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23/05/2019 | FRANCE | N°17LY01269

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 23 mai 2019, 17LY01269


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...E..., représenté par MeB..., a demandé le 19 août 2015 au tribunal administratif de Dijon de condamner la commune de Mâcon à lui verser les sommes suivantes :

- au titre du préjudice matériel : 8 101,76 euros ;

- au titre du préjudice corporel : à titre principal de surseoir à statuer et d'ordonner avant-dire-droit une expertise médicale et dans l'attente de condamner la commune de Mâcon à lui verser une provision, à titre subsidiaire de condamner la commune de Mâcon à lui verser

42 000 euros et de réserver le poste incapacité permanente et le poste lié aux troubles li...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...E..., représenté par MeB..., a demandé le 19 août 2015 au tribunal administratif de Dijon de condamner la commune de Mâcon à lui verser les sommes suivantes :

- au titre du préjudice matériel : 8 101,76 euros ;

- au titre du préjudice corporel : à titre principal de surseoir à statuer et d'ordonner avant-dire-droit une expertise médicale et dans l'attente de condamner la commune de Mâcon à lui verser une provision, à titre subsidiaire de condamner la commune de Mâcon à lui verser 42 000 euros et de réserver le poste incapacité permanente et le poste lié aux troubles liés à son hospitalisation du 28 juin 2014.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or a indiqué ne pas être en mesure de chiffrer sa créance définitive et a demandé à ce que ses droits soient réservés.

Par un jugement n° 1502325 du 12 janvier 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. E...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mars 2017, M.E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon ;

2°) de condamner la commune de Mâcon à lui verser les sommes suivantes :

- au titre du préjudice matériel : 8 101,76 euros ;

- au titre du préjudice corporel : à titre principal de surseoir à statuer et d'ordonner avant-dire-droit une expertise médicale et dans l'attente de condamner la commune de Mâcon à lui verser une provision d'un montant de 42 000 euros, à titre subsidiaire de condamner la commune de Mâcon à lui verser 42 000 euros et de réserver le poste incapacité permanente et le poste lié aux troubles liés à son hospitalisation du 28 juin 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mâcon les dépens dont les frais d'expertise et une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

-il est tombé dans l'un des " gros trous " situé sur le côté de la passerelle provisoire alors qu'il marchait sur celle-ci, que de tels trous étaient insuffisamment protégés par des barrières instables qui n'ont pas pu empêcher sa chute ; que la passerelle aurait dû être revêtue d'une matière antidérapante ou aurait dû être salée de manière préventive compte tenu de la période de fortes gelées ; que la circonstance qu'il ait été en état d'ébriété ait indifférente dès lors qu'il a simplement pris appui sur les barrières en s'avançant prudemment sur la passerelle ;

- de tels éléments établissent l'absence d'entretien normal de l'ouvrage public par la commune de Mâcon ; la responsabilité de la commune est par suite engagée ; celle-ci doit l'indemniser des préjudices subis en lien avec sa chute ;

- son préjudice matériel s'élève à 8 101,76 euros ;

- une expertise médicale doit être réalisée dans le cadre d'un arrêt avant-dire-droit aux fins de déterminer l'ensemble des préjudices causés par cette chute ; la commune doit dans l'attente de cette expertise être condamnée à lui verser à titre provisionnel une somme de 42 000 euros ;

- il a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire total d'un mois et demi indemnisable à hauteur de 2 504,84 euros ; il a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire qui doit être évalué à 5 477,77 euros ; son pretium doloris doit être estimé à 8 000 euros ; son préjudice d'esthétique s'élève à 8 000 euros, son préjudice d'agrément peut être estimé à 8 000 euros ; le déficit fonctionnel permanent peut être évalué à 10 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 10 juillet 2017, la commune de Mâcon, représentée par la SELARL Phelip et associés, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire les prétentions indemnitaires de M. E...à de plus justes proportions ;

3°) de mettre à la charge de M. E...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune preuve de la matérialité des faits n'est rapportée par M. E...alors que celui-ci a sur ce point la charge de la preuve ; l'attestation rédigée trois ans après les faits ne saurait en l'espèce avoir valeur probante ; l'attestation du SDIS ne précise pas les circonstances et le déroulement de l'accident ; les travaux étaient très éloignés des barrières de chantier et du passage sur lequel il indique être tombé ; le 2 février, aucune cavité ne se situait à proximité immédiate des barrières ;

- aucun défaut d'entretien normal ne saurait lui être reproché, seules les fautes de la victime sont à l'origine de l'accident ; en l'espèce, les travaux étaient signalés et balisés, les barrières étaient fixées les unes aux autres et maintenues par des piquets métalliques enfoncés dans le sol ; des panneaux attention piétons cheminement difficile avaient été installés tout au long du parcours piéton ; le chantier était parfaitement délimité et interdit au public ; il n'existait pas de trou à proximité immédiate de la passerelle ; le tribunal administratif n'a pas validé les allégations du requérant mais a mentionné ses dires ; les souvenirs du requérant alors qu'il était en état d'ébriété ne sont pas fiables ; le PV d'audition de M.D... contredit les allégations du requérant sur l'instabilité des barrières ; la présence de gel qui aurait rendue glissante la passerelle n'est pas établie ; il appartenait en cas de gel au requérant de faire preuve d'une particulière prudence ; en dépit de l'heure tardive, la visibilité était bonne compte tenu des spots ayant été installés ; lors de l'accident, le requérant était en état d'ébriété et est tombé en tentant d'emprunter la passerelle ; le requérant connaît bien les lieux et connaissait l'existence des travaux car il réside à proximité immédiate de la place Saint Pierre ;

- le requérant ne justifie pas de la perte d'une montre de collection lors de sa chute ou de la circonstance qu'elle soit irréparable à raison de cette chute

- le requérant ne peut pas demander au titre de son déficit fonctionnel temporaire total une indemnisation sur la base du SMIC car ce chef de préjudice ne correspond pas à une perte de revenus ; la somme maximale susceptible de lui être allouée ne peut pas dépasser 900 euros ; l'incapacité partielle n'est pas établie ; le taux de l'incapacité partielle n'est pas non plus établi ;

- le pretium doloris et le préjudice d'agrément sont surévalués ;

- le préjudice esthétique n'est pas établi ;

- l'incapacité permanente n'est pas établie ; la diplopie dont il dit être atteint depuis 2014 n'est pas en lien avec l'accident en cause de 2012 ;

Par un mémoire, enregistré le 25 septembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or, représenté par la SELARL BDL Avocats, demande à la cour :

1°) de condamner la commune de Mâcon à lui verser la somme de 42 974,20 euros en réparation des prestations et débours qu'elle a payés pour le compte de M. E...;

2°) de mettre à la charge de la commune de Mâcon une somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- M. E...a fait une chute le 2 février 2012 dans un trou, place Saint Pierre ;

- si la responsabilité de la commune est retenue par la cour, ses débours provisoires sont d'un montant de 42 974,20 euros ; le chiffrage définitif des débours pourra être établie par l'expertise médicale à diligenter ; il y a lieu de lui donner acte des réserves sur les prestations non encore chiffrées à ce jour ;

- elle a droit, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, à l'indemnité forfaitaire de gestion pour un montant de 1 055 euros ;

Par ordonnance du 19 avril 2017, M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Caraës, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Depuis le début du mois de janvier 2012, la place Saint Pierre située à Mâcon dans la zone piétonne, a fait l'objet de travaux publics. M.E..., né le 18 mai 1945, expose avoir fait une chute et s'être sévèrement blessé le 1er février 2012 à 23 heures dans un " gros trou ", causé par lesdits travaux publics, situé en contrebas de barrières de protection et d'une petite passerelle en bois encastrée dans la voie piétonne de la Place Saint Pierre à Mâcon alors qu'il était en train de marcher sur cette passerelle laquelle aurait été rendue glissante par l'humidité et le froid. Les sapeurs-pompiers du SDIS de Saône-et-Loire sont intervenus le 2 février 2012 à 1h54 pour secourir M. E... et le transporter aux urgences du centre hospitalier de Mâcon. Ont été diagnostiqués aux urgences de Macon à 2h42 le même jour, un état d'ébriété, un traumatisme facial majeur, des bris dentaires et différentes plaies et contusions. M. E...a recherché devant le tribunal administratif de Dijon la responsabilité de la commune de Mâcon dans la survenue de cette chute pour défaut d'entretien normal du passage constitué par cette passerelle en bois et les barrières de protection l'encadrant. Il relève appel du jugement du 12 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur la responsabilité :

2. Il appartient à la victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage dont s'agit et le dommage dont elle se prévaut. La collectivité en charge de l'ouvrage peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve, soit de l'entretien normal de celui-ci, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime, soit encore d'un cas de force majeure.

3. En appel, M. E...reprend son argumentation selon laquelle il aurait chuté alors qu'il empruntait une étroite passerelle en bois implantée dans le sol bordée de barrières de protection lesquelles auraient été instables, le tout placé entre deux trous de grande profondeur. Il indique que s'étant appuyé sur les barrières de protection pour franchir de manière prudente la passerelle en bois, dépourvue de manière antidérapante, laquelle aurait été glissante à cet horaire de la nuit du fait de l'absence de salage préventif, il est tombé dans l'un de ces deux trous à raison de l'insuffisance de protection de telles barrières de protection qui sont tombées lors de son passage. Il soutient que l'appréciation du tribunal administratif selon laquelle sa chute est exclusivement imputable à son état d'ébriété et à sa grave faute d'imprudence en manquant d'attention alors qu'il connaissait les lieux et les travaux sur la place Saint Pierre est erronée.

4. M. E...ne produit aucun élément corroborant ses allégations relatives au déroulement de sa chute et en particulier le lieu d'où il est tombé, les circonstances exactes et la cause précise de sa chute. Il n'établit ainsi pas le lien de causalité entre sa chute et l'ouvrage public en cause, constitué par la passerelle en bois et les barrières encadrant celle-ci.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Mâcon. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. E...la somme demandée par la commune de Mâcon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E...et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Mâcon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte-d'Or et à la commune de Mâcon.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président de la formation de jugement,

Mme Cottier et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 23 mai 2019.

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N° 17LY01269


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public. Tiers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme CARAËS
Avocat(s) : PHILIP DE LABORIE-BARIOZ-MICHAUD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 23/05/2019
Date de l'import : 11/06/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17LY01269
Numéro NOR : CETATEXT000038546161 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-23;17ly01269 ?
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