

- compte tenu de sa gravité, cette faute est de nature à justifier son licenciement ;

- les décisions litigieuses sont suffisamment motivées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;

- les observations de Me Bousquet, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Alcadia Entreprises, qui exerce une activité de services et de conseil en ingénierie dans l'électronucléaire, a saisi l'inspecteur du travail, le 12 décembre 2014, d'une demande d'autorisation de licenciement, pour motif disciplinaire, de M. A..., salarié de l'entreprise depuis le 16 mars 2011, employé en qualité d'ingénieur projets et exerçant alors les mandats de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise. Par une décision du 12 février 2015, l'inspecteur du travail de la 2ème section du Rhône a autorisé le licenciement de M. A.... L'intéressé a formé un recours hiérarchique contre cette décision qui a été implicitement rejeté par le ministre chargé du travail. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de l'inspecteur du travail et du ministre.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. En premier lieu, le moyen, déjà soulevé en première instance par M. A..., tiré de ce que les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées, doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) ". Aux termes de l'article R. 2421-8 du même code : " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la consultation du comité d'entreprise faite en application de l'article L. 2421-3. A défaut de comité d'entreprise, cet entretien a lieu avant la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail. "

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été convoqué par lettre du 29 octobre 2014 à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 25 novembre 2014 à 14 heures au siège de l'entreprise et que la réunion du comité d'entreprise s'est tenue le 27 novembre 2014 à 14 heures à Paris. Toutefois, les faits reprochés étaient exposés dans la lettre du 29 octobre 2014, ainsi que dans celle du 6 novembre 2014 le convoquant à la réunion du comité d'entreprise. Il ressort des pièces du dossier et notamment du compte-rendu de l'entretien préalable du 25 novembre 2014, que M. A... a eu connaissance de ces faits, sur lesquels il s'est expliqué. Ainsi, le requérant a pu présenter utilement ses observations devant le comité d'entreprise. Par suite, la brièveté du délai séparant l'entretien préalable au licenciement et la réunion du comité d'entreprise n'a pas, en l'espèce, vicié la procédure interne à l'entreprise.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du courrier du 12 décembre 2014 que la société Alcadia Entreprises a envisagé le licenciement de M. A... pour un motif disciplinaire, tenant à " son refus d'accomplir une mission en dépit de l'engagement de mobilité qu'il a souscrit sans réserve et des garanties offertes par notre société afin de lui permettre d'exercer son mandat ". La décision de l'inspecteur du travail du 12 février 2015 qui autorise le licenciement de l'intéressé se fonde sur son refus, qu'elle qualifie de fautif, de changement des conditions de travail. Ainsi, l'administration a autorisé le licenciement de M. A... pour un motif disciplinaire. Par suite, le moyen tiré ce que l'inspecteur du travail se serait fondé illégalement fondé sur un motif distinct de celui invoqué par l'employeur à l'appui de sa demande doit être écarté.

7. En quatrième lieu, le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute. En cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus. Après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié, que des conditions d'exercice de son mandat. En tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a refusé d'exécuter l'ordre de mission qui lui avait été donné, de se présenter 13 octobre 2014, chez un client à Flamanville. Si cette mission lui imposait de se déplacer à trois cent quatre-vingts kilomètres de Paris, lieu de son affectation, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'ordre de mission du 13 octobre 2014 qu'elle était d'une durée prévisionnelle d'un mois renouvelable deux fois, qu'elle était accompagnée d'une proposition d'indemnisation des frais professionnels sur la base des dispositions relatives aux " grands déplacements " et qu'elle relevait de ses compétences professionnelles ainsi que des obligations de déplacements inhérentes à la nature de ses fonctions d'ingénieur projets. Ainsi, et contrairement à ce que soutient le requérant, qui ne peut utilement faire valoir qu'il n'était soumis à aucune clause de mobilité, cette mission ne peut être regardée comme constituant une modification de son contrat de travail, mais comme un simple changement dans ses conditions de travail. Enfin, si le requérant soutient que l'acceptation de cette mission l'aurait empêché d'exercer ses mandats syndicaux, il ressort des pièces du dossier que l'employeur avait prévu d'assimiler les temps de déplacements nécessaires à la prise des heures de délégation à du temps de travail effectif et de doubler le crédit de ses heures mensuelles de délégation. Par suite, le refus de M. A... d'exécuter l'ordre de mission qui lui avait été notifié et qui concernait un client important de la société, est constitutif d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges.

9. En dernier lieu, M. A... fait valoir que depuis qu'il exerce ses mandats de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise, ses conditions de travail se sont fortement détériorées et qu'il a été contraint de saisir le conseil de prud'hommes pour ces faits, en 2014. Toutefois, les pièces qu'il produit et les éléments qu'il décrit ne révèlent pas l'existence d'une discrimination personnelle à raison de son activité syndicale. Par suite, c'est à bon droit que l'inspecteur du travail n'a pas retenu l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats de l'intéressé.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le paiement à la société Alcadia Entreprises d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la société Alcadia Entreprises la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société Alcadia Entreprises et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

2

N° 17LY01360


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01360
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : ATLANTES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-28;17ly01360 ?
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