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11/04/2019 | FRANCE | N°18LY00195

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 18LY00195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant global de 146 679,82 euros, avec les intérêts moratoires à compter de la réception de sa demande préalable du 2 mars 2012.

Par une ordonnance n° 1701487 du 29 décembre 2017, le juge des référés a condamné l'Etat à verser à M. A...une provision d'un montant de 108 364,47 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2014 sur un montant

de 91 460,11 euros, à compter du 1er mai 2014 sur un montant de 12 711,26 euros, et du 13 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant global de 146 679,82 euros, avec les intérêts moratoires à compter de la réception de sa demande préalable du 2 mars 2012.

Par une ordonnance n° 1701487 du 29 décembre 2017, le juge des référés a condamné l'Etat à verser à M. A...une provision d'un montant de 108 364,47 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2014 sur un montant de 91 460,11 euros, à compter du 1er mai 2014 sur un montant de 12 711,26 euros, et du 13 juin 2017 sur un montant de 4 193,10 euros.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 janvier 2018 et le 30 janvier 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler cette ordonnance, de rejeter la demande de première instance de M.A..., et de rejeter ses conclusions d'appel incident.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière, étant insuffisamment motivée s'agissant de la réponse à l'exception de prescription opposée en première instance ;

- la créance dont se prévaut M. A...est prescrite, au regard des dispositions de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- les moyens soulevés par M. A...à l'appui de ses conclusions d'appel incident ne sont pas fondés, en se rapportant à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2018, M.A..., représenté par la SCP Richard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision supplémentaire d'un montant global de 38 315,35 euros, avec les intérêts moratoires à compter de la réception de sa demande préalable du 2 mars 2012 ;

3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais du litige.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée est irrecevable, n'étant pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- l'exception de prescription opposée en défense est irrecevable, n'étant pas assortie des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ne sont pas fondés ;

- il est fondé à obtenir une provision au titre des années 1972 et 1973, évaluée au regard des dispositions de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale prévoyant l'existence d'une assiette forfaitaire, correspondant, d'une part, au montant des cotisations patronales et salariales qu'il aura à acquitter en lieu et place de l'Etat, son employeur, pour ces années, et d'autre part, au montant des pensions de retraite au titre de la période comprise entre le 1er avril 2016, date de son admission à la retraite salariée et la date du versement par l'Etat de ces cotisations ;

- il est fondé à obtenir une provision au titre des années 1990 et 1991, s'agissant des sommes versées durant ces années pour des missions effectuées avant le 31 décembre 1989 correspondant, d'une part, au montant des cotisations patronales et salariales qu'il aura à acquitter en lieu et place de l'Etat, son employeur, pour ces années, et d'autre part, au montant des pensions de retraite au titre de la période comprise entre le 1er avril 2016, date de son admission à la retraite salariée et la date du versement par l'Etat de ces cotisations.

Par ordonnance du 31 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne,

- et les conclusions de MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., au cours de sa carrière de vétérinaire libéral, a assuré des missions de prophylaxie collective des maladies d'animaux dans le cadre d'un mandat sanitaire que l'Etat lui a confié au cours des années 1974 à 1989 sur le territoire du département de Saône-et-Loire. Au titre de ces missions, il a perçu des rémunérations de l'Etat, assimilables à des salaires, qui n'ont pas donné lieu à cotisation aux régimes de retraites gérés par la caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) et l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) et qui, par suite, n'ont pas été prises en compte dans le calcul de ses droits à pension. M. A...a fait valoir ses droits à la retraite, d'abord au titre de son activité libérale le 1er janvier 2001, puis en qualité de salarié, le 1er avril 2016, pour sa partie relevant de l'IRCANTEC, et le 1er janvier 2017 pour sa partie servie par la CARSAT. M. A...a formé une réclamation préalable indemnitaire auprès du directeur départemental de la protection des populations de Saône-et-Loire par courrier du 2 mars 2012, pour obtenir le paiement d'une somme en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait du défaut de versement par l'Etat de ces cotisations. Le ministre en charge de l'agriculture, qui a reconnu le principe de la responsabilité de l'Etat, a présenté à M. A...une proposition d'assiette de ces cotisations, par courrier du 21 mars 2013. M. A...a, après avoir accepté cette proposition par courrier du 25 juillet 2013, reçu le même jour, finalement entendu contester la proposition de l'administration notamment au motif qu'elle ne prenait pas en compte les années 1972 et 1973 et les salaires versés postérieurement au 31 décembre 1989 correspondant au mandat qu'il avait exercé avant cette date. M. A...a, en se fondant sur les bases chiffrées qu'il a déterminées, demandé au juge des référés du tribunal administratif du tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant global de 146 679,82 euros, avec les intérêts moratoires à compter de la réception de sa demande préalable du 2 mars 2012. Par une ordonnance n° 1701487 du 29 décembre 2017, le juge des référés a condamné l'Etat à verser à M. A...une provision d'un montant de 108 364,47 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2014 sur un montant de 91 460,11 euros, à compter du 1er mai 2014 sur un montant de 12 711,26 euros, et du 13 juin 2017 sur un montant de 4 193,10 euros. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel de cette ordonnance, par la voie de l'appel principal, M. A...relevant également appel de la même ordonnance, par la voie de l'appel incident, nécessairement en tant qu'elle ne lui a pas accordé une provision supplémentaire d'un montant de 38 315,35 euros.

Sur la provision :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision le cas échéant assortie d'une garantie que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

3. Le préjudice ouvrant droit à réparation au profit de M. A...et dont il a sollicité l'indemnisation auprès du juge des référés du tribunal administratif de Dijon correspond, d'une part, à son droit au remboursement du montant des cotisations patronales et salariales qu'il aura, en vertu de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, à acquitter au lieu et place de l'État, son employeur, pour la période durant laquelle il a exercé des activités au titre de son mandat sanitaire, tant auprès de la CARSAT que de l'IRCANTEC afin de percevoir une pension de retraite salariée complète, et d'autre part, à la différence entre le montant des pensions de retraite en qualité de salarié qu'il a perçues, minorées faute de versement de ces cotisations, pour la période allant de la date à laquelle il a liquidé sa pension de retraite au titre de son activité salariée à celle du versement par l'Etat des mêmes cotisations, et le montant des pensions qu'il aurait dû percevoir si ces cotisations avaient été acquittées en temps utile.

4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ".

5. Une créance telle que celle dont se prévaut M.A..., correspondant au droit au bénéfice d'une pension de retraite au titre de l'activité qu'il a effectuée dans le cadre du mandat sanitaire qui lui avait été accordé par l'Etat, se rattache à l'année au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c'est-à-dire en principe celle au cours de laquelle l'intéressé a cessé son activité et fait valoir ses droits à la retraite.

6. D'une part, il résulte de l'instruction que M. A...a fait valoir ses droits à la retraite au titre de son activité libérale à compter du 1er janvier 2001, comme l'indique le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, et a pu connaître à l'occasion de la liquidation de cette pension l'étendue de son préjudice. Si M. A...se prévaut de qu'il a fait valoir ses droits à la retraite en qualité de salarié, le 1er avril 2016, pour sa partie relevant de l'IRCANTEC, et le 1er janvier 2017 pour sa partie servie par la CARSAT, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'il ait pu être en mesure de connaître, dès le 1er janvier 2001, le préjudice dont il fait état dans toute son étendue. Dans ces conditions, le délai de prescription quadriennale a couru à compter du 1er janvier 2002 et était expiré lorsque M. A...a saisi le directeur départemental de la protection des populations de Saône-et-Loire d'une réclamation préalable indemnitaire par courrier du 2 mars 2012, pour obtenir le paiement d'une somme en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait du défaut de versement par l'Etat de ces cotisations.

7. D'autre part, la nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d'un mandat sanitaire avait été clairement établie, compte tenu notamment de la reconnaissance aux intéressés de la qualité d'agent public de l'Etat par des décisions du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, des 12 juillet 1969 et du 12 juin 1974, ayant donné lieu à diffusion et dont la teneur a été retranscrite les années suivantes dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts. C'est seulement à compter du 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural, que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre d'un mandat sanitaire, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, ont été " assimilées " à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Si M. A...produit des documents attestant que de nombreux services administratifs ont néanmoins traité ces rémunérations, avant voire même après 1990, comme des honoraires, il ne ressort pas de ces pièces qu'il n'aurait pas été en mesure, à la date à laquelle il a obtenu une pension de retraite correspondant à son activité libérale, de disposer d'indications suffisantes quant au caractère salarial des rémunérations qu'il avait perçues et à l'obligation de cotisation qui en découlait pour l'Etat jusqu'en 1989. Ainsi, M. A...ne pouvait, au moment où ses droits à obtenir une pension au titre de son activité libérale ont été liquidés, être légitimement regardé, au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, comme ignorant l'existence de sa créance.

8. Dans ces conditions, ainsi que le soutient le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la régularité de l'ordonnance attaquée, la créance qu'invoque ce dernier est atteinte par la prescription.

9. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir, par la voie de l'appel principal, que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser à M. A...une provision d'un montant de 108 364,47 euros, avec les intérêts taux légal à compter du 30 septembre 2014 sur un montant de 91 460,11 euros, à compter du 1er mai 2014 sur un montant de 12 711,26 euros, et du 13 juin 2017 sur un montant de 4 193,10 euros. D'autre part, M. A...n'est en conséquence pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision supplémentaire d'un montant global de 38 315,35, euros, avec les intérêts moratoires à compter de la réception de sa demande préalable du 2 mars 2012.

Sur les frais liés au litige :

10. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées par M. A...doivent donc être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1701487 du 29 décembre 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon est annulée.

Article 2 : La demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de Dijon et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller,

Lu en audience publique le 11 avril 2019.

6

N° 18LY00195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00195
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968 - Point de départ du délai.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SCP YVES RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-11;18ly00195 ?
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