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23/05/2019 | FRANCE | N°18LY04664

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 23 mai 2019, 18LY04664


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère a décidé son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1807521 du 30 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 décembre 2018, le préfet de l'Isère demande à la cour

:

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif du 30 no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Isère a décidé son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1807521 du 30 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 décembre 2018, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif du 30 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de l'insuffisante motivation de la décision.

Par un mémoire enregistré le 18 mars 2019, Mme A..., représentée par Me Huard, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la requête du préfet est irrecevable faute d'être accompagnée du jugement attaqué ;

- l'Italie ayant donné son accord à sa reprsie en charge il y a plus de six mois, la France est devenue compétente pour examiner sa demande d'asile ;

- le motif d'annulation retenu par le premier juge est fondé ;

- elle reprend les moyens de sa demande devant le tribunal administratif, tirés de l'insuffisante motivation de la décision, de son insuffisance de base légale, de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, de la méconnaissance des articles 4, 5, 23 et 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin2013 et de l'absence de réalité d'une demande de reprise en charge.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante nigériane, née le 4 septembre 1989, s'est présentée à la préfecture de l'Isère le 5 septembre 2018 pour demander l'asile. Par un arrêté du 14 novembre 2018, le préfet de l'Isère a prononcé son transfert aux autorités italiennes, qu'il a estimé responsables de sa demande d'asile. Ce préfet relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Sur la fin de non recevoir opposée à la requête par Mme A... :

2. Aux termes de l'article R. 811-13 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV (...) ". Aux termes de l'article R. 412-1 dudit code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée (...) ". Contrairement aux allégations de Mme A..., la requête du préfet, qui est accompagnée du jugement attaqué, satisfait aux prescriptions qu'imposent ces dispositions.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

3. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

5. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

6. La décision de transfert en litige vise, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013, notamment son article 18, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle énonce que Mme A... a demandé l'asile en France et que ses empreintes, comparées aux bases de données européennes, ont révélé qu'elle avait précédemment déposé une demande d'asile en Italie, pays dont les autorités ont été saisies le 4 octobre 2018 d'une demande de reprise en charge de l'intéressée en application de l'article 18-1 b du règlement (UE) n° 604/2013 et ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 18 octobre 2018 en application des articles 22.7 et 25.2 de ce règlement. Ainsi, cette décision satisfait à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En conséquence, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que cette décision est insuffisamment motivée.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A... en première instance et en appel.

Sur les autres moyens invoqués par Mme A... :

S'agissant du délai fixé par l'article 29 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 :

8. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant ".

9. Il résulte de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

10. En l'espèce, le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, interrompu par le recours devant le tribunal administratif, a recommencé à courir intégralement à compter de la date à laquelle le premier juge a statué, le 30 novembre 2018, et n'est pas expiré à la date du présent arrêt.

S'agissant de l'application de l'article 5 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 :

11. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "

12. Le préfet a produit devant le tribunal administratif les pièces établissant que ces dispositions ont, en l'espèce, été respectées, Mme A... ayant bénéficié, le 5 septembre 2018, d'un entretien avec un agent qualifié de la préfecture.

S'agissant de l'application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 :

13. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.

14. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a déposé sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile à la préfecture et a bénéficié, le 5 septembre 2018, d'un entretien à l'occasion duquel lui a été remis le guide d'accueil du demandeur d'asile, en langue anglaise, ainsi que les deux brochures d'information A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", également en langue anglaise, langue que Mme A...a indiqué comprendre lors de cet entretien. Si Mme A... soutient que ces brochures ne lui ont été remises qu'à l'issue de cet entretien en préfecture, elle a reçu en temps utile toutes les informations requises pour lui permettre de faire valoir ses observations. Dès lors, le préfet n'a pas méconnu l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

15. La brochure d'information A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " fait notamment mention de l'existence d'un droit d'accès aux données concernant l'intéressé et d'un droit de rectification de ces données. Ainsi, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas été informée de son droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données, en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

S'agissant de l'article 15 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

16. Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

17. Il résulte de ce qui précède que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

18. Il ressort des pièces du dossier et notamment des copies des accusés de réception " DubliNet " produites par le préfet comportant le numéro de référence du dossier de Mme A..., que les autorités italiennes ont effectivement été saisies, le 4 octobre 2018, d'une demande de reprise en charge la concernant et qu'elles ont accepté implicitement leur responsabilité.

S'agissant de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

19. Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. / Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l'Etat membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale au sens de l'article 20, paragraphe 2. / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'Etat membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. / 4. Une requête aux fins de reprise en charge est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend des éléments de preuve ou des indices tels que décrits dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou des éléments pertinents tirés des déclarations de la personne concernée, qui permettent aux autorités de l'Etat membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. "

20. Il en résulte que l'article 23 paragraphe 2 du règlement Dublin III fait obstacle à ce qu'une requête aux fins de reprise en charge puisse être valablement formulée plus de trois mois après l'introduction d'une demande de protection internationale, même si cette requête est formulée moins de deux mois après la réception d'un résultat positif Eurodac, au sens de cette disposition.

21. En l'espèce, la demande de reprise en charge de Mme A... adressée aux autorités italiennes, conformément aux dispositions du 4 de l'article 23 du règlement du 26 juin 2013, le 4 octobre 2018, est intervenue dans le délai de trois mois suivant sa demande d'asile, du 5 septembre 2018, et dans le délai de deux mois suivant le résultat positif Eurodac, de la même date.

S'agissant de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

22. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre ; c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l'apatride qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre. (...) ".

23. Le préfet de l'Isère a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de Mme A... sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et ces autorités ont donné leur accord. L'intéressée allègue, sans l'établir, que, sa demande d'asile ayant été rejetée en Italie, sa situation ne relevait pas de ces dispositions. Toutefois, à supposer que sa demande d'asile en Italie ait été effectivement rejetée, le préfet pouvait décider son transfert sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, la substitution de cette base légale à celle du b) n'ayant pas pour effet de priver Mme A... d'une garantie et l'administration disposant du même pouvoir d'appréciation. Par suite, la circonstance que la demande d'asile de l'intéressée aurait été rejetée en Italie resterait sans incidence sur la légalité de la décision de transfert en litige.

S'agissant de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

24. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

25. La faculté laissée à chaque Etat membre, par le 1. de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

26. Si Mme A... fait valoir que les autorités italiennes, submergées par un afflux de migrants, ne sont pas en mesure d'assurer son accueil et l'instruction de sa demande d'asile dans des conditions conformes aux exigences du droit de l'Union européenne, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait privée en Italie du respect des garanties accordées par le droit d'asile en termes d'accueil et d'examen particulier de sa demande. Dès lors, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage, en l'espèce, de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

S'agissant des autres moyens :

27. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16, relatif aux personnes à charge, du règlement (UE) n° 604/2013, n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

28. Si Mme A... soutient que la décision litigieuse ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'elle comprend, en méconnaissance de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013, les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité.

29. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision en litige.

30. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de Mme A... au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 30 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 mai 2019.

N° 18LY04664 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04664
Date de la décision : 23/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-23;18ly04664 ?
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