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11/04/2019 | FRANCE | N°17LY02363

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 17LY02363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant global de 288 249,36 euros, avec les intérêts à compter du 17 février 2012.

Par une ordonnance n° 1700183 du 30 mai 2017, le juge des référés a condamné l'Etat à verser à Mme A...une provision d'un montant de 288 249,36 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 17 février 2012.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregist

rée le 14 juin 2017, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler cett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant global de 288 249,36 euros, avec les intérêts à compter du 17 février 2012.

Par une ordonnance n° 1700183 du 30 mai 2017, le juge des référés a condamné l'Etat à verser à Mme A...une provision d'un montant de 288 249,36 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 17 février 2012.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2017, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler cette ordonnance, ou à défaut, de la réformer.

Il soutient que :

- à titre principal, la créance dont se prévaut Mme A...est prescrite, au regard des dispositions de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- à titre subsidiaire, la provision sollicitée n'est pas justifiée à hauteur de 175 471,65 euros s'agissant du montant des cotisations salariales et patronales relatives à l'activité de M. A..., au regard des dispositions des articles R. 351-11 et D. 353-1 du code de la sécurité sociale, l'intéressée n'ayant pas de préjudice ;

- à titre subsidiaire, la provision sollicitée n'est pas justifiée à hauteur de 112 777,71 euros s'agissant du différentiel de pensions de réversion échues depuis la liquidation par l'intéressée de sa pension de réversion relative aux salaires perçus par M. A..., au regard des dispositions de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale ;

- à titre subsidiaire, la provision sollicitée n'est pas justifiée s'agissant du différentiel de pensions de réversion échues depuis la liquidation de sa pension de réversion par l'intéressée relative aux salaires perçus par M.A..., au titre années 1990 et 1991, au regard de l'article 10 de la loi du 22 juin 1989 ;

- à titre subsidiaire, la provision sollicitée n'est pas justifiée à hauteur de 112 777,71 euros s'agissant du différentiel de pensions de réversion échues depuis la liquidation de sa pension de réversion par l'intéressée relative aux salaires perçus par M. A..., au regard des dispositions des articles L. 353-1, D. 353-1, D. 353-1-1 et L. 353-3 du code de la sécurité sociale ;

- à titre subsidiaire, la provision sollicitée ne peut être justifiée qu'à hauteur de 10 450,41 euros, l'intéressé n'étant susceptible de prétendre qu'au différentiel de pensions de réversion échues depuis la liquidation de sa pension de réversion correspondant au régime de l'IRCANTEC, au regard des dispositions des articles 15 et 20 de l'arrêté du 30 décembre 1970.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2017, MmeA..., représentée par la SCP Richard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 17 janvier 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 89-412 du 22 juin 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne,

- les conclusions de MmeE... ;

- les observations de Mme B...D..., pour sa mère, Mme C...A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., décédé le 1er juin 1991, dont MmeA... était l'épouse, a au cours de sa carrière de vétérinaire libéral assuré des missions de prophylaxie collective des maladies d'animaux dans le cadre d'un mandat sanitaire que l'Etat lui a confié au cours des années 1961 à 1989 sur le territoire du département de Saône-et-Loire. Au titre de ces missions, il a perçu des rémunérations de l'Etat, assimilables à des salaires, qui n'ont pas donné lieu à cotisation aux régimes de retraites gérés par la caisse de retraite et de la santé au travail (CARSAT) et l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) et qui, par suite, n'ont pas été prises en compte dans le calcul des droits de Mme A...au titre d'une pension de réversion. Mme A...a fait valoir ses droits au bénéfice d'une pension de réversion, au titre de l'activité libérale de son époux, à compter du 1er juin 2000, et au titre de l'activité salariée de ce dernier le 1er juillet 2016. Elle a formé une réclamation préalable indemnitaire auprès du directeur départemental de la protection des populations de Saône-et-Loire par courrier du 15 février 2012, reçu le 17 février 2012, pour obtenir le paiement d'une somme en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait du défaut de versement par l'Etat de ces cotisations pour l'activité de son époux. Le ministre en charge de l'agriculture n'a toutefois pas répondu explicitement à une telle demande. Mme A...a, en se fondant sur les bases chiffrées qu'elle a déterminées, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Dijon de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant global de 288 249,36 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 17 février 2012. Par une ordonnance n° 1700183 du 30 mai 2017, dont le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel, le juge des référés a fait droit à cette demande.

Sur la provision :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision le cas échéant assortie d'une garantie que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

3. Le préjudice ouvrant droit à réparation au profit de Mme A...et dont elle a sollicité l'indemnisation auprès du juge des référés du tribunal administratif de Dijon correspond, d'une part, à son droit au remboursement du montant des cotisations patronales et salariales qu'elle aura, en vertu de l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, à acquitter pour son époux décédé au lieu et place de l'État, l'employeur de son époux, pour la période durant laquelle ce dernier a exercé des activités au titre de son mandat sanitaire, tant auprès de la CARSAT que de l'IRCANTEC afin de percevoir une pension de réversion complète, et d'autre part, à la différence entre le montant des pensions de réversion qu'elle a perçues, minorées faute de versement de ces cotisations, pour la période allant de la date à laquelle elle a sollicité une pension de réversion au titre de l'activité salariée de son époux à celle du versement par l'Etat des mêmes cotisations, et le montant des pensions qu'elle aurait dû percevoir si ces cotisations avaient été acquittées en temps utile.

4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ". Aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ".

5. Une créance telle que celle dont se prévaut MmeA..., correspondant au droit au bénéfice d'une pension de réversion au titre de l'activité de son époux effectuée dans le cadre du mandat sanitaire qui lui avait été accordé par l'Etat, se rattache à l'année au cours de laquelle le préjudice est connu dans toute son étendue, c'est-à-dire en principe celle au cours de laquelle son époux a cessé son activité et fait valoir ses droits à la retraite.

6. D'une part, au cas présent, dès lors que M. A...est décédé le 1er juin 1991, date à laquelle il n'avait pas encore cessé son activité et fait valoir ses droits à la retraite, la créance de Mme A...se rattache à l'année au cours de laquelle elle a obtenu une pension de réversion au titre de cette activité. Il résulte de l'instruction que Mme A...a obtenu une pension de réversion correspondant à l'activité libérale de son époux à compter du 1er juin 2000, comme l'indique le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, et a pu connaître à l'occasion de la liquidation de cette pension l'étendue de son préjudice. Si Mme A... se prévaut de ce qu'elle n'a obtenu une pension de réversion au titre de l'activité salariée de son époux qu'à compter du 1er juillet 2016, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'elle ait pu être en mesure de connaître, dès le 1er juin 2000, le préjudice dont elle fait état dans toute son étendue. Dans ces conditions, le délai de prescription quadriennale a couru à compter du 1er janvier 2001 et était expiré lorsque Mme A...a saisi le directeur départemental de la protection des populations de Saône-et-Loire d'une réclamation préalable indemnitaire par courrier du 15 février 2012, reçu le 17 février 2012.

7. D'autre part, la nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d'un mandat sanitaire avait été clairement établie, compte tenu notamment de la reconnaissance aux intéressés de la qualité d'agent public de l'Etat par des décisions du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, des 12 juillet 1969 et du 12 juin 1974, ayant donné lieu à diffusion et dont la teneur a été retranscrite les années suivantes dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts. C'est seulement à compter du 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural, que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre d'un mandat sanitaire, pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, ont été " assimilées " à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Si Mme A...produit des documents attestant que de nombreux services administratifs ont néanmoins traité ces rémunérations, avant voire même après 1990, comme des honoraires, il ne ressort pas de ces pièces qu'elle n'aurait pas été en mesure, à la date à laquelle elle a obtenu une pension de réversion correspondant à l'activité libérale de son époux, de disposer d'indications suffisantes quant au caractère salarial des rémunérations que ce dernier avait perçues et à l'obligation de cotisation qui en découlait pour l'Etat jusqu'en 1989. Ainsi, Mme A...ne pouvait, au moment où ses droits à obtenir une pension de réversion au titre de l'activité libérale de son époux ont été liquidés, être légitimement regardée, au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, comme ignorant l'existence de sa créance.

8. Dans ces conditions, ainsi que le soutient le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, la créance qu'invoque Mme A...est atteinte par la prescription.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à verser à Mme A...une provision d'un montant de 288 249,36 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 17 février 2012.

Sur les frais liés au litige :

10. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées par Mme A...doivent donc être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1700183 du 30 mai 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le juge des référés du tribunal administratif de Dijon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à Mme C...A....

Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 avril 2019.

5

N° 17LY02363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02363
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale - Régime de la loi du 31 décembre 1968 - Point de départ du délai.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SCP YVES RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-11;17ly02363 ?
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