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09/05/2019 | FRANCE | N°17LY01840

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 09 mai 2019, 17LY01840


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 7 juillet 2015 du directeur de la maison d'arrêt de Moulins-Izeure le plaçant à l'isolement et de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant de l'illégalité fautive de cette décision.

Par un jugement n° 1501343 du 15 décembre 2016, le tribunal lui a donné acte du désistement d'instance de ses conclusions indemnitaires et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure d

evant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mai 2017, M.B..., représenté par MeA..., de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 7 juillet 2015 du directeur de la maison d'arrêt de Moulins-Izeure le plaçant à l'isolement et de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant de l'illégalité fautive de cette décision.

Par un jugement n° 1501343 du 15 décembre 2016, le tribunal lui a donné acte du désistement d'instance de ses conclusions indemnitaires et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 mai 2017, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'excès de pouvoir et la décision contestée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui n'est pas signé, a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière en ce que les mentions dans le système d'information du suivi de l'instruction sur le sens des conclusions du rapporteur public n'étaient pas suffisamment précises et ne respectaient pas les exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la convocation ne comportait pas les mentions légales et que la décision contestée portait atteinte au maintien de ses liens familiaux ;

- le délai minimal de trois jours avant la date du débat contradictoire prévu par la circulaire du 14 avril 2011 n'a pas été respecté ;

- il ressort de la convocation au débat contradictoire que ni la fiche de liaison, ni les comptes-rendus d'incident relatifs aux faits reprochés lui ont été préalablement communiqués ainsi qu'à son conseil ;

- le signataire de la notification de la mise en oeuvre de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'est pas identifiable ;

- la décision du 3 juillet 2015 de placement au quartier d'isolement à titre provisoire et la décision du 7 juillet 2015 contestée ont été prises par des autorités incompétentes dès lors que leur signataire n'est pas identifiable ;

- la délégation de signature au bénéfice de M.E..., signataire de la décision du 7 juillet 2015, n'a pas été affichée dans un endroit accessible ;

- cette décision, qui n'expose pas en quoi l'isolement est l'unique moyen de garantir la sécurité de l'établissement, n'est pas suffisamment motivée ;

- elle constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- elle est entachée d'inexactitude matérielle et d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B...n'est fondé et déclare s'en rapporter à son mémoire produit en première instance.

Par une décision du 14 mars 2017, M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- et les conclusions de MmeD... ;

Une note en délibéré présentée pour M. B...a été enregistrée le 12 avril 2019 ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C...B..., alors qu'il était détenu à la maison centrale du centre pénitentiaire de Moulins-Izeure, a été placé par une décision du 3 juillet 2015 du directeur de la maison centrale à l'isolement, à titre provisoire, pour une durée ne pouvant excéder cinq jours. Par une décision du 7 juillet 2015, la même autorité l'a placé à l'isolement. M. B...relève appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions d'excès de pouvoir de sa demande dirigées contre la décision du 7 juillet 2015.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le rapporteur public a fait connaître avant l'audience qu'il entendait conclure au " rejet au fond ". Cette mention ne méconnaît pas les exigences résultant de l'article R. 711-3 du code de justice administrative.

3. Au point 8 du jugement attaqué, le tribunal a écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que la convocation de M. B...au débat contradictoire du 7 juillet 2015 ne mentionnait pas le prénom, la qualité du signataire et l'heure du placement provisoire à l'isolement, au motif que l'absence de ces mentions est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors qu'en tout état de cause l'intéressé ne conteste pas avoir été destinataire de la convocation. Par ailleurs, le moyen tiré de l'atteinte au maintien de ses liens familiaux était soulevé par M. B...à l'appui de ses conclusions indemnitaires dont il s'était désisté. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont omis de répondre à des moyens.

4. Enfin, la circonstance que l'exemplaire notifié du jugement ne comporte pas les signatures du président de la formation de jugement, du magistrat rapporteur et du greffier d'audience est sans influence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale : " Lorsqu'une décision d'isolement d'office initial ou de prolongation est envisagée, la personne détenue est informée, par écrit, des motifs invoqués par l'administration, du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations. Le délai dont elle dispose ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat, si elle en fait la demande. Le chef d'établissement peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue et à son avocat les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires (...). ".

6. D'une part, comme l'a jugé le tribunal, ces dispositions n'instaurent pas un délai de trois jours entre la transmission de la procédure et le débat contradictoire. M. B...ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de la circulaire du 14 avril 2011 relative au placement à l'isolement des personnes détenues, qui ne contient aucune mesure impérative mais se borne à adresser des recommandations aux services. D'autre part, l'intéressé, dont le dossier lui a été remis le 6 juillet 2015 à 16 heures, n'établit pas que le directeur de la maison centrale lui en aurait refusé la complète communication.

7. Aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ".

8. La circonstance que les signataires de la notification de la mise en oeuvre de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et de la décision du 3 juillet 2015 de placement au quartier d'isolement à titre provisoire ne seraient pas identifiables est sans incidence sur la légalité de la décision du 7 juillet 2015 contestée. Il ressort des mentions portées sur cette décision que l'initiale du prénom et le nom du signataire, la signature ainsi que la qualité du signataire, directeur de la maison d'arrêt, figurent de manière parfaitement lisible sur cette décision. L'ensemble de ces mentions permettaient à M. B...d'identifier sans ambiguïté son auteur. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000.

9. Aux termes de l'article R. 57-7-66 du code de procédure pénale : " Le chef d'établissement décide de la mise à l'isolement pour une durée maximale de trois mois. Il peut renouveler la mesure une fois pour la même durée (...) ". Aux termes de l'article R. 57-6-24 du même code : " (...) Pour l'exercice des compétences définies par le présent code, le chef d'établissement peut déléguer sa signature à son adjoint (...) ".

10. Le directeur de la maison d'arrêt, en sa qualité d'adjoint au directeur du centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure, avait reçu délégation de signature à l'effet de signer, au nom de cette autorité, les décisions de placement, par une décision du 27 février 2015, publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Allier le 18 mars 2015. Eu égard à l'objet d'une délégation de signature qui, quoique constituant un acte réglementaire, n'a pas la même portée à l'égard des tiers qu'un acte modifiant le droit destiné à leur être appliqué, sa publication au recueil des actes administratifs, qui permet de donner date certaine à la décision de délégation prise par le chef d'établissement, a constitué une mesure de publicité suffisante pour rendre les dispositions de la délégation de signature opposables aux tiers, notamment à l'égard des détenus de l'établissement pénitentiaire. M. B...n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision du 7 juillet 2015 du directeur de la maison d'arrêt le plaçant à l'isolement aurait été prise par une autorité incompétente en l'absence d'affichage de la décision du 27 février 2015 dans un endroit accessible par lui.

11. La décision contestée est motivée en droit par la référence faite aux articles R. 57-7-62 à R. 57-7-78 de la section 2 du code de procédure pénale relative à l'isolement et énonce, de manière suffisamment circonstanciée en fait, les motifs qui ont conduit le directeur de la maison d'arrêt du centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure à placer à l'isolement M.B.... Elle satisfait ainsi à l'obligation de motivation. Le directeur de la maison d'arrêt n'était pas tenu par les dispositions de l'article R. 57-7-68 du code de procédure pénale applicables en cas de prolongation exceptionnelle au-delà de deux ans de mentionner les raisons pour lesquelles il estimait que l'isolement constituait l'unique moyen d'assurer la sécurité des personnes ou de l'établissement.

12. Aux termes de l'article R. 57-7-62 du code de procédure pénale : " La mise à l'isolement d'une personne détenue, par mesure de protection ou de sécurité, qu'elle soit prise d'office ou sur la demande de la personne détenue, ne constitue pas une mesure disciplinaire (...). ".

13. M. B...reprend en appel, sans les assortir d'aucun élément nouveau pertinent, les moyens tirés de ce que la décision de placement à l'isolement du 7 juillet 2015 est entachée d'inexactitude matérielle, d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir. Il y lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges qui n'appellent pas de nouveaux développements.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par suite sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des frais du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 mai 2019.

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N° 17LY01840


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01840
Date de la décision : 09/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-09;17ly01840 ?
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