Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler les décisions du 26 janvier 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour lui donnant droit au travail sous la même astreinte.
Par un jugement n° 1701713 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 août 2017, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 19 septembre 2017, le 24 juillet 2018 et le 19 février 2019, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 juillet 2017 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du 26 janvier 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui donnant droit au travail sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
- le préfet a commis une erreur de fait et n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation dès lors que son passeport comporte un visa délivré par l'autorité consulaire française à Annaba et les cachets de départ de Constantine à destination de Lyon en date du 22 février 2008 ; cet état de fait est attesté par la notification de la décision de maintien en zone d'attente délivrée le 22 février 2008 ; il est revenu en France le 26 février 2008 ; il justifie de sa présence continue en France en produisant les attestations d'hébergement établies par son frère et sa belle-soeur chez lesquels il s'est installé depuis son entrée sur le territoire français, des factures nominatives, des ordonnances médicales, des comptes-rendus d'analyses médicales, des attestations de la caisse primaire d'assurance maladie, un abonnement de transport ; il produit son passeport expiré lequel ne fait apparaître aucune date de sortie du territoire français ;
- la décision méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il s'est marié le 6 septembre 2014 avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence de 10 ans ; l'ensemble des membres de la famille de son épouse réside en France ; il a noué une relation avec son épouse dès 2012 et a vécu au domicile des parents de son épouse ; de cette relation est né un enfant le 3 mai 2016 sur lequel il exerce l'autorité parentale ; à la date de la décision attaquée, sa femme était enceinte de triplés et les médecins ont conclu à la nécessité de sa présence auprès de son épouse ; un nouvel enfant est né de son union avec son épouse le 22 juin 2018 ;
- la première demande de regroupement familial a fait l'objet d'un refus d'instruction par les services de l'OFII au seul motif de sa présence sur le territoire ; son épouse a formulé une seconde demande qui a été rejetée par le préfet du Rhône le 24 juillet 2017 ; son épouse travaille et il justifie de perspectives sérieuses de travail en qualité d'employé polyvalent ;
- le préfet a méconnu l'étendue du pouvoir d'appréciation dont il dispose en matière de régularisation ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur et la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui refusant un délai de départ volontaire supérieur et la décision fixant le pays de renvoi sont illégales du fait de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
- ces décisions méconnaissent le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour les mêmes motifs que ceux précédemment invoqués ;
Par un mémoire, enregistré le 20 septembre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont irrecevables compte tenu de ce que Me B...n'allègue pas avoir exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée et d'autre part elle n'a pas demandé que lui soit versée la somme correspondant aux frais exposés qu'elle aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ;
- M. A...relève de la procédure de regroupement familial et il ne pouvait espérer être admis au séjour en mettant les autorités françaises devant le fait accompli de sa présence en France ;
- il n'est pas fondé à se prévaloir de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son mariage est récent et qu'il ne pouvait ignorer la précarité de sa situation ; il ne démontre pas l'impossibilité pour lui de retourner vivre dans son pays avec son épouse de même nationalité ; sa mère et un frère et une soeur vivent en Algérie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Caraës.
Une note en délibéré a été produite le 22 mai 2019 pour M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant algérien né le 15 novembre 1974, déclare être entré en France le 22 février 2008 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa C multi-entrées de 30 jours mention " voyage d'affaires ". Le 27 mai 2016, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par arrêté du 26 janvier 2017, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. A...relève appel du jugement du 6 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2017.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet du Rhône a procédé à un examen particulier de la situation de M. A...notamment au regard de ses attaches familiales et de la présence de son enfant en France.
3. M. A...soutient résider en France depuis février 2008 et n'avoir plus quitté le territoire français depuis cette date. M. A...entend justifier sa présence en France pour l'année 2008 et 2009 par des factures manuscrites concernant l'achat d'un téléphone portable, le nettoyage de vêtements, et en appel par une facture pour l'achat d'une machine à café, deux factures de course, une facture pour l'achat d'un bijou ; pour l'année 2010 et 2011, par quatre factures manuscrites concernant l'achat de vêtement et en appel, par trois nouvelles factures ; pour l'année 2012, par une facture d'achat d'un vêtement, une facture concernant de la couture, une ordonnance du 18 février, une facture concernant l'achat de médicaments, un avis d'imposition pour les revenus de l'année 2012 faisant apparaître un montant nul de l'impôt ; pour l'année 2013, par des factures manuscrites concernant l'achat de bijoux, l'achat d'aliments, un avis d'imposition pour les revenus de l'année 2013 faisant apparaître un montant nul de l'impôt et en appel une nouvelle facture ; pour l'année 2014, par des factures concernant de la couture, l'achat de vêtement, de bijoux, un abonnement au TCL et en appel par une nouvelle facture. Toutefois, et comme l'ont relevé les premiers juges, ces documents ne suffisent pas à établir le caractère habituel de sa présence sur le territoire français à partir de février 2008. Par suite, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet du Rhône a estimé que l'intéressé ne justifiait pas, par la production de documents probants, avoir sa résidence habituelle en France depuis son entrée sur le territoire français.
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
5. En sa qualité de conjoint d'un ressortissant étranger séjournant régulièrement en France depuis plusieurs années sous couvert d'un titre de séjour, M. A...entre dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial. Il ne peut dès lors utilement se prévaloir des stipulations précitées du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance...".
7. M. A...fait valoir qu'il s'est marié le 6 septembre 2014 avec une compatriote, titulaire d'une carte de résidence de dix ans, qui travaille ; qu'il est père d'un enfant né en 2016 de cette union ; qu'il dispose d'une promesse d'embauche et que la demande de regroupement familial a été rejetée. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. En l'espèce, il est constant que M. A... était en situation irrégulière lorsqu'il a développé sa vie privée et familiale en France. Il ne pouvait ignorer par suite qu'il était susceptible de faire l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour accompagné d'une mesure d'éloignement. L'union dont il se prévaut et la communauté de vie avec son épouse sont récentes à la date de l'arrêté du préfet. Par ailleurs, rien ne s'oppose à ce que les épouxA..., eu égard à leur nationalité commune, puissent développer, s'ils le désirent, leur vie familiale en Algérie. Il n'est pas établi que leur enfant, eu égard à son jeune âge, ne puisse vivre dans des conditions satisfaisantes en Algérie quand bien même il est né en France. Quant au second enfant, celui-ci est né postérieurement à la décision attaquée. En outre, M. A...dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère, un frère et une soeur. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, et nonobstant la circonstance que Mme A...réside en France régulièrement depuis sa minorité avec sa famille, travaille et qu'elle était enceinte d'un peu plus de deux mois à la date de l'arrêté contesté, et alors même que la demande de regroupement familial qu'elle avait présentée n'a pas été instruite en raison de la présence de M. A...en France, le préfet en adoptant la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ladite décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Dans les circonstances susrappelées, M. A...n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Si M. A...se prévaut de la séparation d'avec son enfant qu'induit la décision attaquée, ce risque de séparation résulte du maintien du domicile familial en France malgré la situation irrégulière de l'intéressé. Aucune circonstance impérieuse de nature à faire obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie n'est établie. Par suite, eu égard notamment ce qui a été dit au point 7, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
9. Le préfet a indiqué dans sa décision " qu'une mesure dérogatoire n'a pas paru justifiée ". Ainsi il a bien examiné si la situation du requérant justifiait qu'il soit fait usage du pouvoir discrétionnaire dont il disposait. Il ne ressort ni des termes de la décision ni des autres pièces du dossier que le préfet aurait méconnu l'étendue des pouvoirs d'appréciation dont il dispose en matière de régularisation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur, et de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Les moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour ayant été écartés, M. A... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception l'illégalité de cette décision au soutien des conclusions de sa requête dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur et la décision fixant du pays de renvoi.
11. Eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, les moyens que soulève M.A..., au soutien de ses conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours et fixation du pays de renvoi, tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'Etat présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Etat présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 mai 2019.
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N° 17LY03066