Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E...A...et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 24 juillet 2017 par laquelle préfet du Rhône a rejeté la demande de regroupement familial présentée par Mme A...au bénéfice de son époux et de leur fille et d'enjoindre au préfet d'accorder l'autorisation de regroupement familial au profit de M. A...et de leur fille dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1707129 du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2018, Mme et M.A..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 septembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer leur situation et d'accorder à Mme A... l'autorisation de regroupement familial au bénéfice de son époux et de leur enfant dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- M. A...est recevable à former une intervention dès lors qu'il dispose d'un intérêt suffisant au soutien des conclusions de Mme A...tendant à l'annulation de la décision critiquée ;
- le tribunal administratif a omis de répondre aux conclusions relatives à l'annulation de la décision refusant l'admission de leur enfant, Maria ;
- la décision est insuffisamment motivée et est dépourvue d'un examen particulier de leur situation dès lors que le préfet n'expose pas les motifs l'ayant conduit à estimer que sa décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; le préfet n'a statué que sur les droits de M. A...et non sur les droits de leur fille, peu important la circonstance que sa fille serait titulaire d'un document de circulation pour étranger mineur valable jusqu'au 31 juin 2021 ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a statué que sur les droits de M. A...et non sur les droits de leur fille alors même qu'elle serait titulaire d'un document de circulation pour étranger mineur valable jusqu'au 31 juin 2021 ;
- son époux justifie, à la date de la demande, d'une entrée régulière sur le territoire français et du caractère habituel de sa résidence en France ainsi que de solides attaches ; le refus de séjour du 26 janvier 2017, assorti d'une obligation à quitter le territoire français, fait l'objet d'un recours pendant devant la cour ;
- le préfet s'est estimé à tort lié par le séjour irrégulier de M. A...et a méconnu l'étendue de son pouvoir d'appréciation ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation, a méconnu l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, les articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que Mme A...est orpheline de mère, qu'elle réside régulièrement en France depuis sa minorité, que l'ensemble de ses attaches familiales se situe en France ; la réalité de la vie commune entre les époux n'est pas contestée ; son logement est conforme aux normes réglementaires et elle travaille sous couvert de deux contrats à durée déterminée ; elle a perçu d'octobre 2015 à novembre 2016, la somme de 571,61 euros mensuels au titre de ses contrats de travail et établit avoir perçu de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône des indemnités journalières pendant la même période de 862,18 euros mensuels ; elle a également perçu entre septembre et novembre 2016 une somme mensuelle de 834,38 euros au titre de l'allocation de retour à l'emploi ; elle a donc perçu une somme mensuelle de 2 268,60 euros durant la période litigieuse ; son époux bénéficie de perspectives sérieuses d'emploi en France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Caraës.
Une note en délibéré a été produite le 22 mai 2019 pour Mme B...épouseA....
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante algérienne née le 8 février 1987, est titulaire d'un certificat de résidence de dix ans valable jusqu'au 29 janvier 2025. Le 6 septembre 2014, elle s'est mariée avec M.A..., ressortissant algérien né le 15 novembre 1974 qui a déclaré être entré en France le 26 février 2008 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa C multi-entrées de 30 jours mention " voyage d'affaires ". Le 14 octobre 2015, Mme A...a sollicité le bénéfice du regroupement familial au profit de son époux. Par décision du 27 mai 2016, le préfet du Rhône a rejeté sa demande en raison de la présence en France de son conjoint en situation irrégulière. Le 29 novembre 2016, elle a présenté une nouvelle demande de regroupement familial au bénéfice de son époux et de sa fille, Maria, née le 3 mai 2016. Par décision du 24 juillet 2017, le préfet du Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial aux motifs que ses ressources sur la période des douze mois précédant sa demande seraient insuffisantes et que son époux s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de son visa. Mme et M. A...relèvent appel du jugement du 13 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Sur l'intervention de M.A... :
2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct (...) ". L'intervention de M. A...n'a pas été présentée par mémoire distinct. Dès lors, elle n'est pas recevable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. La procédure de regroupement familial qui a pour objet de permettre au conjoint étranger et aux enfants nés en dehors du territoire français de rejoindre le ressortissant étranger séjournant régulièrement en France n'a pas vocation à s'appliquer aux enfants nés et vivant en France qui bénéficient soit d'un document de circulation pour mineur étranger soit d'un titre d'identité républicain pour mineur étranger.
4. Il résulte des pièces du dossier que l'enfant du couple, Maria, est née le 3 mai 2016 en France et y vit depuis cette date. Dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Lyon a omis de répondre au moyen tiré de l'absence d'examen de la demande de regroupement familial au bénéfice de la fille de MmeA..., Maria, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée. Par suite, le tribunal administratif de Lyon n'a commis aucune irrégularité en s'abstenant d'y répondre.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
5. Pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par MmeA..., le préfet du Rhône, après avoir cité les dispositions applicables de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en matière de regroupement familial, a indiqué, d'une part, que l'intéressée ne disposait pas de ressources suffisantes, d'autre part, que son époux, M.A..., ne justifiait pas avoir été mis en possession d'un titre de séjour d'un an pour pouvoir bénéficier d'une procédure de regroupement familial à partir du territoire français et avait fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 26 janvier 2017. La circonstance que le préfet du Rhône se soit borné à indiquer, sans davantage de précision, qu'il n'était pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale n'est pas de nature à caractériser un défaut de motivation. Dès lors, la décision attaquée qui fait apparaître les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut être accueilli.
6. La circonstance que le préfet n'a pas motivé sa décision au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne révèle pas un défaut d'examen particulier de la demande de Mme A....
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône se serait cru en situation de compétence liée compte tenu de la situation irrégulière de M. A...pour rejeter la demande de regroupement familial et ce alors qu'il ressort notamment des termes de la décision critiquée que le préfet s'est interrogé sur l'opportunité d'accorder ou non une mesure dérogatoire de regroupement familial.
8. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance. Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont également applicables aux ressortissants algériens dès lors qu'elles sont compatibles avec les stipulations de l'accord franco-algérien : " (...) les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période (...) ". L'article R. 421-4 du même code également applicable aux ressortissants algériens dispose : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : (...) / 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande (...) ".
9. Il résulte de la combinaison des stipulations précitées de l'accord franco-algérien et des dispositions des articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période. Toutefois, si ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours loisible au préfet de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.
10. Il ressort des pièces du dossier, notamment des fiches de salaire, des relevés d'allocations chômage et de l'attestation d'indemnités journalières produits, que les ressources perçues par Mme A...au cours de la période de douze mois précédant la demande de regroupement familial, étaient en moyenne de 1 047,70 euros net par mois. Ce revenu est inférieur à la moyenne du salaire minimum interprofessionnel de croissance net qui était évalué à 1 135,99 euros en 2015 et 1 141,61 euros en 2016. Par suite, en refusant pour ce motif, la demande de regroupement familial de MmeA..., le préfet du Rhône n'a méconnu ni les stipulations précitées de l'accord franco-algérien ni les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. La circonstance que l'époux de la requérante bénéficie d'une promesse d'embauche est sans incidence sur la légalité de la décision.
12. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la procédure de regroupement familial n'a pas vocation à s'appliquer aux enfants nés et vivant en France. Par suite, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur de droit en s'abstenant d'examiner la demande de regroupement familial présentée par Mme A...au bénéfice de sa fille née en France.
13. Lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter la demande même dans le cas où l'étranger demandeur du regroupement ne justifierait pas remplir l'une des conditions requises tenant aux ressources, au logement ou à la présence anticipée d'un membre de la famille sur le territoire français, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. Mme A...soutient qu'elle réside sur le territoire français depuis sa minorité et qu'elle s'est mariée le 6 septembre 2014 avec un compatriote avec qui elle a eu enfant, né en France le 3 mai 2016, qu'elle est entourée de toute sa famille qui réside régulièrement en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que son époux s'est maintenu irrégulièrement en France malgré une mesure d'éloignement prise à son encontre le 26 janvier 2017 et que leur enfant n'avait pas encore un an à la date de la décision contestée. Dans ces conditions, compte tenu des buts poursuivis et eu égard aux effets du refus de regroupement familial, qui ne constitue pas une mesure d'éloignement, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme A...et de son époux au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, et en l'absence de circonstance particulière, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale des intéressés.
16. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
17. La décision en litige, qui ne constitue pas une mesure d'éloignement, n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant du couple ou de l'un ou l'autre de ses parents. Ainsi, cette décision ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de l'enfant de la requérante, garanti par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de M. A...n'est pas admise.
Article 2 : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...et Mme C...A...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 mai 2019.
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N° 18LY04065