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09/05/2019 | FRANCE | N°18LY00631

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 09 mai 2019, 18LY00631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, l'arrêté du 12 janvier 2018 du préfet de l'Isère lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour en France d'un an et, d'autre part, l'arrêté du même jour de la même autorité l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Par un jugement n° 1800184 du 17 janvier 2018, le magistrat désigné du tribu

nal a partiellement fait droit à sa demande en annulant la décision refusant un délai d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, d'une part, l'arrêté du 12 janvier 2018 du préfet de l'Isère lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour en France d'un an et, d'autre part, l'arrêté du même jour de la même autorité l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Par un jugement n° 1800184 du 17 janvier 2018, le magistrat désigné du tribunal a partiellement fait droit à sa demande en annulant la décision refusant un délai de départ volontaire et l'arrêté d'assignation à résidence.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 février 2018, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de l'interdiction de retour ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée et cette insuffisance de motivation révèle que le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;

- il a commis une erreur de droit, une erreur de fait et une erreur d'appréciation en se fondant sur le seul relevé du fichier Visabio ;

- la décision prononçant une interdiction de retour en France n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne menace pas l'ordre public et n'a jamais fait l'objet auparavant de mesure d'éloignement ;

- elle porte une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2018, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Par une lettre du 22 mars 2019, la cour a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties qu'elle envisageait de relever d'office l'irrégularité du jugement attaqué, en tant qu'il a omis de tirer les conséquences de l'annulation de la décision refusant un délai de départ volontaire qui prive de base légale la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.

Par une décision du 27 mars 2018, M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Michel ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant angolais, a déclaré être entré en France en 2013. Après avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance de la Drôme en qualité de mineur isolé, il a obtenu le 17 novembre 2016 une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié". L'instruction de sa demande de renouvellement de son titre de séjour a révélé qu'il était en possession d'un faux passeport et d'un faux acte de naissance. Estimant que l'intéressé se maintenait en situation irrégulière sur le territoire français depuis le 18 novembre 2017, le préfet de l'Isère, par un arrêté du 12 janvier 2018, l'a obligé à quitter le quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner en France pendant une durée d'un an. Par un autre arrêté du même jour, le préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable. Par un jugement du 17 janvier 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision lui refusant un délai de départ volontaire et l'arrêté d'assignation à résidence. M. B...relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de l'interdiction de retour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) ".

3. Comme il a été dit au point 1, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision refusant un délai de départ volontaire. Cette annulation impliquait, par voie de conséquence, l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, prise au visa des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est seulement fondée sur le refus de délai de départ volontaire. Par suite, en rejetant les conclusions de la demande dirigées contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, le magistrat désigné a méconnu son office. Le jugement attaqué, qui est irrégulier en tant qu'il statue sur ces conclusions, doit être annulé dans cette mesure.

4. Il y a lieu pour la cour, avant de se prononcer par la voie de l'évocation sur la décision portant interdiction de retour, de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, M. B...reprend en appel en des termes identiques le moyen déjà présenté en première instance, tiré de l'insuffisante motivation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs du jugement attaqué.

6. En deuxième lieu, le préfet s'étant fondé sur le fait qu'il avait sciemment utilisé de faux documents pour obtenir un titre de séjour, M. B...ne peut utilement soutenir qu'il n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle en ne prenant pas en compte le fait qu'il avait été confié à l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur isolé et qu'il lui avait délivré le 17 novembre 2016 une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ainsi qu'il a été dit au point 1.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M.B..., lorsqu'il s'est présenté à la préfecture de l'Isère le 10 novembre 2017 pour demander le renouvellement de ce titre de séjour, a produit un passeport angolais qui s'est avéré être un document falsifié par contrefaçon de la page d'état civil au terme d'une enquête de police judiciaire pour usage de faux document. En outre la consultation du fichier Visabio, prévue à l'article L. 611-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a permis de constater que l'intéressé était connu sous une autre identité. Lors de son audition dans le cadre de cette enquête M. B...a reconnu utiliser un alias. L'enquête a révélé que le numéro de l'acte de naissance qu'il a présenté à cette occasion correspond à une autre personne. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée serait entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation doivent être écartés.

Sur l'interdiction de retour :

8. Ainsi qu'il a été dit au point 3, l'annulation, devenue définitive, par le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble de la décision refusant un délai de départ volontaire prive de base légale la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui doit être annulée par voie de conséquence.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. B...est seulement fondé à demander l'annulation de la décision d'interdiction de retour.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. L'annulation par le présent arrêt de la décision interdisant à M. B...de retourner sur le territoire français pendant un an n'implique pas que le préfet de l'Isère lui délivre une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail dans l'attente du réexamen de sa situation. Les conclusions que M. B...présente à cette fin doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais du litige :

Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions relatives aux frais du litige présentées par M.B....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800184 du 17 janvier 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 12 janvier 2018 du préfet de l'Isère d'interdiction de retour sur le territoire français.

Article 2 : La décision du 12 janvier 2018 du préfet de l'Isère d'interdiction de retour de M. B... sur le territoire français est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2019, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, président, rapporteur,

M. Chassagne, premier conseiller,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 mai 2019.

4

N° 18LY00631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00631
Date de la décision : 09/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-09;18ly00631 ?
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