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06/05/2019 | FRANCE | N°18LY04138

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 06 mai 2019, 18LY04138


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 juin 2018 par lesquelles le préfet de la Savoie l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1804590 du 23 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enr

egistrée le 22 novembre 2018, M. B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier, avocats, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 17 juin 2018 par lesquelles le préfet de la Savoie l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1804590 du 23 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2018, M. B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 23 octobre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet de la Savoie qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Dèche, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais né le 19 mars 1993, est arrivé en France début 2017, selon ses déclarations. Il a présenté une demande d'asile rejetée par une décision de l'Office français pour les réfugiés et les apatrides en date du 7 juillet 2017. Le 16 juin 2018, il a fait l'objet d'un contrôle de police routier et a été placé en garde à vue pour des faits de conduite sans permis. Par arrêté du 17 juin 2018, le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a désigné le pays de renvoi. M. B... fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est arrivé récemment en France et n'a jamais effectué de démarches en vue de régulariser sa situation administrative. S'il se prévaut de son mariage avec une compatriote bénéficiant de la protection subsidiaire, celui-ci ne date que du 9 juin 2018, soit huit jours avant la date de la décision contestée. La seule production d'attestations de tiers ne permet pas d'établir de façon certaine la durée et la stabilité de leur relation, ni même l'ancienneté de leur communauté de vie. De plus, s'il se prévaut de la grossesse de son épouse, les intéressés ne pouvaient ignorer dès le début de leur relation que leurs perspectives communes d'installation en France étaient incertaines, en l'absence de droit au séjour détenu par M. B.... Par ailleurs, le requérant ne justifie pas être dépourvu d'attache dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de séjour et des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision contestée ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle ne méconnaît pas, dès lors, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il ressort des circonstances de fait précitées qu'en ne régularisant pas sa situation, le préfet de la Savoie n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de M. B....

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

5. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle lui refusant un délai de départ volontaire.

6. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) ".

7. Il ressort de la décision contestée que M. B... a déjà fait l'objet d'un arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français pris par le préfet de la Savoie le 18 août 2014. En outre, l'intéressé a été interpellé par les services de police pour des faits de conduite sans permis. S'il se prévaut de son mariage et de ce que la décision lui refusant un délai de départ volontaire entraînerait pour lui l'impossibilité d'assister à la naissance de son enfant, ces éléments ne peuvent être regardés comme constituant des circonstances particulières au sens des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant de considérer que l'existence d'un risque de fuite de l'intéressé ne serait pas établie alors, au demeurant, que la seule attestation d'hébergement manuscrite de la soeur de l'intéressé ainsi que sa possession d'un passeport en cours de validité ne permettent pas, à eux seuls, d'établir que M. B... présenterait des garanties de représentation suffisantes. Dès lors, le préfet a pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, refuser d'octroyer un délai de départ volontaire à M. B....

8. En troisième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, qui avaient été transposées en droit interne à la date de la décision en litige.

9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, la décision portant refus d'un délai de départ volontaire ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

10. L'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle fixant le pays de destination.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Souteyrand, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 mai 2019.

Le rapporteur,

P. DècheLe président,

J.-P. Clot

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 18LY004138


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04138
Date de la décision : 06/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-06;18ly04138 ?
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